27.12.08

Crédit immobilier : chiffres et philosophie

J'ai rendez-vous à la banque cette semaine, il survient suite à la fin de mon livret jeune, c'est mon premier rendez-vous sérieux. Au début je me suis dit que j'allais esquiver ce rendez-vous étant donné que je vais simplement transférer l'argent sur un autre livret. Sauf qu'évidemment la banque voudrait profiter de cette échéance pour me proposer différentes choses. C'est bien pour ça que je voulais l'esquiver d'ailleurs, et c'est bien pour ça qu'au téléphone ils ont insisté, même si c'était de manière subtile.
On sait bien que ceux qui s'en sortent le mieux dans ce pays ce sont les banques, les compagnies d'assurance et les agences immobilières. Quand un magasin disparaît il est souvent remplacé par l'une des ces 3 agences. J'en ai eu une explication flagrante il y a quelques années, épisode qui vaut d'être relaté ici.

Je venais de me faire voler un ordinateur portable et un autoradio dans la voiture. La compagnie d'assurance indique que ce n'est pas pris en charge dans le contrat souscrit par mes parents, j'insiste et demande un rendez-vous, que j'obtiens. Une fois sur place ça a été terrible. Je commence à négocier en disant que cela fait 15 ans qu'on est dans cette compagnie, que tout n'était pas clair au moment de la signature du contrat, qu'ils pourraient faire un geste, etc. J'avais tous les arguments et il m'aurait vraiment semblé logique qu'ils fassent un minimum. Mais en une minute tout a été balayé, s'appuyant sur le simple fait que le contrat ne couvrait pas ce vol, et ensuite la situation s'est même inversée puisque l'agent, voyant mon âge, commence à me demander si je ne projette pas bientôt de louer un appartement, d'acheter une voiture, et que surtout si c'est le cas je commence à lui en parler en prévision de la future assurance de ces biens ! Vraiment le piège qui se referme ! Sur le coup j'ai été trop surpris par le processus pour m'en dépêtrer, ce n'est qu'après que j'ai pu l'analyser et me rendre compte de tout son vice, du total manque de considération pour les êtres humains, du règne de l'argent. Ce jour-là j'ai compris pourquoi les compagnies d'assurance étaient toutes riches.

Fort de cette expérience mon attitude envers ces organismes est maintenant ultraméfiante, j'irai à ce rendez-vous en connaissance de cause car j'imagine bien qu'il y ressemblera. Et je vais maintenant même prendre un malin plaisir à inverser la situation, à leur montrer leur vice en flagrant délit si on peut dire, à les mettre devant leurs méthodes, etc.
J'avais déjà prévu de faire quelque chose de semblable lorsqu'un fournisseur de téléphonie mobile m'avait appelé à dix reprises dans la même journée pour me démarcher, j'avais dans l'idée de retourner la situation et de demander à la jeune opératrice si elle avait conscience de ce qu'elle faisait, dans le contexte économique actuel, si elle ne pensait pas qu'il valait mieux faire n'importe quoi d'autre pour gagner un peu d'argent, si elle avait la moindre idée des bénéfices mirobolants que se font l'entreprise qui la mandate et ses actionnaires, notamment grâce aux actions qu'elle entreprend actuellement, payée un salaire de misère. Le démarché qui pose les questions et l'opératrice qui doit répondre. Hélas à partir du moment où j'avais bouclé mon argumentaire ils n'ont plus rappelé. Je le garde sous le coude...

Depuis qu'un collègue m'a montré rapidement la ruine que représentait un emprunt à long terme pour l'achat d'un appartement, j'ai dans l'idée d'appeler un banquier pour lui mettre cette honte, dont il est parfaitement au courant, sous les yeux, et lui demander s'il trouve ça normal. Ce jour-là d'ailleurs j'ai mieux compris pourquoi les banques (ou autres organismes de crédits) étaient toutes riches. Une idée subsidiaire est d'enregistrer la conversation.
Mais finalement ce rendez-vous avec une conseillère va être l'occasion de cette petite confrontation. Je vais entamer une discussion sur un emprunt éventuel en vue d'un achat immobilier. Si elle connaît son travail elle sera trop ravi que je m'aventure sur ce terrain et là on risque de commencer à rigoler.
Faisons simple. Imaginons que je veuille acquérir un appartement à 110 000 €, avec un apport de 15 000 €. Le taux du crédit sera environ de 5%. Si on part sur environ 600 € par mois à rembourser, cela donne environ une durée d'emprunt de 22 ans. Disons un emprunt sur 20 ans, ce qui donne des mensualités de 627 €. Avez-vous une idée de combien aura coûté le crédit ? C'est-à-dire combien d'intérêts vous aurez versé à la banque pour avoir le droit qu'elle vous prête 95 000 € ? Réponse : 55 480 €. Je l'écris en français : on a donné 55 480 euros à la banque pour qu'elle nous prête 95 000 euros. C'est comme si l'appartement avait coûté 1,5 fois son prix : 165 480 €. Le pire dans cette histoire c'est peut-être la différence entre les riches et les pauvres, les riches pouvant faire des apports beaucoup plus importants et rembourser plus par mois, le coût du crédit pour eux peut s'avérer 2, 3, 4 fois moindre. Là on comprend un peu mieux pourquoi le fossé se creuse sans cesse.
Bref, je vais demander à ma conseillère si elle trouve normal de devoir payer plus de la moitié de la somme qu'on souhaite emprunter pour pouvoir l'emprunter. C'est vrai que le taux est de 5% par an mais au bout de 15, 20 ou 25 ans, c'est comme si on avait contracté un emprunt sur un an à 40, 50 ou 60 % ! Et les gens acceptent cela ! La société accepte cela ! A moins qu'elle ne soit pas au courant. Ou à moins qu'elle n'ait pas le choix. Le débat va rapidement venir sur la société, comptez sur moi. Je vais dévier sur l'intérêt d'acheter un appartement. Quel intérêt ? Ne plus payer de loyer au bout de 20-25 ans et posséder un bien qu'on peut vendre ou dont les enfants hériteront. Voyons les inconvénients : assignation géographique, coût du crédit, questions en cas de divorce.


Poursuite de l'étude et conclusions

Comparaison entre un achat (emprunt sur 20 ans, exemple précité) et une location (400€/mois).
Après 20 ans
Achat : coût 165 000 Epargne 0 + bien
Location : coût 96 000 Epargne 54 000 (225/mois)
Après 30 ans
Achat : Epargne 75 000 + bien
Location : Epargne 81 000
Après 40 ans
Achat : Epargne 150 000* + bien *sauf si retraite entamée
Location : coût 192 000 Epargne 108 000*
Après 50 ans
Achat : coût 165 000
Location : coût 240 000

Je viens de faire les calculs et je dois dire que j'étais prêt à démontrer le manque d'intérêt de l'achat mais en fait pour des personnes normales c'est financièrement intéressant, à partir de 25-30 ans après le début de l'emprunt cependant. Quelqu'un qui se contente de louer aura mis plus d'argent de côté pendant 20-25 ans (sans tenir compte du bien vendable). C'est donc vraiment une vision à long terme qui est nécessaire ici. Nous y arrivons... Comment demander une vision sur 30 ans à des personnes qui ont une trentaine d'années, qui n'ont pas la sécurité de l'emploi ni la sécurité du couple ? Et qui en plus savent qu'ils vont engraisser la banque ?

Le contexte économique est difficile et incertain, et il semblerait que ça va durer. C'est amusant car si on regarde le passé, avec la crise précédent la seconde guerre mondiale, puis les 30 glorieuses, on peut se dire que ça va ça vient, mais pourtant aujourd'hui c'est comme si on savait que ça va rester difficile, on ne voit pas d'où pourrait venir un mystérieux salut qui relancerait tout. On entend parfois dire sous forme de boutade "il faudrait une bonne guerre et ça repartirait", et finalement c'est ça, à part ça qui n'est évidemment ni souhaitable ni provocable, on voit mal un changement majeur survenir.
Le contexte matrimonial est difficile. Les personnes mariées représentent environ 50% de la population de plus de 15 ans. Entre 40 et 50% des mariages se terminent par un divorce (source Insee). L'incertitude de la durée et de l'issue du mariage représente probablement un frein à l'achat.
Dans ces deux contextes difficiles, s'assigner un lieu géographique "à vie" (bien qu'on puisse toujours vendre puis racheter, je ne sais pas s'il existe des statistiques sur le sujet) ou en tout cas durant la durée de remboursement de l'emprunt peut sembler risqué ou délicat.

Un élément clef en terme de motivation pour l'achat d'un bien immobilier est que cela sert à mieux profiter de la retraite. D'un point de vue individuel c'est probablement la motivation principale.
L'autre élément important serait l'héritage des enfants. Ah nous y revoilà, sacro-saints-enfants !
Des gens sont donc prêts à engraisser des banques, notamment, pour un peu de confort supplémentaire à leurs enfants, voire leurs proches, ainsi qu'une retraite plus confortable.
A propos des retraites d'ailleurs, ne répète-t-on pas qu'on n'aura pas de retraites ? Dans ce contexte j'imagine que c'est un argument supplémentaire pour pousser à l'achat, car si la retraite est déjà difficile mieux vaut ne pas en plus avoir à payer un loyer ! Vu sous cet angle c'est sûr... Mieux vaut aussi avoir pu épargner un peu plus. Bien qu'on se rende compte dans le petit tableau susmentionné que la différence n'est pas énorme, la retraite survenant plus ou moins entre 30 et 40 ans après le début de l'emprunt. La différence principale réside donc dans la possession de ce bien. Concrètement à quoi cela correspond-il ??

Le dernier point à soulever est bien entendu l'importance de l'argent, même si c'est un autre débat. Quand on se pose cette question majeure de l'achat, on présuppose déjà qu'on accorde une certaine importance à l'argent.

[Édit: Reparlons des banques. Ce n'est pas que sur les crédits immobiliers qu'ils gagnent de l'argent, c'est sur tous les crédits tout court.
Un argument pour expliquer cela serait "mais les gens ne peuvent pas réaliser leurs projets sans nous, si nous ne leur avançons pas l'argent". Terrible argument ! En effet il s'agit donc d'une gigantesque prise d'otage ! Les gens sont forcés de souscrire aux taux qu'on leur impose, ils n'ont pas le choix. C'est une des raisons qui expliquent que ça ne choque pas plus que ça qu'un crédit sur 20 ans coûte autant : pas le choix !!
Lors des crédits immobiliers, les banques se font de l'argent sur le dos de l'enfermement des gens, puisqu'acheter un appartement ou une maison c'est s'enfermer géographiquement. Les gens aiment historiquement beaucoup s'enfermer : par la propriété, par le travail, par la famille. Enfin, de nos jours, ils commencent à comprendre la valeur de la liberté et ils s'enferment moins : ils déménagent de plus en plus, divorcent (et se remarient) de plus en plus, changent de plus en plus de travail (bien qu'ils n'aient pas toujours le choix), etc.

Les gens ne se sont pas assez placés des 2 côtés pour accepter une telle relation déséquilibrée avec les banques. Rendons-nous compte qu'un simple crédit immobilier sur un appartement moyen rapporte sur 20 ans autour de 75 000 euros à la banque. Combien les gens réussissent-ils à épargner en moyenne en 20 ans ? J'ai l'impression que ça se joue dans ces eaux-là, que ça serait même plutôt bien... Sauf qu'évidemment une banque souscrit de nombreux crédits immobiliers, et crédits tout court, d'où leur monstrueuse plus value.
On me parlera des intérêts de l'épargne, l'argent fructifiant annuellement, une bonne chose non ? Hum, parlons des taux. Citons aussi le fait que les gens doivent parfois utiliser une partie de l'argent épargné pour des achats nécessaires, ou facultatifs. ]

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