22.6.15

Ecriture pré-estivale

17/06 - Bénéfice des plaisirs simples et primaires
Je fais partie des personnes qui pensent régulièrement au suicide. Je ne sais pas si nous sommes nombreuses. Celles qui ne sont pas dans ce cas bénéficient, je pense, du plaisir qu'elles peuvent ressentir quand un rayon de soleil réchauffe leur peau, quand une saveur navigue sous leur palais, quand une mélodie parvient à leurs oreilles, quand la vue de quelque chose leur coupe momentanément le souffle, quand une odeur leur fait fermer les paupières pour mieux l'apprécier, quand elles aperçoivent un sourire, quand elles entendent un rire, quand elles frémissent de bien-être, quand elles savourent quelque chose.
Ôtez ces éléments, et quelques autres, puis figurez-vous ce que peuvent être les existences des personnes qui n'en bénéficient pas.

21/06 - Nouvelles et cycles
Mais je me porte correctement. Depuis environ trois mois. Je ne sais pas si cela va durer. Ou plutôt si, je sais que cela ne durera pas éternellement. C'est cyclique depuis quinze ans et cela continuera de l'être. Il était rude que la période précédente, période noire, ait duré dix mois. C'était long et difficile. Et pourtant objectivement elle a comporté pas mal d'éclaircies, ou ce qui aurait dû constituer des éclaircies mais dont la lumière, pourtant parfois vive, ne suffisait pas contre l'obscurité étouffante.

J'ai l'impression d'avoir gagné en sérénité sur certains points. Je me torture moins qu'avant pour tout un tas de choses, typiquement vouloir tout contrôler, s'inquiéter de tout, se rendre malade lorsque l'on se heurte à la bêtise. Ai un peu gagné en confiance, même si partais évidemment de très loin. Essaie de relativiser davantage en général. J'essaie de positiver, surtout lorsque je communique avec autrui, j'essaie d'apporter de l'énergie plutôt que d'en ôter. Je tente d'ignorer et de mépriser ceux qui en ôtent, même si c'est difficile. Même les mépriser coûte du temps et de l'énergie, c'est pourquoi il faudrait pouvoir simplement faire abstraction d'eux. Dans l'idéal.

Je demeure encombré des existences physiques. Mon corps. Mon appartement. Eux aussi je fais un peu comme s'ils n'existaient pas. Dans l'ensemble cette attitude fonctionne. Mais l'absence de considération et d'entretien finit par poser certains problèmes qui peuvent s'avérer pénibles à gérer. Ce ne sera jamais mon domaine de prédilection. Mais comme je n'exerce pas d'actions directement nuisibles, seulement par inertie, je suppose que cela restera gérable.

Je me dis que je suis libre. Je progresse un peu du côté de la valorisation de cet état de fait. La majorité de mes actions sont le fruit de mes choix, et je peux assez souplement changer ce qui constitue mon existence. Bien sûr il manque toujours de choses dont j'ai réellement envie mais ce n'est pas nouveau. Dans l'ensemble il est correct de dire que je suis libre, du moins autant qu'on puisse l'être, et c'est sans doute une satisfaction. Je le suis à peu près autant que ce covoitureur cuisinier qui s'apprêtait à plaquer sa situation française enviable pour partir en Nouvelle-Zélande. La liberté n'a sans doute de valeur que si l'on a envie d'en faire quelque chose. De ce point de vue-là ma situation est mitigée. J'ai retrouvé un contexte non obscur mais je manque quelque peu de projets à mener, ce dont j'ai toujours eu besoin pour moteur. Cela fait partie des éléments préoccupants. Ceux qui font du futur retour de l'obscurité une évidence. Cela ne sera pas une surprise, mais n'en sera pas moins désagréable. C'est ainsi. D'ici là conseillons-moi de profiter de la période actuelle autant que faire se peut.

Remarquons ma distanciation dans cette dernière phrase. Distanciation est sans doute l'un des mots qui me caractérise le plus. Lorsque l'on n'apprécie pas particulièrement la vie, ni les êtres vivants, il est logique de se tenir en retrait. Et cela ne fait que rejoindre la stratégie de fermeture évoquée la dernière fois. Tout est logique. Et je comprends que cela ne fasse pas sauter de joie, ce n'est pas le but. Mais réjouissons-nous que je sois actuellement soulagé et relativement serein. Autant que faire se peut, cela va de soi.