Je suis obsédé par la question de l'activité intellectuelle. Je ne peux rester sans rien faire. Certes il y a ne rien faire et ne rien faire. Il n'est pas rare que je passe une journée entière à jouer/m'entraîner, et que le soir je sois dépité de n'avoir rien fait de "productif". Mais si mon esprit a été sollicité en permanence, de manière active, cela me convient probablement, et c'est pour ça que ça arrive souvent.
Maintenant la sollicitation permanente n'est pas non plus toujours possible. Après des journées de 13 heures, je ressens souvent le besoin de faire relâche en allumant la télé. Cette dernière fait passer le temps sans faire appel directement à une production cérébrale comme de la résolution de problèmes par exemple.
Il n'y a qu'un moment de la journée où je peux rester presque sans rien faire : le matin après que le réveil ait sonné. On parle souvent de "raison pour se lever le matin", et ce moment précis y correspond exactement. Je l'avais évoqué dans cette note récente.
En l'absence de motivation profonde pour aller faire ce que je dois faire, l'inertie s'abat sur moi et le lever se complexifie. J'ai toujours élevé très haut la question de savoir pourquoi on fait les choses, mais c'est chez moi rarement aussi bien illustré que par ce temps de latence matinal.
Au moment où on reparle beaucoup des théories freudiennes - notamment pour les remettre encore en cause - il apparaît donc que ce phénomène n'est assurément pas qu'un subterfuge anti-routine provoqué par mon inconscient.
Je continue d'aller mal.
Cela me fait penser à cette réponse à la question « Ça va ? » : « Non, mais j'ai l'habitude. »
Cela me rappelle également une note où je disais qu'hélas on s'habitue aux bonnes choses, ce qui fait qu'elles le deviennent de moins en moins, tandis qu'on s'habitue nettement moins aux mauvaises. Je ne crois pas que ça soit vrai à 100%, mais il y a quelque chose d'universel à ce que les humains ressentent plus fortement la souffrance que le bien être.
Peut-être que cela a un rapport direct avec le fait que l'humanité devrait tendre vers un état où le bien être est un état normal atteint par la majorité des humains. « Devrait tendre » est un peu pessimiste car normalement ça devrait être « tend ». Ainsi l'être humain ne pourrait naturellement se satisfaire d'un état qui selon la logique du progrès serait juste normal à terme, tandis qu'il est légitime de se révolter contre la souffrance.
Je pense moins au suicide cependant. J'y ai pensé régulièrement pendant plusieurs années et au bout d'un moment c'est juste impossible de continuer et il faut passer à autre chose – ou agir. Je suis passé à autre chose, par frousse en bonne partie, par révolte des virages que prend l'humanité dans une moindre mesure.
Il est logique de penser au suicide lorsqu'on ne vit pas vraiment. Il n'y a rien de plus compliqué que de trouver comment changer cet état de « ne pas vraiment vivre ». Certains diront qu'il faut vivre ceci ou cela pour se rendre compte de ce que c'est que vivre, mais ils ont tort. L'envie et les goûts sont fondamentaux. Et propres à chacun. Ce serait comme proposer à une personne désespérée d'un point de vue gastronomique de goûter à notre plat préféré, il n'y a aucune garantie que cela fonctionne, au contraire il y a même de fortes chances que cela échoue.
J'y pense moins mais c'est un cercle vicieux. Car en attendant je vis, enfin j'essaie, et plus je vis plus je me heurte à la réalité de l'existence, et plus elle me dégoûte, et plus j'en reviens finalement au suicide.
Normalement on ne revient plus sur une chose qu'on avait décidé de mettre de côté. Si on avait décidé pour une bonne raison et après mûre réflexion. Ce qui est forcément le cas en l'occurrence. Mais ici c'est différent car la conséquence même de la mise à l'écart, c'est-à-dire vivre, pousse à revenir sur ce qui avait été délaissé.
Mais je devrais plutôt me concentrer sur la recherche d'un nouvel élan.