24.1.08

Du bus à l'orgueil

Quelque chose m'intrigue depuis quelques semaines, quelques mois presque. Quand il y a du monde dans le bus ou le métro, pour descendre deux files se forment, une à gauche une à droite. Jusque là rien que du très classique. Et bien régulièrement je me retrouve entre ces deux files, me faisant couper le passage à la fois par ceux de gauche et ceux de droite, je ne sais pas comment je me débrouille. Du coup soit je dois laisser passer tout le monde, soit bousculer quelqu'un pour intégrer une des deux files. Ca donne finalement une incroyable métaphore de mon inadéquation sociale en quelque sorte.
Comme j'ai l'habitude d'analyser, je me suis aussi demandé si par hasard je ne voudrais pas passer au milieu suite à un trop plein d'orgueil, comme un "moi je passe" royal. Mais ça ne me semble pas du tout plausible, tous mes comportements en public visant à la discrétion maximale. Il est vrai que je suis parfois à la recherche de comportements originaux mais jamais à la recherche d'attirer l'attention.
Je ne suis pas sûr d'avoir déjà évoqué cette question de l'orgueil. Je souffre clairement d'un complexe de supériorité, me sachant plus intelligent que la moyenne d'une part, et plus réfléchi d'autre part. Tout ceci a été renforcé avec le temps par la différence entre mes aspirations et celles de la moyenne, ainsi que par mes analyses de la bêtise ambiante récurrente. Sûrement qu'à des périodes ça a du me mener à avoir des comportements orgueilleux sans m'en rendre compte, je pense surtout à la période où j'étais le plus proche du suicide. Mais par la suite j'en suis venu régulièrement à faire attention, à me poser la question, à analyser dans quelle mesure je m'en rendais coupable. Et comme en plus je pense bien être quelqu'un de modeste à la base (chose peu évidente à autodéfinir, je me base sur les retours que j'ai eu durant mon existence), considérations susmentionnées mises à part, je suppose que je n'ai maintenant ces comportements qu'assez rarement. Mais il faut toujours rester vigilant, et en auto-analyse.


[Ajout d'une semaine plus tard : Il faut revenir brièvement sur la question de l'orgueil. Il y a un paradoxe entre le fait que j'ai tendance à être imbu de moi-même (voir les causes ci-dessus) et le manque de confiance en moi que j'ai d'une manière générale, sur le plan social. Soit c'est juste paradoxal, soit c'est que ce sont deux confiances en soi différentes.
De toute façon, le sujet de ma timidité sociale est consistant, une question étant est-ce que c'est principalement du à ma personnalité de base ou aux rapports que j'ai eu avec les autres pour forger cette personnalité, ou encore au manque de points communs que j'ai avec les autres ?
Je suis sans doute "asocial" (c'est pas le mot en fait, c'est plus compliqué que ça, ça ne se définit pas en un mot) en partie parce que les conversations (sociales, forcément...) sont naturellement d'un niveau peu élevé. Je ne juge pas cela, comment les conversations extraprofessionnelles pourraient-elles être d'un niveau soutenu, c'est quand même la détente à la base... Et puis même, ma thèse sur les conversations orales fait déjà allusion au fait que leur forme même (l'oral) complique la tâche de les élever intellectuellement. En même temps on peut faire un parallèle avec les activités qu'on a en dehors du boulot, je sais que moi je suis souvent en train de repratiquer des activités où il faut réfléchir, même si occasionnellement je suis content après une journée harassante de juste me poser devant la télé et de me laisser bercer. Ca me semble possible de rester dans de la sollicitation intellectuelle même dans le temps libre, mais c'est un choix, une aspiration.]

19.1.08

Un peu de poésie

Je suis assis dans le métro à côté d'une jeune fille. Elle lit. Je lorgne sur son livre et vois que c'est écrit en anglais. Je ne sais pas si elle parle français, I guess, ne sommes-nous pas en France ? Je suppose qu'elle est au moins bilingue. Peut-être fait-elle des études de langues. Je n'ai même pas encore vu à quoi elle ressemble mais elle me plaît déjà. Nous descendons à la même station. Je la suis jusqu'à ce que nos chemins divergent. Je ne vois toujours pas grand chose mais j'ai l'impression qu'elle dégage un charme élégant. Peut-être juste la conséquence mentale de l'information précédente glanée sur le bilinguisme. Elle disparaît dans la nuit. Je vais voir dans combien de temps mon bus arrive, puis je fais les cent mètres jusqu'à l'arrêt de tram, pour aller voir la même chose. Marchant toujours lentement, d'humeur indéfinissable dans cette nuit pluvieuse, je reviens à l'arrêt de bus, pensant à l'inconnue du soir, mélancolique de ma solitude.

18.1.08

A la soupireuse au tract

J'allais mettre soupirante mais c'est différent.
L'autre jour sortant d'une bouche de métro je tombe sur une jeune distributrice de tracts, au milieu du passage. Je prends soin de me mettre le plus à droite possible pour lui signifier que je n'ai aucune espèce d'intention d'accepter son papier mais son bras me poursuit sur un ou deux mètres. Je m'esquive et fuis (!). Peut-être avec un refus poli je ne sais plus. (C'est ironique car souvent je parle tellement peu fort que je suis sûr que des gens ne m'entendent pas, quand je dis des bonjour, au revoir, merci, pardon, à des passants, des vendeurs, des chauffeurs. Et bref) Et là je suis à peine à deux mètres que je l'entends soupirer, que dis-je, gémir presque. Je passe mon chemin et poursuis ma route mais vingt-deux mètres plus loin (ou je sais pas combien) je trouve toute la tirade que j'aurais dû lui sortir.
Il y a quelques années j'étais proche du niveau zéro de la communication sociale et je suppose que j'en aurais été incapable, maintenant c'est différent et je pense que j'aurais pu. La seule question est de savoir si tout pouvait venir comme ça sur le moment ou si les vingt-deux mètres ont été nécessaires à la maturation. Je vous laisse vous reporter à mes (pas si) grands travaux sur les différences entre communication orale et écrite. La tirade donc, en gros hein :
"Attends-là, t'as ptet pas vu que je faisais un écart de trois mètres pour pas le prendre ton tract ? Ou alors tu préfères que je le prenne pour le balancer directement dans la prochaine poubelle, c'est ça ? Si ça t'arrange je peux même te les prendre tous pour la remplir. Et si ça te fait si mal que je le prenne pas tu ferais mieux d'arrêter tout de suite. Déjà le job de distributeur de tract est ingrat, tu dois absolument savoir essuyer un refus sans gémir ni soupirer, ou alors mentalement, et encore. Je veux dire tu le savais quand tu t'es lancée là-dedans non ? Bon mais le truc c'est que je sais déjà que ça ne m'intéresse pas, si si je le sais déjà parce que ça ne peut pas m'intéresser, c'est impossible. Je ne peux être intéressé ni par quelque chose à acheter, ni par quelque chose à aller voir, ni par une cause humanitaire, sociale ou politique, ni par l'ouverture d'un magasin, un bar ou pire encore, par rien entends-tu ? Je le sais comme on peut parfois savoir que quelque chose ne nous plaira pas avant même de l'avoir essayé. Je le sais, c'est tout. Et si je fais le pire écart pour m'en éloigner c'est pour ça. Maintenant à part aller t'en jeter comme je te l'ai dit je ne peux rien faire pour toi à part te souhaiter une grande carrière dans la distribution ou au choix beaucoup de courage pour terminer celle-ci."
Je dis pas que c'était exactement ça mais les idées sont là. Ah la la, la bienheureuse d'y avoir échappé.

9.1.08

Cosmopolitanisme

J'entends régulièrement dans le métro ou le bus des discussions en langues étrangères. Un peu comme tout le monde (I guess) je me dis à la fois qu'on ne se sent plus chez soi, et à la fois que ce cosmopolitanisme est plaisant. Mais m'arrive ensuite une réflexion qui m'est probablement (possiblement ?) tout à fait propre, qui est de remarquer que lorsqu'une discussion a lieu près de moi je trouve ça vraiment plus agréable de ne rien comprendre. J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises le fait que j'avais souvent du mal à supporter d'entendre les discussions des autres, je ressens un malaise puisque j'analyse simultanément le fait que ça soit vide, creux, pauvre intellectuellement, banal, parfois débile, et ça me fait du mal. C'est à n'en pas douter une des raisons de mes mal être de ces cinq, sept, neuf dernières années. Bref et donc si je vivais dans un autre pays, ne comprenant rien à ce qui se dit la plupart du temps autour de moi, ça serait déjà ça en moins ! Et donc si en France il commence à y avoir de plus en plus de personnes qui parlent étranger, au delà du double sentiment classique, personnellement j'apprécie.