29.7.10

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Texte de Stig Dagerman, 1952.
Extraits :

"Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux."

"Pour moi il ne suffit pas de savoir que, puisque nous ne sommes pas libres de nos actes, tout est excusable."

"Le temps n'est pas l'étalon qui convient à la vie. (...) Tout ce qui m'arrive d'important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l'on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps."

"Le miracle de la libération vient dans la découverte soudaine que personne, aucune puissance, aucun être humain, n'a le droit d'énoncer envers moi des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s'étioler. Car si ce désir n'existe pas, qu'est-ce qui peut exister ?"

"Tout comme les autres hommes, je dois avoir droit à des moments où je puisse faire un pas de côté et sentir que je ne suis pas seulement une partie de cette masse que l'on appelle la population du globe, mais aussi une unité autonome."

"Je soulève donc de mes épaules le fardeau du temps et, par la même occasion, celui des performances que l'on exige de moi. Ma vie n'est pas quelque chose que l'on doive mesurer. (...) Une vie humaine n'est pas une performance mais quelque chose qui grandit et cherche à atteindre la perfection."

"Si je veux vivre libre, il faut pour l'instant que je le fasse à l'intérieur des formes figées de la société. Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n'ai rien à opposer que moi-même - mais, d'un autre côté, c'est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s'exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où je n'aurai plus que mon silence pour défendre mon inviolabilité, car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant.
Telle est ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu'une consolation et plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire une raison de vivre."

J'y reviendrai.

Merci à C.

17.7.10

Choisir

Se lever ou ne pas se lever, l'indécision dès le réveil. Mais l'indécision partout, toujours. Ne pas savoir citer une couleur préférée, un plat préféré ou quoi que ce soit de préféré d'ailleurs. Avoir du mal à choisir un parfum de yaourt (il y a bien longtemps que j'en prends un au hasard dans mon frigo et que je le mange sans même regarder à quoi il est). Être incapable de faire des choix au supermarché devant des rayons inconnus, quels qu'ils soient, et toujours prendre la même chose dans les rayons connus pour ne pas se retrouver confronté à l'indécision. Incapacité de choisir entre cesser de jeûner maintenant ou demain. De choisir un pays où partir, ne même pas savoir déterminer sa préférence entre rester et partir. Ne pas savoir s'il faut rester dans tel club ou changer. Être incapable de se faire un programme estival. Avoir des chèques cadeaux FNAC et être incapable de choisir comment les utiliser. Être incapable de déterminer si je veux changer d'appart. Si je veux vivre ou ne pas vivre.

Une telle indécision permanente et partout est la conséquence d'une grande indifférence à l'ensemble des choses. Une des principales caractéristiques de ceux qui vivent semble être de savoir choisir, de préférer des choses à d'autres. Être noyé ainsi dans l'indifférence c'est devoir se cantonner à une pâle survie. Mais on ne choisit pas si les choses nous indiffèrent ou non. Elles le font ou elles ne le font pas, on ne fait que subir. Choisir n'est pas une chose qui s'apprend. Normalement c'est naturel.