Depuis une semaine je suis salement malade, un truc pas vraiment identifié apparemment, médocs assez généraux. Samedi soir j'ai cru que je n'allais jamais arriver chez moi. Je donnais un dernier stage avant les vacances, à une centaine de km. La journée se passait assez bien jusqu'au moment du départ. Je passe prendre de l'essence et au moment de repartir le début de la spirale infernale : ceinture bloquée. Ajoutons que je commençais à souffrir du repas du midi, d'ailleurs il faudra qu'on m'explique comment c'est possible que j'ai toujours une mauvaise digestion les après-midi de tournois, après avoir soupçonné les contenus des repas, je suis arrivé à la conclusion que c'était le stress, mais là j'étais pas censé stresser en donnant ce stage, enfin bref. Oui et donc également j'étais malade, la toux qui commençait à devenir violente, la fièvre, la totale. Je suis quelqu'un de très calme et patient, je règle généralement les problèmes de manière froide et sereine. Alors je descend de la voiture, sors même pour prendre ce problème comme il le mérite. Je passe 5 minutes à tirer sur la ceinture, en force, en douceur, avec des à-coups, sans, tout ! Rien ! Bon, dans le froid polaire (je dirais 3-4 degrés), je me résigne à enlever mon manteau et reculer d'un cran le siège, afin de pouvoir quand même boucler cette stupide ceinture. C'est pas très confortable et je ne suis pas sûr d'être en sécurité en cas d'accident, à cause du mou presque inexistant, mais c'est mieux que rien, allons-y, il n'y a qu'une heure de route. Bon, je passe sur le fait que je me perds dans les petits villages avant de trouver l'autoroute, égarement duquel j'ai profité pour retenter une bataille contre la ceinture, encore gagnée par elle. J'avale quelques comprimés ainsi que du sirop antitussif, histoire d'avoir quelques chances d'arriver à destination quand même. Que le trajet a été long ! Dans la nuit, le froid - rappelons que je ne pouvais pas mettre mon manteau et que ma voiture n'est pas très moderne -, la maladie, le ballonnement, je comptais les kilomètres. Enfin arrivé chez moi, je tombe à la télé sur Le piège du père-noël, me glisse sous la couette et me laisse tenter. Conte de Noël moderne, ma foi sympathique. Regavage de médicaments et extinction des feux.
L'histoire pourrait s'arrêter là. Mais non. 1h58, réveil plus ou moins douloureux, douleurs au ventre, je me traîne jusqu'au frigo, j'en extirpe la bouteille de fanta citron frappé flambant neuve, décidé à en avaler au moins 1/8ème - oui bah oui point trop n'en faut non plus et puis je pourrais pas plus -. J'essaye d'ouvrir le bouchon, sans succès. Je réessaye, encore raté. Je me dis "je sais que je suis crevé mais bon il y a des limites, un bouchon de bouteille, tout de même...". Je prends un torchon et tout, j'y mets toutes mes forces (enfin le peu qu'il en reste quoi), mais non, ça ne veut rien savoir. Là je me dis que c'est un peu fort, ça me réveille un peu mieux et je décide d'observer cet énigmatique bouchon. Et là stupeur, il est d'une seule pièce, il n'y a pas les petits pointillés si j'ose m'exprimer ainsi, qui permettent une ouverture normale. Malédiction, un défaut de fabrication ! Aucun autre soda, c'est la fin ! A partir de là, je crois que j'ai surpassé le Halvard Sanz de Jaenada. Je voulais vraiment ouvrir cette bouteille, je ne crois pas que ma survie en dépendait mais en tout cas je me suis mis en tête que si. Ah oui, j'ai oublié de préciser que la ceinture s'est débloquée à quelques km de l'arrivée, avec un petit clic nonchalant. La ceinture avait gagné la bataille, avec grande facilité même, et bien pas question que je perde maintenant contre une bouteille de fanta, défaut de fabrication ou pas ! L'être humain, doué d'une certaine intelligence, bien qu'en général assez basse il faut bien le dire, est censé venir à bout des petits éléments matériels inertes à base de plastique ou de tissu, vrai ou faux ? Alors j'ai commencé la lutte. J'ai cherché de quoi faire capituler ce bouchon. Tire-bouchon ? S'il portait mieux son nom, ça aurait pu, mais là non. Couteau ? Forcé ! Le couteau de base, avec des dents à moitié rondes, pas très tranchantes, mais bon. J'ai commencé à scier le bouchon en plastique, à hauteur où les pointillés auraient du se trouver. Seulement c'est du plastique costaud. Et puis il faut faire toute la circonférence du bouchon. Et puis il faut scier droit, sinon une fois qu'on a fait le tour on n'est plus en face. C'est assez technique finalement, juste ce qu'il ne me faut pas. Bon, pour quelqu'un d'à bout de forces, au milieu de la nuit, je trouve que je ne m'en suis pas trop mal tiré avec un temps honorable de 26 minutes... Un combat épique, le bouchon ne voulait rien lâcher, mais moi encore moins. Je vous l'ai dit, ma survie en eut-elle dépendu, je n'en aurais pas mis plus de rage. Victoire finale et ingestion du meilleur liquide du monde. Héros du genre humain. Tous les objets de mon appart faisaient la gueule. Redoses de médocs et réextinction des feux, pour de bon cette fois-ci.
Je sais, même malade, même à 1h58, ma vie est palpitante.