31.12.10

Billet d'humeur

C'est marrant comme à force de ne rien faire on a tendance à oublier qu'on n'est pas adapté au monde qui nous entoure. Et comme quelques formalités consécutives vous le rappellent avec fracas.
J'en ai assez, j'en ai assez, j'en ai assez. Mes inadéquations avec le monde ne disparaissent évidemment pas. Aller faire réparer sa voiture. Aller au guichet de sa banque. Faire des comptes. Choisir quelque chose au restaurant. Envoyer des mails enthousiastes sans recevoir de réponse. Ne toujours pas savoir pourquoi se lever le matin. Finir par se lasser de manger systématiquement la même chose. Comprendre que le futur est encore bien plus compromis qu'on ne le croit car la majorité des parents ne savent plus éduquer leurs enfants. Comprendre que les gens vont de plus en plus mal mais qu'ils s'en rendent de moins en moins compte parce qu'il existe de plus en plus de substituts / artifices / divertissements pour leur faire oublier. Être désespéré, à juste titre.

P.S. Et dire que certaines personnes se font passer pour asociales. C'est amusant. Qu'elles commencent par vérifier qu'elles n'offrent aucun cadeau de Noël et ne souhaitent aucun voeux. On verra ensuite combien restent en lice.

29.12.10

Economie et inégalités

Comment peut-on encore s'étonner de l'accroissement des inégalités ? Le système économique tout entier contient tous les vices pour cela. A commencer par l'une des bases du système : les intérêts bancaires. Ceux-ci sont proportionnels aux sommes. Ainsi ceux qui ont beaucoup d'argent en banque voient cet argent augmenter tout seul de manière sensible tandis que ceux qui en ont peu ne voient que de petites augmentations.
Oh on peut dire que j'énonce là des évidences, tout le monde sait cela. Oui mais de nos jours les gens savent beaucoup plus de choses qu'il y a quelques siècles, même qu'il y a quelques décennies, mais ça ne suffit pas forcément. En effet savoir des choses isolées ne suffit pas à les voir dans leur ensemble et à avoir une vue globale. C'est une chose difficile et souvent les gens ne s'en rendent pas compte. Ils ont l'impression de savoir parce qu'ils savent comment fonctionnent les choses isolément mais c'est d'un intérêt limité si on ne comprend pas comment elles s'agencent entre elles et fonctionnent dans le système global.

Ce que je veux pointer ici c'est que l'un des fondements du système économique est l'un des fondements de l'accroissement - dramatique - des inégalités. Et je veux attirer l'attention sur ce point car on entend trop souvent des personnes dire que "les banques ne sont pas responsables des problèmes" ou encore que "le capitalisme n'est pas responsable de l'accroissement des inégalités", bêtise sans nom s'il en est.
Pour revenir aux intérêts il est important de prendre conscience de la puissance du phénomène. Notamment parce qu'il fonctionne dans les deux sens : ceux qui épargnent plus touchent plus, certes, mais il y a aussi l'autre côté : ceux qui mettent plus longtemps à rembourser paient d'autant plus cher en intérêts.
Ce n'est pas plus étonnant que cela car le capitalisme et le système bancaire ont érigé l'argent en toute première valeur, c'est néanmoins catastrophique. La notion de valeur est essentielle... Il faut s'en rendre compte, il faut voir à la fois les choses positives et les choses négatives. Et il ne suffit pas de dire "qu'est-ce que vous proposez à la place" pour, en l'absence de réponse satisfaisante, en conclure que nous devons en rester là où nous en sommes, c'est une erreur fréquente et insupportable ! Mettre le changement de tout le système sur le même plan que des aménagements au système existant est une hérésie.

Qui souhaite que les inégalités augmentent ? Personne ne l'affirme, même si certains le pensent peut-être. Mais il faut sans cesse se poser la question en terme de progression globale de la société, de l'humanité. Donc : pour la progression globale est-il souhaitable que les inégalités augmentent ? La réponse semble évidente.
Donc, au risque de faire hurler les économistes (ça ne serait pas très grave !), si on veut réduire les inégalités il faudrait inverser le système des intérêts :
- les intérêts seraient d'autant plus élevés que les sommes sont petites
- les intérêts seraient d'autant moins élevés que les sommes sont grandes
- pour les emprunts les intérêts à rembourser doivent s'adapter aux revenus
(concernant les emprunts, rappelons que le prix Nobel de la paix 2006 est Muhammad Yunus du Bangladesh, considéré comme l'inventeur du microcrédit, idée qu'il a eue en 1974)
Je verrais bien des intérêts à 10-15% pour ceux qui ont moins de 2000 € sur leur compte, intérêts qui baissent ensuite de 5 à 10% par exemple pour les sommes de 2000 à 5000, puis de 3 à 5 jusqu'à 15 000, puis 2 jusqu'à 100 000 puis 1 au dessus. Par exemple, pour donner une idée. Évidemment il conviendrait de s'assurer que personne ne tente de contourner le système en abritant de grosses sommes sur d'autres comptes, etc.
Cela ferait s'écrouler le système ? A voir ! Ça ne serait pas très grave de le faire s'écrouler et de recommencer à zéro d'ailleurs... Cela diminuerait les bénéfices des banques ? Oh quelle chose grave...

Cela pousserait surtout à mener une grande réflexion sur la place de l'argent, sur la place qu'on aimerait qu'elle ait pour une société souhaitable et équitable, sur les inégalités et les failles béantes du système actuel.

Quand le peuple n'a plus confiance

Quand un pays ne croit plus en sa justice c'est qu'il va très mal.
a dit Aubry il y a peu il me semble. Peu importe qui le dit d'ailleurs, c'est le concept général qui compte : lorsque le peuple n'a plus confiance dans ses élites, le pays va très mal. Car on peut placer la justice dans les élites, tout comme la politique, et beaucoup d'autres domaines.
Quand le peuple réclame à outrance de la transparence à ses dirigeants, c'est que la confiance est rompue. En effet on ne demande pas de la transparence ou des explications lorsqu'il y a un climat de confiance, les choses se font alors naturellement.
Or actuellement en France (et ailleurs) le doute est quasi omniprésent, et cela se traduit de plus en plus par une demande permanente de transparence. Les affaires mondiales récentes sur WikiLeaks nous ont amené à nous intéresser à cette question de la transparence. Il s'avère qu'une transparence totale ne serait pas non plus une bonne solution pour permettre aux personnes de travailler sereinement.
Et la simple exigence de transparence rend mal à l'aise même les personnes qui n'ont rien à se reprocher.

Entre opacité et transparence il y a un équilibre à trouver. Un équilibre qui se trouve aisément lorsque la confiance est présente. Mais actuellement elle est rompue et comme c'est une chose fragile qui met beaucoup de temps pour se mettre en place la situation est vouée à rester chaotique un certain temps entre le peuple et ses élites...

28.12.10

De la crise économique au ciment de la société

La crise économique a-t-elle une influence réelle sur nos existences ? A part les frais qui augmentent, on n'en a peut-être pas tellement l'impression. Pourtant ça pourrait rapidement prendre une autre dimension.

Le pouvoir d'achat qui baisse, d'accord c'est désagréable, mais tant que le peuple ne se retrouve pas complètement étouffé on n'aura pas droit à un nouveau 1789. Et tant qu'il n'y a pas étouffement et soulèvement on aimerait espérer que l'argent ne soit pas un élément prépondérant dans l'existence de nos concitoyens. L'un des ciments majeurs de la société, en particulier en France, réside dans les associations. Les gens tendent à oublier leurs soucis financiers (leurs soucis tout court d'ailleurs) lorsqu'ils peuvent pratiquer régulièrement une activité associative. Or ils ont plus que l'embarras du choix et en sont généralement friands.

Ce ciment-là est-il invulnérable ? On pourrait le croire mais c'est loin d'être le cas. La crise économique peut venir le fissurer progressivement. Explications.

Qui dit crise économique dit baisse des subventions publiques, et ce malgré l'augmentation des impôts et taxes diverses. En 2010 les subventions publiques ont commencé à baisser sensiblement et c'est amené à continuer. Qui dit baisse des subventions dit manque à gagner pour les associations (incluant les clubs), qui n'ont généralement pas tellement d'autre option que de compenser par une augmentation des cotisations. Il y a aussi une alternative qui consiste à rafler les subventions au détriments des associations "concurrentes". Le risque est réel qu'il s'installe ainsi un climat délétère aux antipodes de l'esprit associatif. Si les subventions baissent trop dramatiquement, c'est la survie des associations qui entre en jeu et qui dit survie dit généralement "tous les moyens sont bons", dont écraser les autres associations donc. Notamment par différents stratagèmes subtils comme proposer des fusions, piquer des membres aux autres association, lancer des rumeurs calomnieuses, etc.
L'ambiance deviendra de plus en plus pesante, de moins en moins conviviale. Des associations disparaîtront. Ce serait l'effondrement du sport, de la culture, des associations d'entraide, etc. Chose autrement plus inquiétante que quelques augmentations de taxes...

C'est le danger qui nous guette. Ce n'est pas une fiction improbable, les subventions publiques ont déjà commencé à baisser et ça n'est pas près de s'arrêter. Il est encore temps de prendre conscience du phénomène, d'alerter et d'agir avant qu'il ne soit trop tard.

12.12.10

La fête, la fête

La fête des Lumières. 4 millions de visiteurs en quelques jours. Me laisse de marbre glacé. Comme toutes les autres fêtes qui existent.

Au départ c'était le 8 décembre et point. Mais vous savez comment ça se passe. C'est un peu comme le 14 juillet, on ne sait plus trop bien si le feu d'artifice doit avoir lieu le 13 ou le 14, du coup il y en a les deux jours. Fête des lumières même combat : pourquoi pas le 7 au soir finalement, pour fêter le 8. Puis le 8 dans la foulée. Non mais attends, si le 8 tombe un samedi, ça serait quand même idiot de ne pas faire le dimanche 9 dans la foulée. Attends attends, si le 8 tombe un vendredi, autant commencer les festivités le jeudi soir et les finir le dimanche hein. Tant qu'à faire. Qu'on s'amuse un peu tant qu'on y est. Et voilà comment on transforme 1 jour en 4-5 jours. Et priez pour ceux qui n'aiment pas fêter.
Et commercialisation à outrance. Et de la foule à ne plus savoir quoi en faire, avec tous les profils possibles et imaginables. De la foule moutonnesque qui veut tout voir sans en perdre une miette. Foule à vomir, foule écoeurante. Et toujours ce besoin humain de fêter qui suinte à travers cette foule, par les pores de tous les gens réunis. Comme la semaine dernière pour le téléthon d'ailleurs.

Ce besoin très français, de fêter si souvent et le plus possible, confirme les quantités astronomiques d'anti-dépresseur consommées dans l'hexagone : les Français vont mal, très mal.

23.11.10

Art Thé

Je ne suis pas un grand fan de télévision (encore heureux !), mais en cet automne je ne résiste pas à saluer la programmation d'Arté et à vous inciter à y jeter un coup d'oeil appuyé ces temps-ci. Depuis quelques semaines je la trouve impressionnante de bon goût.

La chaîne fête ses 20 ans.
Et du 22 novembre au 5 décembre organise un Festival du Cinéma.
La programmation du premier jour : 99 francs suivi de La nouvelle vie de Monsieur Horten.
Suivi (mais hors festival) d'une émission bien intéressante intitulée Mourir pour ses idées et regardable en ligne ici.
Ce soir le classique Valse avec Bachir.

Enjoy.

18.11.10

Dénonciation

Dénoncer quelqu'un s'il n'a rien fait de mal est insupportable. Voilà pourquoi la collaboration pendant la seconde guerre mondiale, par exemple, était insupportable. D'ailleurs on me fait justement remarquer qu'on emploie un mot distinct : délation.
Mais dénoncer quelqu'un s'il a fait quelque chose de vraiment mal ? Ma foi c'est censé faire progresser la société et faire progresser ce quelqu'un, non ?
Sauf contexte très particulier, et donc circonstance où il serait difficile d'affirmer que c'est vraiment mal, dénoncer est ce qui est indiqué non ? Vous voyez votre voisin tuer une personne, sans circonstance atténuante. Mieux vaut le dénoncer pour éviter que ça se reproduise non ? Et pour que la société fonctionne. Après, tout réside dans l'appréciation du "vraiment mal". Vous connaissez quelqu'un qui gruge les impôts. Est-ce vraiment mal ? Difficile à dire. Après il y a des erreurs mineures avec des sanctions mineures. Celles-ci doivent être mises au jour pour que les gens s'améliorent, non ?
Bref, une fois de plus la progression globale n'est-elle pas la priorité ? En tout cas plus importante qu'un pseudo code d'honneur de cours de récréation à la "on ne balance pas" ?

P.S. L'alcool a certes la capacité de faire tourner la tête mais c'est la plupart du temps définitivement dégueulasse hein.

15.11.10

Les gens vivent, les gens meurent

Pourquoi diable y aurait-il une différence entre ce qu'on pense d'une personne vivante et ce qu'on en pense une fois qu'elle n'est plus ?
Les gens ont systématiquement tendance à se concentrer sur les qualités du défunt. Pourquoi ? Parce que la mort est déjà assez triste comme ça pour ne pas en plus évoquer des défauts ? Désolé mais il faut un peu assumer. Un con vivant est un con, un con mort reste un con.
Serait-ce comme une sorte de confession ? Du style "oui de son vivant je le haïssais purement et simplement mais j'avoue qu'il avait un petit côté attachant". Evidemment qu'aucun être ne peut être totalement mauvais, ce n'est pas une raison pour se concentrer sur les rares facettes qui ne l'étaient pas au moment où un être exécrable rend l'âme.
Est-ce la faute aux sentiments ? Je le crains. Je suis désolé mais lucidité de son vivant il faut avoir, lucidité après sa mort aussi. Et si c'est plutôt "bon débarras", il faut aussi l'assumer.
Est-ce la faute aux religions ? Pardonnez ses pêchés, tout ça ? Contrairement à ce que la religion aime nous faire croire, certaines choses sont impardonnables et n'ont pas à être pardonnées.
Il n'y a aucune raison de pardonner à un mort. D'autant qu'il n'est plus là pour le voir. La vie après la mort tout ça ? Pff.
Par pitié, assumez et restez lucide.
Et dédramatisez la mort, aussi. La vie n'a tout de même pas une valeur si grande qu'il faille à ce point dramatiser la mort. Et puis à quoi cela sert de dramatiser d'abord ?

1.11.10

Le temps passe

Y a-t-il finalement une si grande différence entre agir et ne rien faire ?
Lorsque dans l'ensemble les choses vous indiffèrent, alors non, pas si grande.
Tout revient encore et inévitablement à l'envie et à la motivation.

La différence majeure entre agir et ne rien faire est ce sur quoi ça peut déboucher. Agir ne débouche parfois sur rien, certes. Parfois cela peut aussi engendrer des choses négatives, certes aussi. Mais d'autres fois cela peut apporter quelque chose, être source de progression, créer des potentialités. Tandis que ne rien faire débouche presque invariablement sur du vide.
C'est tout de même à noter.

Il est encore fréquent que je mette longtemps avant de me lever après m'être réveillé, ou encore que je reste plus longtemps que de raison dans mon bain. A l'origine la même éternelle question : "Pourquoi ? A quoi bon ?".
La gestion du quotidien demeure pour moi une lutte. S'il n'y a pas quelque chose qui crée chez moi de l'envie et de la motivation, je ne vois naturellement aucune raison de poursuivre cette lutte. Au final, même si je ne vois pas de raison, j'y suis plus ou moins obligé quand même, mais dans ce cas je vais le faire en traînant les pieds, en reportant sans cesse, en ne m'appliquant guère. Une existence ne peut se composer de ceci longtemps.

Je dois me fixer des objectifs et élaborer des projets. Je n'ai pas le choix. Puisque le suicide a pour l'instant été rejeté, c'est la seule alternative valable. Le reste ne vaut rien.
Voilà : des objectifs, des projets, puis agir.
Peut-être que je ne suis pas sûr que les objectifs soient les bons, que les projets soient les plus intéressants, mais c'est la meilleure route, alors je dois la prendre.
Il n'y a plus qu'à espérer que ceci crée assez d'envie. L'espoir, cette chose insensée qui dort au fond des Hommes.

28.9.10

Hyper-sensibilité, hyper-exigence

D'une manière ou d'une autre je suis hyper-sensible. En fait c'est un peu étrange car peu de choses me tiennent à coeur, mais sur ces choses là j'ai une sensibilité exacerbée. D'autre part on peut sûrement aussi dire que je suis hyper-émotif, au sens où dans une situation sociale particulière, tendue ou gênante, je vais la vivre avec plus d'intensité que la moyenne. C'est paradoxal car j'ai toujours dit que j'étais à la limite de la désactivation émotionnelle et sentimentale. Dès lors comment expliquer ce paradoxe ? C'est vraiment complexe.
Une première piste est que la désactivation se produit à posteriori, je peux traiter à peu près n'importe quelle situation, une fois qu'elle est passée, avec la tête froide. L'analyser correctement, prendre les bonnes décisions, déterminer ce qu'il aurait fallu dire (mais c'est trop tard). Bon, rien de forcément extraordinaire ici, j'imagine bien que tout le monde peut plus facilement analyser à posteriori que pendant. Disons peut-être que chez moi c'est décuplé.
Par ailleurs il faut quand même noter, et j'en ai déjà parlé, que parfois j'analyse à l'intérieur même des instants. Cela m'a fait écrire à plusieurs reprises que je n'arrivais pas à vivre certains instants. Sauf que lorsque ça se produit c'est qu'il ne s'agit pas des moments critiques ou sensibles.
Ce paradoxe de sensibilité dans des situations et d'insensibilité au moment de les analyser rejoint assez cette note où j'avais parlé du paradoxe entre mon empathie et ma misanthropie. Toujours est-il que les deux existent : une hyper-sensibilité dans certains cas, et une désactivation et une aversion pour tout ce qui est sensoriel le reste du temps.

Par ailleurs je suis aussi hyper-exigeant. Vis à vis d'autrui mais aussi (et sûrement surtout) vis à vis de moi-même. Il faut progresser, il faut chercher à faire de son mieux, et si possible chercher à faire progresser l'ensemble, les autres. Tous ceux qui vivent se posent au moins une fois la fameuse question "Pourquoi ?". Pour progresser et faire progresser semble déjà une réponse évidente...
Figurez-vous quelqu'un qui ne cherche pas à progresser. N'est-ce pas désespérant à un point tel que c'est difficile à imaginer ?

Donc hyper-sensible, hyper-exigeant, et bien sûr aussi hyper-lucide. L'association de ces trois qualités/défauts engendre de grandes difficultés.
La lucidité est censée permettre de se rendre compte de si un objectif a été atteint ou non, d'analyser pour quelles raisons, ce qui pourrait être amélioré, s'il y a des circonstances atténuantes, etc.
Prenez quelqu'un de très exigeant mais peu sensible : même lorsqu'il échoue il n'en souffre pas tellement car il est peu sensible.
Prenez quelqu'un de très sensible mais peu exigeant : il échouera forcément rarement (ou considérera rarement qu'il a échoué) puisqu'il est peu exigeant.
Mais très exigeant et très sensible cela donne des objectifs exigeants, donc difficiles à atteindre, donc des échecs, donc des souffrances, souffrances exacerbées par la grande sensibilité.
La lucidité peut aider un peu, elle peut par exemple indiquer que l'exigence était très grande (ou trop grande) mais la réalité ne change pas pour autant : elle n'a pas été réalisée. La lucidité peut donc émettre un bémol mais pas changer la situation.

Bien sûr je pourrais aussi écrire sur mon apathie, ma procrastination inarrêtable, mon fantômatisme, mon aversion inchangeante de la gestion des tâches quotidiennes, mon manque d'envie, mes migraines chroniques, mais il n'y aurait là rien que du déjà connu.

31.8.10

Agir. Maintenant.

Regardons autour de nous. Est-ce que les choses vont bien ?
Non.
Est-ce logique de faire quelque chose pour que ça change ?
Oui.
Qui conteste ces deux réponses ?

"Oui mais ça ne sert à rien on ne peut rien faire".
Faux. Chacun peut agir. A la remarque "oui mais le monde est comme il est.", quelqu'un répondait "Non Monsieur, le monde est ce que nous en faisons."

"Oui, j'agirai plus tard".
Plus tard c'est trop tard. Parfois même, plus tard c'est jamais.
Faut-il attendre le XXIIème siècle ? Oui cela fait bizarre d'utiliser XXIIème. Cela vient du fait que l'être humain ne pense pas à long terme.
Il pense à court terme. Et lorsqu'il fait des efforts, il pense à moyen terme. Mais il ne pense jamais à long terme.
Est-ce que les choses n'ont pas déjà atteint un point assez critique comme ça ? Que faut-il attendre ?
La réponse est qu'il ne faut pas attendre.

14.8.10

Servir à quelque chose

Félicitez-vous d'avoir fait quelque chose qui ait brisé la monotonie de votre époque
disait Ralph Waldo Emerson.
Et mon collègue de 42 ans qui songe à changer totalement de direction, histoire de pouvoir laisser une trace avant de mourir, "dans moins de 20 ans sûrement" dit-il.
Je ne pense qu'à ça, laisser une trace. Sinon autant se suicider tout de suite. Je ne supporte pas le point atteint en ce moment par la civilisation occidentale : jouissance personnelle à outrance. C'est sûr qu'avec ça on fait progresser les choses. Le pire c'est qu'on peut imaginer que toutes les civilisations qui ont du "retard" sur les occidentaux, et dont certains pays sont d'ailleurs en train de le combler, prendront la même route que nous. Cela semble une si grande préoccupation d'atteindre d'abord un stade où l'ensemble de la population a dépassé le stade de la survie, d'une gestion trop permanente de combler ses besoins, mais il a été à un tel point dépassé qu'on ne s'est pas rendu compte qu'on est parti dans l'excès inverse, c'est-à-dire l'apologie du matériel et du sensoriel, des plaisirs et de la jouissance. Au nom du bien être personnel, l'occidental moyen a bien souvent complètement oublié qu'il faisait partie d'un tout appelé planète, dont il dépend, appelé population mondiale, appelé humanité.
Les occidentaux ayant dépassé les problèmes de pure survie, en moyenne, ils se rendent à peine compte que justement le terme moyenne signifie que les inégalités sont loin d'avoir disparu dans le pays même où ils habitent. Mais ceux qui n'ont plus comme préoccupation quotidienne leur survie sont censés être les mieux placés sur ce globe pour pouvoir s'occuper d'enjeux plus globaux. Or quelle part d'entre eux s'en préoccupent ?

Je ne sais pas ce que je peux apporter. Mais je citerais à nouveau ce passage de Dagerman :
"Si je veux vivre libre, il faut pour l'instant que je le fasse à l'intérieur des formes figées de la société. Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n'ai rien à opposer que moi-même - mais, d'un autre côté, c'est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s'exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté."
Je ne suis sûrement pas doué à grand chose, mais je sais penser et écrire. Une des choses difficiles pour moi sera d'apporter du matériel et des expériences nouvelles comme sources de pensées. Mais ne serait-ce que la littérature, les écrits des philosophes, les expériences relatées par des écrivains, fournissent déjà beaucoup de matière. Qu'il faille soi-même faire et soi-même vivre n'est à mon avis qu'en partie vrai.
Quoi qu'il en soit donc, dans la mesure du possible, dans la mesure surtout de mes fragiles capacités à vivre, je ferai de mon mieux.

12.8.10

Violence

Le temps passe et je ne fais rien de constructif.

Je ressens un fort besoin de durcir mes propos, de me montrer plus exigeant, plus agressif parfois, envers ceux qui ne comprennent pas, qui ne respectent pas certaines valeurs, qui ne pensent qu'à eux, qui font preuve de nonchalance. Est-ce mal ?
L'une de mes qualités a généralement été de faire preuve de patience, de compréhension, de tolérance, de gentillesse. C'est difficile de faire tout ça lorsqu'on comprend en moyenne mieux que les autres tandis que dans le même temps ils vous agressent et pensent être en droit de le faire.
Maintenant il semble que le vase déborde. J'en ai assez d'être gentil, d'être patient, d'être compréhensif. Cela ne mène pas à grand chose, à part peut-être à vous forger une réputation sympathique, mais ceci est négligeable. Pour faire bouger les choses il semble nécessaire d'inverser mon comportement. Bien sûr je serai toujours vigilant sur mes erreurs, m'excuserai lorsque j'en commettrai, ferai des concessions, etc. Mais lorsque j'aurai raison et surtout lorsque les personnes dépasseront les limites, et elles le font tout le temps puisqu'elles semblent adorer cela même si elles sont généralement inconscientes de le faire, alors là par contre je ne les raterai plus. Par écrit j'étais déjà quelque part sur cette ligne de conduite, mais trop mollement et pas avec tout le monde. Il est temps que les choses changent.

Gandhi disait pourtant :
« La recherche de la vérité ne doit admettre qu'aucune violence ne soit infligée à un adversaire, mais qu'il doit sortir de l'erreur par la patience et la sympathie. Parce que ce qui apparaît comme la vérité à l'un peut apparaître comme erreur à l'autre. Et patience signifie auto-souffrance. Donc la doctrine est revendication de la vérité, pas en infligeant des souffrances à son adversaire, mais à soi-même. »

ainsi que :
« Marcher sur le tranchant effilé de la non-violence n'est pas chose facile dans ce monde plein de violence. La richesse ne nous y aide pas; la colère est un ennemi de la non-violence; et l'orgueil est un monstre qui la dévore. »
mais il terminait ce paragraphe par :
« Dans cette observance ferme et acérée de la religion de la non-violence, il faut souvent reconnaître la prétendue violence comme la forme la plus vraie de la non-violence. »

Il ne sera jamais pour moi question de faire du mal gratuitement. Et lorsqu'il n'y aura pas violence en face, moi non plus je n'en ferai pas preuve. Et lorsque je pourrai faire autrement, je le ferai. Et je laisserai toujours une chance à mes interlocuteurs inconnus. Mais une fois qu'ils auront franchi une certaine limite, je ne leur ferai plus aucun cadeau, y compris si ça doit passer par la violence écrite.

29.7.10

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Texte de Stig Dagerman, 1952.
Extraits :

"Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux."

"Pour moi il ne suffit pas de savoir que, puisque nous ne sommes pas libres de nos actes, tout est excusable."

"Le temps n'est pas l'étalon qui convient à la vie. (...) Tout ce qui m'arrive d'important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l'on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps."

"Le miracle de la libération vient dans la découverte soudaine que personne, aucune puissance, aucun être humain, n'a le droit d'énoncer envers moi des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s'étioler. Car si ce désir n'existe pas, qu'est-ce qui peut exister ?"

"Tout comme les autres hommes, je dois avoir droit à des moments où je puisse faire un pas de côté et sentir que je ne suis pas seulement une partie de cette masse que l'on appelle la population du globe, mais aussi une unité autonome."

"Je soulève donc de mes épaules le fardeau du temps et, par la même occasion, celui des performances que l'on exige de moi. Ma vie n'est pas quelque chose que l'on doive mesurer. (...) Une vie humaine n'est pas une performance mais quelque chose qui grandit et cherche à atteindre la perfection."

"Si je veux vivre libre, il faut pour l'instant que je le fasse à l'intérieur des formes figées de la société. Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n'ai rien à opposer que moi-même - mais, d'un autre côté, c'est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s'exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où je n'aurai plus que mon silence pour défendre mon inviolabilité, car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant.
Telle est ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu'une consolation et plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire une raison de vivre."

J'y reviendrai.

Merci à C.

17.7.10

Choisir

Se lever ou ne pas se lever, l'indécision dès le réveil. Mais l'indécision partout, toujours. Ne pas savoir citer une couleur préférée, un plat préféré ou quoi que ce soit de préféré d'ailleurs. Avoir du mal à choisir un parfum de yaourt (il y a bien longtemps que j'en prends un au hasard dans mon frigo et que je le mange sans même regarder à quoi il est). Être incapable de faire des choix au supermarché devant des rayons inconnus, quels qu'ils soient, et toujours prendre la même chose dans les rayons connus pour ne pas se retrouver confronté à l'indécision. Incapacité de choisir entre cesser de jeûner maintenant ou demain. De choisir un pays où partir, ne même pas savoir déterminer sa préférence entre rester et partir. Ne pas savoir s'il faut rester dans tel club ou changer. Être incapable de se faire un programme estival. Avoir des chèques cadeaux FNAC et être incapable de choisir comment les utiliser. Être incapable de déterminer si je veux changer d'appart. Si je veux vivre ou ne pas vivre.

Une telle indécision permanente et partout est la conséquence d'une grande indifférence à l'ensemble des choses. Une des principales caractéristiques de ceux qui vivent semble être de savoir choisir, de préférer des choses à d'autres. Être noyé ainsi dans l'indifférence c'est devoir se cantonner à une pâle survie. Mais on ne choisit pas si les choses nous indiffèrent ou non. Elles le font ou elles ne le font pas, on ne fait que subir. Choisir n'est pas une chose qui s'apprend. Normalement c'est naturel.

22.6.10

Le scénario immuable de l'interaction sociale

Il doit y avoir quelque chose de totalement irraisonné au fond de moi qui a perpétuellement de l'espoir. Espoir que je puisse correctement me confronter à la réalité, que je puisse vivre les choses au sens vivre du terme. C'est forcé puisqu'il arrive toujours un moment où je finis par accepter la confrontation alors que ma raison a clairement expliqué que tous les signaux étaient au rouge.
A chaque fois le scénario se reproduit de manière quasi identique. Cette part irraisonnée doit avoir une force terrible puisque je finis régulièrement par lui céder, malgré la perpétuelle reproduction du scénario.
On me propose une invitation : à une soirée, à un anniversaire, à un événement, que sais-je encore, bref à quelque chose où il y a interaction sociale, que cela soit à deux ou à plusieurs. Toutes mes premières réactions sont identiques : un souhait profond de refuser, une angoisse qui tend à la répulsion. Elles sont ensuite clairement explicitées, justifiées, le tout avec des arguments rationnels et basés sur de nombreuses expériences précédentes. Il n'y a absolument aucun doute sur la conclusion : il ne faut surtout pas accepter, il ne faut surtout pas y aller.
Parfois cela en reste là. Au moins ces fois-là la logique et le bon sens sont respectés.

Et d'autres fois vient le moment du basculement : la corrélation d'une insistance de mon interlocuteur, d'une attente, et de la part en moi irraisonnée qui espère. Le phénomène est sournois et prend un peu de temps en général, avec une lutte farouche. Il s'appuie aussi sur quelque chose de fort : alors tu ne veux pas te confronter à la réalité ? Alors tu ne veux pas vivre ? Et toujours il va y avoir cette petite voix, qui ne correspond même pas forcément à la part irraisonnée, qui va s'égosiller difficilement "Si ! Si !", avec une voix cassée et peu audible, mais qu'on perçoit tout de même, et qui émeut. Tout ceci converge, les sentiments prennent le pas, et ça bascule. La raison proteste énergiquement, l'expérience aussi, tous les signaux clignotent rouge. Mais en vain : ça a déjà basculé.
Alors je m'y rends, cela a lieu, je rentre. Et là le scénario est relativement invariable aussi : je me rends compte que je ne suis définitivement pas fait pour ça, que les interactions sociales me déplaisent ou au mieux m'indiffèrent, que je ne sais pas vivre les instants, que je ne sais pas profiter de la présence d'autrui pour peu que j'arrive déjà à la supporter. Rends compte ? Mais je le savais déjà ! Rends compte à nouveau à nouveau à nouveau à nouveau plutôt. Les petits éléments qui ont fait basculer en faveur de l'action sont montrés du doigts et ils ne la ramènent pas. Mais ils ont eu ce qu'ils voulaient. Et toujours la même incompréhension : comment j'ai pu accepter ? Comment j'ai pu encore une fois tomber dans le piège ? Comment j'ai pu encore une fois espérer ? Comment j'ai pu croire une nouvelle fois qu'une interaction sociale allait me faire du bien ? Comment j'ai pu encore ignorer tous les signaux, toute l'expérience, tous les arguments, au profit d'un espoir insensé et d'une petite voix désespérée ?

Réflexion et survie. Les mots de 2003 étaient bien trouvés. Survie parce que ce n'est qu'un simulacre de vie. On ne peut pas vraiment vivre sans supporter les interactions sociales. Cela fait plus de dix ans que je m'en rends compte. Cela fait longtemps que cela aurait dû déboucher sur le suicide. Il est très ironique que ça soit encore une fois un sentiment qui m'empêche de passer à l'acte; la peur. Et j'en ai marre que cette conclusion soit toujours la même.

17.6.10

Inadéquation et transitions

On craint parfois que tout ce sur quoi on s'est construit soit du vide ou puisse s'écrouler. Mais lorsque cela a été maintes fois analysé, remis en question, disséqué, lorsqu'on a creusé régulièrement la connaissance de soi, au final cela doit ressembler à quelque chose et ne pas être en mesure de s'effondrer ainsi.

La période actuelle me ramène à mon inadéquation avec le monde. Tout y converge. 2 ou 3 cycles s'étalant sur une période de 6 ans l'avaient mise - un peu - entre parenthèses. Durant ce temps j'ai l'impression d'avoir progressé. Mais je n'ai pas fondamentalement changé, j'ai souffert régulièrement, et ce que j'ai vécu a dans l'ensemble confirmé ce que je pensais, à savoir que je ne suis pas vraiment fait pour interagir avec le monde. Bien sûr des subterfuges, des diversions, des illusions, sont toujours possibles, et peuvent même durer un peu. Peuvent même ne pas être scandaleux. Mais comme je l'ai déjà écrit à maintes reprises, la réalité finit toujours par nous rattraper. Me rattraper en l'occurrence.

Les emballages, les bouteilles, les déchets, la poussière, ne cessent de s'accumuler dans mon appartement, certains depuis des jours, d'autres des semaines, d'autres des mois. Il est très facile pour quelqu'un qui pratique assidûment la procrastination de reporter son éternel projet de grand nettoyage, presque à l'infini. Seuls de petits nettoyages, minimum syndicaux, viennent faire surnager l'ensemble.
Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a un lien entre cette situation et mes difficultés existentielles. Non pas bien sûr que la première entraînerait les secondes - c'est risible - mais bien le contraire. Comment trouver un intérêt à tout nettoyer lorsqu'on ne trouve pas un intérêt suffisant à vivre ? Comment trouver de l'énergie et de l'envie pour cela lorsqu'on en manque déjà pour l'essentiel ?

Cela fait quelques temps que je voudrais évoquer ce qui lie les activités, ces petits éléments quotidiens, routiniers, nécessaires, qui relient entre elles nos activités principales. Prendre le petit déjeuner, se préparer à sortir, faire un trajet en voiture ou en transport en commun, croiser une connaissance, déjeuner, recevoir un coup de fil, relever son courrier, faire les courses, dîner, etc. Surtout je voulais montrer à quel point je les percevais différemment d'autrui en moyenne. Lorsque tout ceci peut dans l'ensemble être considéré par les autres comme positif, plaisant, ou au pire routinier, de mon côté routinier est, sauf rares exceptions, la meilleure appréciation que je puisse leur accorder, passant parfois même au second plan derrière ennuyeux, lassants voire désagréables.
Alors on se dit que comme ce sont de petits éléments, ça n'est pas très important... Faux ! Au final cela peut mener à de grandes différences. Lorsqu'ils sont globalement perçus de manière positive, ils peuvent aider la personne à surmonter des activités principales ennuyeuses ou déplaisantes. Dans mon cas, puisqu'ils sont globalement perçus négativement, c'est le contraire : il devient nécessaire que mes activités principales me motivent et me plaisent. Cela contribue à mon inadéquation globale. J'y reviendrai probablement à l'avenir.

6.6.10

Élucubrations ferroviaires

Six heures de trajet en train devant moi en ce samedi après-midi. Cinq minutes avant le départ c'est le drame : 21 enfants de 9 ans déboulent dans ma voiture. Des enfants j'en vois toute la semaine, si je pouvais éviter d'en entendre encore le week-end... Il me faudra pourtant près d'une heure avant d'enfin décider de déménager. Au moment même de le faire, les enfants dans le passage et les secousses du TGV me font trébucher et je me cogne un peu violemment le front à un mur. Belle bosse, sales gosses. Et quelle ironie...

Mon voisin suivant écoute de la musique trop fort. Comment est-il possible d'écouter une musique répétitive en boucle ? Pourquoi pas un truc qui varie ou qui vit ? La vie n'est-elle pas déjà assez répétitive en elle-même ? Il me faudra 25 minutes avant de décider entre lui demander de baisser et déménager à nouveau. J'ai évidemment changé de place.

Comment les gens supportent de dire bonjour, et par dire bonjour j'entends ici faire la bise ou serrer des mains, à des groupes de 10, 15, 20 personnes ? Bonjour... et aussi au revoir ! Dès que je peux je fais un signe de la main à tout le monde et fuis. Cela peut également fonctionner à l'arrivée, un "bonjour tout le monde" par exemple.
Il se trouve que même avec une seule personne j'ai parfois du mal. Pourquoi il y aurait systématiquement un contact physique ? Comme on me l'a fait remarquer ce contact physique exprime un sentiment : bienveillance pour un patron à son employé, affection entre deux membres de la même familles. C'est probablement l'expression d'un sentiment (physiquement qui plus est) qui me rebute.
Plus jeune je me souviens que j'allais plus loin : pourquoi se dire bonjour ? Pourquoi ne pas entamer directement par ce qu'on veut dire ? Maintenant je vois que c'était exagéré et infaisable. Par contre le contact physique systématique est une hérésie.

Pourquoi les tarifs du bar dans le train sont indécents ? Il est scandaleux de profiter de cette situation de monopole pour assommer les consommateurs. Scandaleux de faire croire qu'avoir la possibilité de se restaurer durant un trajet en train relève d'un grand privilège. Scandaleux d'autant plus que le tarif des billets est déjà exorbitant. Scandaleux enfin d'autant plus que tout cet argent sert en partie à financer les salaires de personnes - pas toutes - qui glandent pas mal. Payer par exemple un jambon-emmental 5 euros ou une canette de coca 3 euros, pour rémunérer un mec qui est en train de surfer sur internet pour son bon plaisir, ou même un autre - pas forcément dans un bureau - qui est consciencieux dans son travail mais qui touche 20% de plus qu'un homologue d'une autre boîte et qui en plus a des réductions massives sur les billets de train, oui c'est choquant au plus haut point.

Passivité et stress augmentent les difficultés à vivre.
Passivité : ne pas oser s'exprimer lorsque quelque chose nous gêne. Comme ne pas dire à son voisin de baisser le volume de son baladeur, comme ne pas réveiller celui qui vous empêche de dormir parce qu'il ronfle, comme ne pas lutter pour son espace ou sa liberté de base.
Stress, anxiété, comme avoir du mal à s'endormir en présence d'autrui, s'angoisser à l'idée d'arriver en retard, se méfier des gens et de la vie en général.

Sérieux problème d'arna avec les interactions humaines. Ne reste même pas 24h de plus avec des personnes qu'il connaît depuis des années.
Sérieux problème d'arna avec les conversations qui durent un peu, ennui à l'intérieur même.
Sérieuse crainte d'arna de se déplaire dans tous les endroits du monde, à cause de la nature humaine profonde, pas de ce qu'il y a en surface. Même s'il faudra sûrement essayer tout de même.
Arna devra-t-il continuer de se noyer dans l'abstraction ? Il n'y a pourtant là aucun but autre que celui d'échapper à la réalité. Quel objectif...
Doute énorme d'arna quant à la possibilité d'une relation. En fait ce n'est même pas un doute énorme, c'est très proche d'une certitude que ça ne peut pas marcher. Le sensoriel, à voir, un effet physique, c'est sûr, mais par rapport à ce que je suis et mes idéaux ? Est-ce positif que le sensoriel efface les idéaux ? On en revient à la progression de l'humanité. Le monde occidental en est à l'étape de la jouissance. Jouissance sexuelle, jouissance sensorielle, jouissance matérielle. Mais quelle place pour l'esprit ? Pour l'intellect ? Pour la recherche d'harmonie mondiale ? Comment l'humanité peut-elle viser autre chose qu'une progression globale, profitant à un maximum d'individus ? (maximum car "tous" doit être trop utopique)
L'humanité ça veut dire qui ? Quelques êtres seulement... Car quelques êtres seulement tentent de faire progresser des choses. Pourquoi pas plus, infiniment plus, que quelques êtres ?

30.5.10

Oser

J'ai un poste quasi idéal. En terme de relations de travail, d'autonomie, d'emploi du temps, de vacances, de salaire. Je suis apprécié et tout se passe bien.
Pourtant je vais démissionner. A cause d'un début de lassitude et d'érosion de ma motivation personnelle.
Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire à la place. C'est risqué financièrement. Cela peut sembler étrange d'abandonner un endroit où j'étais reconnu et apprécié, sans problème particulier.
Mais je ne veux pas vivre au rabais.
Je ne peux me contenter de reconnaissance. Je laisse cela aux autres.
Je ne peux me contenter d'un emploi du temps plaisant, de la sécurité de l'emploi, de la sécurité financière. Cela aussi je le laisse aux autres, je sais qu'ils adorent ça.
J'ai besoin de savoir pourquoi je fais les choses, d'être porté par une envie d'avancer, d'être motivé par mes actions. Je ne peux me contenter de répéter et de stagner. J'ai besoin de m'assurer que ce que je fais et ce pourquoi je vis correspondent à ce que je suis.

17.5.10

Où arna se heurte au capitalisme

La construction automobile, un des symboles du capitalisme.
J'ai pour la première fois acheté une voiture neuve. Plusieurs de mes connaissances n'avaient pas manqué de me sous-entendre l'importance de l'instant.
J'en ai fait acquisition la semaine dernière. Pour ceux qui se posent la question : oui elle roule. Et je devrais maintenant à chaque fois que je monte dedans me réjouir de monter dans une voiture neuve, c'est cela ? Et je devrais retirer un plaisir certain à la conduire ? Et je devrais anxieusement guetter la moindre trace de rayure ? Et quoi d'autre encore ? Et pendant combien de temps ? Pendant tant qu'elle a toujours l'air d'une voiture neuve ?
J'ai pu mesurer une nouvelle fois l'immensité de la différence entre mon appréciation de l'acquisition de biens matériels et celle de l'ensemble de la population en moyenne.

Au delà de mon cas personnel, cela pose tout de même une question pertinente : en quoi avoir érigé la (sur)consommation comme un pilier de la société est-il un progrès pour l'humanité ?

Si l'ensemble de la population parvient à se réjouir pendant des semaines de toute nouvelle acquisition d'un bien matériel, alors peut-être en effet est-ce bénéfique. Mais bordel, en quoi le fait de se réjouir de cela fait-il progresser l'humanité ?
Que l'invention de la voiture soit un progrès pour l'humanité, il est difficile d'en douter, mais peut-on m'expliquer pourquoi il existe des centaines voire des milliers de modèles différents ? Peut-on m'expliquer quelle est l'essence de la réjouissance de l'acquisition d'une nouvelle voiture ? Et comment peut-elle durer plus de quelques jours ? Et en quoi l'humanité tire le moindre profit de l'existence de tout cela ?
Et ces questions ne se posent-elles pas avec encore plus de force concernant quantité d'autres objets de consommation ?

On va sans doute m'éclairer sur les bases du capitalisme. Sûrement va-t-on m'indiquer que plus il y a d'objets de consommations et plus les gens se réjouissent de leur acquisition, plus d'emplois sont créés, plus la croissance augmente. Non mais d'accord mais je veux aller au bout des choses : en quoi est-ce un progrès pour l'humanité ? En quoi le fait que plein de personnes puissent avoir des emplois est bénéfique ? Si ces emplois ne servent qu'à produire des objets de consommations qui ne sont que superflus, en quoi cela nous fait-il progresser ? Et si l'Etat s'enrichit du fait de la croissance, dans quoi réinvestit-il cette richesse ? Dans des choses qui nous font progresser ?
Je veux bien croire que la société occidentale soit plus proche d'un certain "idéal" que d'autres sociétés des pays en développement, au niveau du confort, de la santé, des services, des divertissements, etc. Mais au niveau de la spiritualité ? Au niveau des qualitiés humaines ? Je ne nie pas que le capitalisme a des avantages mais pourquoi être obligé de le pousser à l'extrême et ce pendant des décennies avant de pouvoir enfin se rendre compte de ses limites ?

Revenons à un sujet autrement moins important : moi. Je suis déconnecté de la réalité. Incapable de choisir un lot parmi des dizaines. Complètement déprimé, à un point tel de me noyer dans l'alcool, moi qui n'en bois presque jamais. Mais je trouve que le vin a tellement mauvais goût (même un vin de qualité, tous les vins sont dégueulasses avant que le palais n'ait eu le temps de s'y habituer à hauteur de dizaines de dizaines de fois, ce qui est juste débile en soi puisque ça veut dire qu'on force le corps à s'habituer à quelque chose de dégueulasse) que je n'y recherche que l'absorption d'alcool. C'est comme avec tout le reste : je ne recherche que l'essence. Woody Allen a déclaré ces derniers jours (et probablement aussi auparavant) : "Des gens très intelligents l'ont dit, comme Freud, Nietzsche : il faut vivre dans l'illusion pour pouvoir vivre". Comment suis-je censé procéder, moi qui recherche toujours la vérité et l'essence ? Mais il y a là une bonne partie de la source de mes difficultés.

22.4.10

Activité, humanité, maux

Je suis obsédé par la question de l'activité intellectuelle. Je ne peux rester sans rien faire. Certes il y a ne rien faire et ne rien faire. Il n'est pas rare que je passe une journée entière à jouer/m'entraîner, et que le soir je sois dépité de n'avoir rien fait de "productif". Mais si mon esprit a été sollicité en permanence, de manière active, cela me convient probablement, et c'est pour ça que ça arrive souvent.
Maintenant la sollicitation permanente n'est pas non plus toujours possible. Après des journées de 13 heures, je ressens souvent le besoin de faire relâche en allumant la télé. Cette dernière fait passer le temps sans faire appel directement à une production cérébrale comme de la résolution de problèmes par exemple.

Il n'y a qu'un moment de la journée où je peux rester presque sans rien faire : le matin après que le réveil ait sonné. On parle souvent de "raison pour se lever le matin", et ce moment précis y correspond exactement. Je l'avais évoqué dans cette note récente.
En l'absence de motivation profonde pour aller faire ce que je dois faire, l'inertie s'abat sur moi et le lever se complexifie. J'ai toujours élevé très haut la question de savoir pourquoi on fait les choses, mais c'est chez moi rarement aussi bien illustré que par ce temps de latence matinal.
Au moment où on reparle beaucoup des théories freudiennes - notamment pour les remettre encore en cause - il apparaît donc que ce phénomène n'est assurément pas qu'un subterfuge anti-routine provoqué par mon inconscient.



Je continue d'aller mal.
Cela me fait penser à cette réponse à la question « Ça va ? » : « Non, mais j'ai l'habitude. »
Cela me rappelle également une note où je disais qu'hélas on s'habitue aux bonnes choses, ce qui fait qu'elles le deviennent de moins en moins, tandis qu'on s'habitue nettement moins aux mauvaises. Je ne crois pas que ça soit vrai à 100%, mais il y a quelque chose d'universel à ce que les humains ressentent plus fortement la souffrance que le bien être.
Peut-être que cela a un rapport direct avec le fait que l'humanité devrait tendre vers un état où le bien être est un état normal atteint par la majorité des humains. « Devrait tendre » est un peu pessimiste car normalement ça devrait être « tend ». Ainsi l'être humain ne pourrait naturellement se satisfaire d'un état qui selon la logique du progrès serait juste normal à terme, tandis qu'il est légitime de se révolter contre la souffrance.

Je pense moins au suicide cependant. J'y ai pensé régulièrement pendant plusieurs années et au bout d'un moment c'est juste impossible de continuer et il faut passer à autre chose – ou agir. Je suis passé à autre chose, par frousse en bonne partie, par révolte des virages que prend l'humanité dans une moindre mesure.
Il est logique de penser au suicide lorsqu'on ne vit pas vraiment. Il n'y a rien de plus compliqué que de trouver comment changer cet état de « ne pas vraiment vivre ». Certains diront qu'il faut vivre ceci ou cela pour se rendre compte de ce que c'est que vivre, mais ils ont tort. L'envie et les goûts sont fondamentaux. Et propres à chacun. Ce serait comme proposer à une personne désespérée d'un point de vue gastronomique de goûter à notre plat préféré, il n'y a aucune garantie que cela fonctionne, au contraire il y a même de fortes chances que cela échoue.

J'y pense moins mais c'est un cercle vicieux. Car en attendant je vis, enfin j'essaie, et plus je vis plus je me heurte à la réalité de l'existence, et plus elle me dégoûte, et plus j'en reviens finalement au suicide.
Normalement on ne revient plus sur une chose qu'on avait décidé de mettre de côté. Si on avait décidé pour une bonne raison et après mûre réflexion. Ce qui est forcément le cas en l'occurrence. Mais ici c'est différent car la conséquence même de la mise à l'écart, c'est-à-dire vivre, pousse à revenir sur ce qui avait été délaissé.

Mais je devrais plutôt me concentrer sur la recherche d'un nouvel élan.

21.4.10

Potentiel inexploité de la population suicidaire

Presque rien à voir mais : Qu'y a-t-il de plus injuste que le fait que les personnes exubérantes et prétentieuses aient une existence plus facile que celles qui sont timides et modestes ?


Avoir profondément envie de mourir lorsqu'on est ado et qu'on découvre certaines réalités de l'existence, c'est rassurant et logique. C'est le contraire qui est inquiétant.
Mais pas une envie passagère, pas une envie d'un jour, il faut que cela dure des semaines, des mois. Voire des années.

Deux types de population se suicident pour une bonne raison :
- ceux qui se rendent compte qu'ils ne comprennent rien, qu'ils sont limités intellectuellement pour interagir correctement avec le reste du monde. Pour ceux-là le plus dur est habituellement de s'en rendre compte. Je félicite ceux qui y parviennent.
- ceux qui se rendent compte qu'ils comprennent plus vite que les autres, et que l'ensemble de l'humanité est d'une médiocrité indicible. C'est très compréhensible.

La société devrait prêter une grande attention à la part de sa population qui est suicidaire. Une fois enlevés tous ceux qui ont de "mauvaises" raisons (par exemple ceux qui ont subi un traumatisme plus jeune, ceux qui souffrent à cause de pertes matérielles ou sentimentales, et autres choses qui se soignent/gèrent) - même s'il peut sembler qu'il n'y a rien de plus affreux et prétentieux que de classer les raisons en bonnes ou mauvaises - il reste les deux populations décrites plus haut. La première améliore déjà la société en s'autodétruisant - cynisme ultime - mais la seconde a un potentiel énorme d'amélioration de la société. Si nombre d'entre eux se laissaient convaincre d'entamer une lutte (plutôt que de l'abandonner) contre tout ce qui les révolte, tout ce qui selon eux pourrait être amélioré, la société subirait une modification sensible et hautement bénéfique. De plus cela leur ferait une excellente raison de vivre.
Ce serait autrement plus profitable que de les bourrer d'antidépresseurs pour qu'ils se vautrent ensuite dans une existence banale, ou que de les laisser mourir.

6.3.10

Le peuple

L'époque contemporaine donne un rôle de plus en plus important au peuple. Pas au peuple en fait, mais à des personnes du peuple. Et pas important en fait mais de plus en plus de rôles.

Lorsque la télévision est arrivée dans les foyers, on vantait ce formidable outil qui offrirait à tous l'accès à la culture. Une cinquantaine d'années plus tard on peut se poser sérieusement la question de savoir si l'impact sur la société a été positif.
Au delà d'un accès à l'information pour le peuple, l'intervention de personnes quelconques à la télévision a rapidement été prisée par le peuple, ceci culminant dans les années 2000 par l'arrivée de la télé-réalité.
Ces interventions et ces présences de personnes lambda semblent tout autant booster les audiences que nuire à la qualité des programmes.
Le peuple semble avoir un besoin viscéral de voir intervenir des personnes aussi médiocres qu'il ne l'est en moyenne, et pas seulement des professionnels de la télévision.

Venons-en à Internet. Depuis le début chacun peut créer son propre site et donc être acteur du web. L'arrivée des blogs a ajouté un élément supplémentaire puisque chacun peut interagir avec ce qu'il consulte. Les outils wiki sont dans la lignée.
En quoi les interventions de personnes lambda sont-elles valorisantes ? En quoi la modération géante de wikipédia est-elle la panacée ?
En moyenne le peuple est médiocre, en quoi lui donner la parole et le pouvoir d'agir est un signe de progrès ou peut mener à une amélioration globale ?
Bien sûr certaines personnes sont brillantes, ont d'excellentes idées, vont intervenir de manière intelligente, commenter de manière utile, participer à des améliorations, etc. Mais quelle part ? Et dans quelle mesure leur travail émerge-t-il de la médiocrité ambiante et géante ?

Personnellement je ne supporte pas le peuple. A la radio dès que la parole est donnée à un auditeur j'ai une irrépressible envie d'éteindre. A la télé dès qu'un participant ou un spectateur commence à raconter sa vie je zappe ou j'éteins. Sur les blogs, quel pourcentage de commentaires apporte quelque chose ? Dans les transports en commun dès que 2 personnes proches de moi commencent à se parler je crois mourir et cherche à aller ailleurs.
Comportement hautain ? Bourgeois ?
[je suis issu d'une famille modeste et je gagne assez mal ma vie; ce qui ne serait pas incompatible avec un comportement bourgeois]
Est-ce ma faute ? Ai-je choisi ? Est-ce agréable ? Sûrement est-ce tout aussi détestable que désagréable à vivre.
Est-ce si illogique de trouver le banal médiocre et de ne pas supporter le médiocre ? Là encore cela a un rapport direct avec la recherche de satisfaction intellectuelle. Le commun des mortels n'en procure simplement pas.

16.2.10

Anniphobie

En moyenne je me rends à environ 0,2 anniversaire par an. Si cela existait je serais anniphobique.
Il y a deux semaines j'ai accepté une invitation, après avoir évidemment longtemps hésité. Par la suite je n'y ai qu'épisodiquement repensé, avec appréhension cependant, jusqu'à la veille où j'ai commencé à paniquer et à envisager d'annuler. Un petit message "je suis trop malade" et le tour serait joué. Le matin même la panique à son comble, avec frissons d'angoisse. Et sur le trajet l'éternelle analyse et lutte avec/contre moi-même. Écartelé entre la société et ce que je suis.
On peut se dire que les choses sont simples et qu'il y a des problèmes autrement plus difficiles à gérer. On peut entendre qu'il suffit de faire sauter les quelques petits blocages psychologiques. Comme on débarrasse un engrenage d'un grain de sable. Sauf qu'en l'occurrence il ne s'agit pas de blocages que l'on pourrait débloquer, mais d'incompatibilité. Et ça, ça ne se débloque pas.

Je ne saurai jamais choisir un cadeau. J'ai déjà écrit sur mon incompréhension du système des cadeaux. Ma partielle désactivation sociale, émotionnelle et en partie sentimentale, doit être trop grande pour que je saisisse l'essence de la chose. Ce n'est pas quelque chose que l'on pourrait débloquer en travaillant spécifiquement dessus, prétextant que n'importe qui peut avec un peu d'entraînement savoir choisir un cadeau (à plusieurs ou pas), c'est au delà de cela. J'ai souvent fait allusion à des planètes différentes, à des mondes différents, et là encore c'est une métaphore adaptée : ce n'est pas comme si j'étais sur la même planète, dans le même référentiel, et qu'il y avait donc toujours espoir que je puisse moi aussi me comporter comme autrui, c'est un référentiel tout autre, qui est incompatible.
Les psys débloquent peut-être parfois certaines choses, certains traumatismes, mettent le doigt sur ce qui est noué et le dénouent, et une fois que la machine est réparée ou rafistolée elle repart. Mais ils sont bien incapables de travailler lorsque la machine est un modèle différent. Pire, il se peut que cette autre machine ne soit même pas cassée, chose dont ils sont incapables de se rendre compte, et qu'ils essaient de la réparer comme ils feraient d'habitude, chose qui évidemment débouche sur un fiasco.

Je ne saurai jamais apprécier pleinement un repas en groupe. Même si le groupe est choisi admirablement, ma place à la table aussi, et le repas divin.
[Je sais que lorsqu'on lit cela on peut fermement avoir l'impression que je force le trait, joue un rôle, etc. Ce n'est pourtant le cas qu'à une hauteur infime (il serait idiot de dire que ça n'existe pas du tout, il est évident que lorsqu'on cherche à décrire quelque chose, à faire passer un message, une explication, et qu'en plus on écrit, alors il y a toujours une petite part de narration, ce qui n'a rien d'anormal puisqu'on est quand même quelque part le narrateur).]
Ce qui fut le cas en l'occurrence. Mais d'abord je ne tirerai vraisemblablement jamais un quelconque plaisir à manger ou à boire. Heureux ceux qui y parviennent. Ensuite une conversation est forcément composée de moments enrichissants, assez rares, et d'autres plus plats, sans intérêt voire puérils. Sur 4 heures passées autour d'une table il y a beaucoup à jeter. Le temps est mal utilisé et pourrait l'être à meilleur escient, ce qui me fatigue et m'agace.
[Je sais qu'on pourra se demander si je suis chef d'entreprise, si je sais faire la différence entre une situation amicale détendue sans recherche de productivité et un contexte professionnel. Ce n'est pas la question en fait, je suis loin d'être un fan de capitalisme et de rentabilité, c'est une pure recherche de satisfaction intellectuelle. La notion de "bon moment partagé avec des personnes que l'on apprécie" m'est relativement étrangère. Considération sociale et sentimentale, une fois encore.]

22.1.10

Source vitale d'énergie

Cette page reste aussi blanche que ma liste de choses à faire n'avance pas.
Une note qui se composerait de cette unique phrase aurait son charme.
On trouve charmant ce qu'on peut.

La différence c'est que la liste se fige parce que je n'ai plus goût à grand chose ces temps-ci, tandis que la page - virtuelle s'entend - se remplira bientôt, lentement mais sûrement, c'est juste que je ne sais pas par où commencer.
Je n'ai pas pour habitude d'utiliser ce "ces temps-ci". Pour moi aller bien ou mal n'a jamais correspondu à des périodes, je ne vois pas les choses en terme de sautes d'humeur mais d'une manière globale. Je vais mal d'une manière générale, depuis des années, et me le répète d'ailleurs assez souvent sous forme de constat. Vous savez, ces petites phrases qu'on se dit à soi-même, du genre "il faudrait que je fasse ceci", "il faudra que je veille à éviter de reproduire cela", "ma réaction n'a pas été très appropriée sur ce coup-là", etc. Moi souvent c'est "je vais mal", juste en constat froid comme ça. Constat qui s'appuie habituellement sur des éléments.

En cette journée quasi-vide, où je ne fais rien mais de manière très efficace, deux sms se sont greffés à mes méditations.
Le premier d'un ancien ami me souhaitant réussite et passion pour la nouvelle année. Saluons l'effort d'originalité. De plus cela fait effectivement partie des rares choses qui pourraient me faire du bien. Même si bien sûr les chances qu'elles arrivent restent faibles et qu'un souhait reste un souhait, avec ses défauts. Cela m'a donné l'idée de souhaiter des choses non pas pour la simple année à venir mais pour la décennie à venir. Initialement je me demandais comment j'avais pu ne pas avoir cette idée avant, mais c'est simplement dû aux années : 2010-2020 invite plus que 2007-2017. A la rigueur en 2000 ça aurait pu venir.
Cette pirouette qui accessoirement tend à me dispenser de la chose pour les dix prochaines années est caractéristique de ce que j'en pense. Passer d'un an à dix tend à transformer cet acte banal et futile en quelque chose de plus fort. Là cela commence à valoir le coup de se demander à qui on veut vraiment souhaiter quelque chose, quoi, comment, et par quel support. Un courrier semble notamment nettement plus adéquat. Bon, ça ne devient pas non plus un acte d'une grande valeur, car il est difficile de sublimer le médiocre, mais c'est déjà un peu mieux.

Le second de mon père indiquant qu'il a toujours été fier de moi et qu'il sera toujours là, aussi bien dans les bons moments que dans les mauvais.
Beaucoup à dire ! En le lisant pour la seconde fois quelques minutes plus tard je me suis demandé s'il venait d'apprendre être atteint d'une grave maladie. Car c'est finalement typiquement le genre de choses que l'on ne dit qu'en circonstances critiques. Cependant répondre "tes jours sont comptés ?" ne serait peut-être pas très élégant (que ça soit le cas ou non). De toute façon mon cynisme n'interfère pas tellement dans mes relations avec les autres. Il reste la plupart du temps avec ma solitude, tout comme mes états d'âme, mon mépris et mon dégoût.
Mais reprenons. Il faut déjà saluer l'initiative - s'il est en bonne santé. Mais s'il a toujours été fier de moi, il n'en a pratiquement jamais rien montré. Difficulté ancestrale de l'humanité, certes. Sera toujours là, sera toujours là, dont acte mais pour quoi faire ? Mes bons moments sont déjà réservés à être passés seul. J'écris ça et me rends bien compte que ça n'est pas entièrement vrai. Disons que c'est comme ça que je les savoure le plus, mais la plupart seront forcément en partie partagés, mais pas avec la famille. Dans mes mauvais moments il est évident que je ne veux voir personne. Même si pas plus tard que la semaine dernière j'étais surpris d'aller un peu mieux après avoir été rendre visite à de la famille. Il n'en reste pas moins que ça restera toujours une très lointaine priorité. Que ça soit mal ou pas.


Tout est relié à l'envie et à la lassitude. L'autre jour une instit qui me demande justement si je ne me lasse pas, précisément dans la période où je commence à me sentir oppressé de ce côté-là ! Relatant cela je me demande d'ailleurs si ça ne commence pas à se sentir dans mes présentations. Les deux premières années une grande énergie m'animait et c'est une des raisons qui ont fait que l'enthousiasme a succédé à mes interventions à peu près partout. Je remarquais justement ce midi-même - en faisant tomber une pâte de la passoire - qu'il m'arrivait auparavant - notons l'utilisation de ce mot pour une période qui date d'un ou deux ans an en arrière - d'employer l'expression "une pièce à la mer !" lorsqu'un enfant faisait tomber une pièce par terre, tandis que ça a maintenant été remplacé par un fade "attention à ne pas faire tomber des pièces". La vieillesse ? J'ai toujours pensé que le degré de vieillesse ne s'appréciait pas à l'âge mais au degré de lassitude. Cet exemple le prouve éminemment. Tout comme il y a quelques années entre 19 et 21 ans je me sentais extrêmement vieux. Plus que de le sentir, sûrement je l'étais.

Tout est relié à l'envie et à la lassitude. J'en discutais avec mes grand-parents, desquels je suis pourtant très différent - merci au petit malin qui demande de qui je ne suis pas différent de faire silence pour l'instant, les choses sont assez compliquées comme ça, je lui demanderais aussi de noter la présence du très - et ils abondaient sur l'importance de faire un métier qui nous plaise. Pour l'envie nous y sommes, et c'est tout de même là aussi une problématique ancestrale de l'humanité, pour la lassitude c'est un peu différent car certaines personnes se lassent plus vite que d'autres.
Depuis que j'ai commencé à travailler (l'expression n'est pas terrible mais entré dans la vie active est encore pire...) la lassitude s'est toujours montrée au bout de quelques temps (malgré mon activité incongrue, qu'est-ce que ça serait sinon...) et j'ai toujours essayé d'agir pour y remédier, en changeant de lieux de travail, de publics, et autres, selon des cycles de 1, 2 ou 3 ans. Là je suis dans la 3ème année d'un cycle et sans surprise, hélas, cela se sent.

Dès que les choses commencent à se répéter, les actions à devenir automatiques, l'intérêt décroît et cela devient également intellectuellement insatisfaisant. Je ressens un grand besoin de changement, de renouvellement, de stimulation intellectuelle, pour qu'envie et énergie reviennent. Cela peut passer par un projet déjà évoqué, un peu fou, de changer de pays, d'apprendre une nouvelle langue, une nouvelle culture.
Je supposais il y a quelques années qu'un changement de pays ne modifierait pas grand chose à mes soucis, les humains étant humains partout. C'était une position un peu radicale mais non dénuée d'une part de vérité - comme beaucoup d'analyses de l'époque. La découverte de nouvelles choses, notamment lieux, langue et culture, devraient tout de même présenter un intérêt et un challenge, maintenant c'est vrai qu'au point de vue humain ce serait une erreur de croire à un eldorado. Mais peut-être que les jeunes de certains pays valent tout de même mieux que les jeunes français, ce serait en tout cas rassurant pour l'humanité.

Dès que l'envie décroît la liste des choses à faire n'avance plus. Quand le moteur principal s'essouffle il n'y a plus guère de carburant pour les petites choses. Assurer l'essentiel - comme faire les courses, relever le courrier, nettoyer l'appart, rendre visite, par exemple - devient encore plus difficile et dénué d'intérêt qu'à l'habitude. Et même les petites choses annexes griffonnées à faire, parfois sympathiques, sont reportées.
Recherche nouvel élan, urgent.

10.1.10

Snowing and snowing

Je me suis rendu compte que j'aimais bien la neige. Il faut dire aussi que notre dérèglement du climat l'a faite tellement rare ces dernières années sur Lyon que je n'avais pas vraiment eu le temps ou les occasions d'en prendre conscience.
Pas pour les sports de neige. Ni pour sa beauté ou pour son aspect parfois lisse et immaculé. Mais très probablement pour sa faculté à étouffer les bruits et à dégager une impression générale de calme. Sûrement aussi pour le petit côté traditionnel et naturel, loin des folies de la surconsommation, et surtout de la course effrénée permanente. Une certaine épaisseur de neige pousse les gens à parler moins, à marcher moins vite, à rouler moins vite, à être plus posé, à rester chez eux.
C'est éphémère certes, mais c'est déjà ça. Et cela me fait repenser qu'il faudra vraiment que j'essaie d'habiter un temps en Scandinavie.

1.1.10

What is your life made of ?

Aimer sentimentalement ne fait pas vraiment partie de mon vocabulaire. Je ne prends habituellement pas de nouvelles de mes proches, n'offre pas de cadeau, ne souhaite à peu près rien à personne.
Si j'aimais des personnes au sens affectif du terme, j'imagine que je ferais ces choses.

Le changement d'année a le chic pour me rendre acariâtre. Au moins cette année n'ai-je pas eu droit au voisin hurlant à pleins poumons sur le palier entre 0h00 et 0h10. Il a déménagé depuis. Anecdote mise à part je supprime aussi vite que possible tous les sms et mails de vœux. Je veux me couper de cette niaiserie intersidérale, y penser le moins possible et rapidement la faire appartenir au passé. Un message m'a demandé ce que j'avais prévu en ce premier jour de l'année, "j'ai prévu qu'on me fiche la paix". Il y a quelques jours c'était une question orale un peu naïve "tu n'aimes pas Noël ?", "Non". Grâce à un contexte favorable c'est la première année que je réussis à faire tomber le nombre de repas dits de famille à zéro, et c'est heureux. Avoir attendu autant d'années avant d'y parvenir est un peu désespérant.

De plus cette période me rappelle forcément celle précédant l'année de mes 20 ans et où le suicide était la priorité absolue. Pas assez absolue il faut croire. Même si j'avais de toute façon déjà horreur de la période des fêtes bien avant cela. C'est juste une connotation supplémentaire.

Je voulais écrire sur le chaos total régnant dans mon appartement et dans ma gestion globale des choses quotidiennes. Chose qui a encore plus été mise en abîme lorsque je suis tombé malade quelques jours. C'est difficile à décrire. Quand je regarde autour de moi je trouve juste cela normal, et ce qui est normal ne mérite pas d'être décrit. Sauf que le fait que je trouve cela normal signifie tout sauf que ça l'est.
Le désordre est permanent et total. Lorsqu'il arrive que je décide de ranger, le terme n'est pas exact, en fait je fais juste de la place pour pouvoir marcher et me déplacer de manière pas trop incommodante. L'ensemble est relativement poussiéreux. Luxe de célibataire s'empressera de déclamer la société. Mais je ne vois pas exactement ce qui est reproché à la poussière, c'est un élément peu nocif, calme et facile à faire disparaître au besoin. Le nombre de personnes qui ne supportent pas d'une part le désordre, et d'autre part la poussière, me fait froid dans le dos. N'y a-t-il pas plus utile à faire que de mener des luttes permanentes contre ces deux éléments inoffensifs ?

L'inertie est à n'en pas douter le mot le plus adapté à ma gestion des choses matérielles et administratives. Mon alimentation est très limitée et peu variée. Ma garde-robe évolue environ à la vitesse moyenne de l'érosion des falaises par la mer. Je n'ai acheté aucun meuble à ce jour. Tout comme je n'ai jamais acheté aucun CD ou DVD d'ailleurs (non, je ne pirate pas non plus), parmi des dizaines d'autres exemples similaires. Je relève mon courrier une à trois fois par mois environ, ce qui me vaut parfois quelques mauvaises surprises, certes, mais rien de grave jusque là. Je consulte mes comptes et pose les chèques à encaisser qui s'empilent à une fréquence similaire, un peu moins peut-être. Luxe de personne gagnant bien sa vie s'empressera de supposer le quidam. On ne peut pas dire non, mais luxe de personne qui n'achète jamais rien, ça oui.

La valeur que j'accorde à ce qui est matériel, ménager, administratif, financier, est à peu près nulle, ou au minimum que je puisse la situer. Finalement je n'accorde de l'importance qu'à certaines choses abstraites, un ou deux jeux d'une richesse infinie, certaines valeurs et une poignée d'idéaux; je crois. Noyé (volontairement) dans le chaos précédemment décrit, je passe le plus clair de mon temps libre dans un monde abstrait, à étudier des stratégies échiquéennes, préparer des cours correspondants, et pour lutter contre l'effet de lassitude à essayer - en résumé - de m'approcher du niveau de l'ordinateur au scrabble. Somme - réduite - de choses dont le commun des mortels ne peut se figurer quelle espèce d'intérêt cela peut avoir. Dans l'absolu il faut bien avouer que ça n'en a pas tellement, mais en pratique c'est ce qui compose et porte mon existence toute entière.

Le jeu d'échecs est sûrement le jeu auquel il est accordé le plus grand respect. Mais qui veut entendre parler de s'y pencher sérieusement ? Et quel est l'avenir d'un jeu intellectuel, fusse-t-il le plus respecté d'entre eux, dans le monde dans lequel nous vivons ?
Tout le monde connaît le scrabble mais étant donné que c'est le loisir familial par excellence, qui veut entendre parler de s'y pencher sérieusement ?

Prenons cela. Prenons ce qui a essayé d'être décrit plus haut, notamment quant à ma façon de vivre. Et maintenant je peux reposer la question : suis-je seulement différent comme dans la phrase "Nous sommes tous différents" ?

Subterfuge anti-routine

Aller travailler est fade. Même si on a par exemple un travail passionnant, l'action d'aller travailler en elle-même s'avère généralement d'une grande fadeur.

Très longtemps je me suis réveillé aussitôt que mon réveil avait sonné. J'avais même quelque peine à comprendre ceux qui disaient l'éteindre plusieurs fois pour dormir quelques minutes supplémentaires. Je suppose qu'ils ne le réglaient pas sur l'horaire optimal.
Maintenant c'est un peu différent. Je règle toujours aussi court, mais il devient fréquent que je ne me lève pas tout de suite. Les chances que je me rendorme sont minimes mais je suis éveillé et reste allongé, parfois pendant 10 à 20 minutes, ce qui a tendance à me mettre plutôt en retard. Sauf que je ne peux pas me permettre d'arriver vraiment en retard dans les écoles, dès lors je dois tout faire en accéléré, y compris le trajet en voiture, pour espérer arriver à temps (chose que j'ai toujours réussie jusque là). Je réfléchissais l'autre jour à ce phénomène et je me demande si ce n'est pas pour pimenter l'action d'aller au travail. Cette action d'une fadeur et d'une routine extrême devient tout de même plus excitante lorsqu'il y a un compte-à-rebours. C'est peut-être mon inconscient qui m'a poussé à faire cela.
Que mon inconscient doive trouver des subterfuges de ce genre pour que mon conscient s'ennuie moins, c'est à la fois touchant et triste.