23.3.14

La force incroyable de l'inertie

Écrire une fois par mois ici serait un bon minimum.

"Je connais les gens", disait ce clown de Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions. Ce qui peut être considéré comme la prétention ultime. Personnellement je pourrais presque dire la même chose, et donc être aussi ultimement prétentieux, mais je me contente de "Je n'aime pas les gens". Ce qui, si on y réfléchit, est proche, mais différent néanmoins.

Les gens me tuent et, de temps en temps, je le leur rends bien. Pourquoi j'aime Le Fléau de Stephen King ? Sans doute parce que 99,9% de la population a été décimée. C'est 99,9% de gagné.
Oui je préfère vraisemblablement les choses inertes que les choses vivantes. Ce n'est sûrement pas un hasard si je passe le plus clair de mon temps à étudier les déplacements de bouts de bois inertes. Vous savez ce que j'apprécie dans une salle de tournoi ? Que pendant 5h il n'y a aucun bruit. Les gens se déplacent mais très peu. On n'entend pas parler et c'est un bonheur.

Ma mère va devenir grand-mère et je n'avais pas compris que j'allais devenir oncle. Soupir.
Cela devait arriver un jour j'imagine.

Je ne vois pas dans quelle dimension je pourrais avoir envie d'avoir un enfant. Dans quelle dimension je pourrais avoir l'indécence d'avoir un enfant, pourrais-je dire. Nonobstant tout le temps que ça (oui "ça") prendrait les premières années - le temps et le reste - ma plus grande préoccupation, clairement, serait qu'il me demande un jour "Mais papa, qu'y a-t-il de beau ou d'intéressant à vivre ?". Car alors je serais totalement incapable de lui répondre quoi que ce soit. Alors il pourra me reprocher d'avoir contribué à l'enfanter, et il aura définitivement raison. Il n'y aura aucun contre-argument valable à opposer. Il serait aussi insensé qu'illogique de prendre le risque de placer quelqu'un dans la situation même où je me trouve et que je déplore.

(faisons également preuve d'un minimum de logique : pourquoi créer une personne quand on n'aime pas les gens ? Cela n'aurait aucun sens)

En vérité chaque personne qui prend cette décision - d'enfanter - prend ce risque que l'enfant n'aime pas vivre. Oui c'est un sujet à aborder qui est un terrain très glissant. Mais on a le choix, fuir la réalité, se cacher, ou l'affronter de plein front. J'ai toujours fait ce dernier choix, même si c'est peut-être simplement une erreur, une mauvaise façon d'approcher l'existence. Alors quoi, plus personne ne devrait se reproduire sous prétexte qu'il y a un risque que la personne n'aime pas vivre ? A moins de compter sur les statistiques, je serais tenté de répondre "en effet". Il est vrai que pour moi, d'un point de vue théorique, l'extinction de l'humanité n'est pas spécialement une grande perte. De toute façon soyons un minimum pragmatique et réaliste : elle n'aura pas lieu. Pas de cette façon-là en tout cas. D'une manière générale il sera très difficile de faire disparaître notre espèce. Joie.

Bah, cela donne juste une vague idée de mon état d'esprit. A dire vrai cela fait maintenant quelques mois que c'est ainsi. Oui, on pourrait pousser jusqu'à quelques années - ha ha - mais ce serait cependant un petit peu exagéré.

Pendant que j'y pense : vous êtes déjà resté dans un bain qui se vide jusqu'à ce qu'il se soit entièrement vidé ? Personnellement j'ai l'impression que ça donne un avant-goût de la mort... Du coup je vous le conseille moyennement.

Vous imaginez à combien d'années lumière je suis des élections municipales... De toute façon cela fait 8 ans et 2 déménagements qu'en théorie j'aurais dû mettre à jour ma carte d'électeur avec la bonne commune. Je doute de le faire un jour.

Je me plains de manquer de connexions avec des gens intéressants. Mais c'est vraiment toujours la même chose, toujours : l'existence de telles connexions soulagerait peut-être mon ressenti, elle ne modifierait pas fondamentalement ce que je suis ni mon appréciation globale des choses. Je crois. Qu'un revirement incroyable se produise dans ma vie, franchement on peut toujours rêver. Mais voilà, cela ne relève de rien d'autre que du rêve, d'une douce utopie.
Je ne sais pas si cet espoir insensé est présent tout au fond de moi, si c'est ce qui me fait continuer. Honnêtement j'en doute. Je pense que je continue juste par inertie, la force de l'inertie. Cette incroyable force.

P.S. Ne vous pendez pas. Profitez de votre existence, si vous y arrivez. Et ne laissez pas ceux qui n'y parviennent pas vous en empêcher.