31.12.07

Ok, passons à l'année paire

Le dernier jour de l'année, il y a deux types d'individus dont j'ai du mal à supporter l'existence.
Celui qui est seul et qui cherche à tout prix à ne plus l'être. Qui cherche à s'incruster chez quelqu'un qu'il connaît car il est rongé par la solitude et qu'au choix il considère qu'il n'y a rien de pire que passer ce soir de l'année seul ou bien il trouve là une occasion rare, un très bon prétexte. Alors est-ce qu'être rongé par la solitude excuse ce comportement ? Pour moi non, à peine quelques circonstances atténuantes.
Et il y a ceux qui sont plusieurs, qui ont prévu quelque chose, et qui veulent à tout prix embringuer dans leur truc ceux qui sont tout seul. Eux c'est les pires. Car ils ont une compréhension limitée. C'est comme des handicapés de la compréhension, ils ne peuvent pas s'imaginer qu'on puisse vouloir rester seul.
Parce que sinon, les gens qui font la fête, au delà du fait que je me sente étranger à eux, s'ils la font de leur côté c'est déjà pas mal, et si miracle ils arrivent à comprendre que certains préfèrent se comporter autrement, alors bonne nouvelle.
Je m'interroge automatiquement sur ce qui pousse autant de monde à fêter ce soir de l'année mais finalement je crois que je préfère ne pas savoir. Ne pas savoir que certains fêtent le temps qui passe dans le monde dans lequel on vit, que certains ont besoin d'oublier la réalité, que certains n'ont besoin de rien, que la plupart ne s'interrogent jamais sur les raisons.

Je n'ai pas très envie de développer, fuyons ces tristes analyses. Je vais poursuivre mon changement d'année classique : surtout seul, musique calme, nourriture banale, pas d'horaire, l'écran d'ordi, apprendre des mots par exemple, et consolidation de tous les instants de la bulle qui doit me séparer du reste du monde. Bien.

26.12.07

Let the police do her job

L'autre fois je devais aller porter plainte au commissariat. Je dois dire que des agents étaient déjà venus constater, comme il se doit, et pris des notes. Ca m'a déjà paru étrange de devoir aller répéter ce qu'ils sont venus voir, mais bon qu'à cela ne tienne...
Tout insouciant j'y vais la 1ère fois vers 16h, on me dit qu'il y a dans les 2h30 d'attente (alors que ça ferme à 18h, le truc pas inquiétant déjà). Je me laisse dire qu'il faut venir à l'ouverture, soit à 8h, soit à 14h. Bien, je vais donc une nouvelle fois pouvoir profiter de mes horaires de boulot singuliers. Deux jours plus tard, je débarque à 14h mais je ne suis pas le seul, on est cinq. Je pense que ce n'est pas la fin du monde et que d'ici 15h je serai bien sorti. Pouah quelle naïveté ! Je suis assez patient, il faut le savoir, j'avais pris de quoi lire et comme je commençais à tomber malade j'étais aussi prêt à somnoler un peu. Une heure plus tard, une seule des 5 personnes était passée ! J'hallucine pas mal. Il faut dire qu'en plus des personnes sans rendez-vous s'ajoutent des personnes convoquées... Trente minutes plus tard, pas mieux, je décide de demander la raison de cet invraisemblable blocage. On me répond que c'est juste parce qu'il n'y a que 2 fonctionnaires pour prendre les plaintes (j'apprendrai plus tard qu'ils sont seulement entre 2 et 3). J'ai dit que je ne trouvais pas cela très adéquat puis "au revoir à bientôt" et je suis parti.
J'en suis pas revenu. Même chez le médecin on passe 3 à 4 fois plus vite alors qu'il a une tâche légèrement plus complexe à réaliser. Déjà le nombre de personnes qui viennent déposer des plaintes est assez inquiétant, cela signifie que la société a beaucoup de problèmes, et il n'est pas aisé de trouver les raisons et de lutter contre. Ensuite le temps que ça prend pour enregistrer une plainte, c'est très administratif, ça prend bien 30 minutes même quand on a rien à dire. Ensuite le nombre de fonctionnaires qui recueillent ces plaintes, beaucoup trop insuffisant. Deux jours plus tard à l'ouverture de 8h je suis passé en 45 minutes, mais en tout cas, tout ça m'a stupéfait.

24.12.07

People in a hurry

L'autre fois c'était fun dans la rue. Pour une fois hein. Dimanche, 18h. Un camion bloquait plus ou moins le bout d'une petite rue, le temps de décharger quelques trucs. Bien sûr une voiture arrive, le conducteur voit qu'il ne peut pas passer, klaxonne. Par la suite je crois qu'il a regretté. Un des types qui déchargeait commence à l'incendier : "Quoi, t'es pressé ? C'est la nouvelle maladie du siècle, d'être pressé. Prends le temps de mourir". Après je crois qu'il a fait un aller-retour avec une partie du chargement, avec ses collègues. Puis en revenant il a du terminer en lui disant "Alors, c'était long ? T'avais pas 2 minutes ?". L'autre n'a pas bronché. Le type du camion avait l'air sage et en même temps du genre qui tape ses coups de gueule quand il en a envie. Un mélange tout à fait pertinent à mon avis.

Alors, que les gens sont pressés, je le savais avant, je m'en rends encore compte depuis, et ça me donne l'occasion d'en dire un mot. Car c'est l'un des fléaux de l'époque moderne. Je veux dire réfléchissons un instant sur ce qu'on imaginerait comme société idéale, mettons dans quelques milliers d'années, quand les Hommes seront devenus raisonnables et sages, entre autres, ce qui semble bien utopique, certes, je suis bien le premier à ne pas y croire une seconde. Imaginons tout de même, est-ce qu'on y voit des gens pressés ? Non, évidemment non, car c'est une caractéristique négative à la base.
Voyons une définition :
Pressé : Qui a hâte, qui doit faire vite.
Précisons que lorsqu'on dit pressé, on sous-entend plus ou moins aussi impatient et autres traits négatifs qui peuvent s'ajouter comme énervé, stressé... etc. Parce que pressé et patient, c'est vrai qu'en théorie ça pourrait peut-être exister, mais en pratique...

A qui la faute ? Parfois pas à eux-mêmes, "qui doit faire vite", doit, c'est une autorité supérieure qui lui impose alors. Une seconde là, je veux bien reporter la faute sur quelqu'un ou quelque chose d'autre dans ces cas précis : délais d'acheminements draconiens, enchaînement des tâches ou déplacements trop rapprochés, bref quand la personne est prise dans un engrenage qu'elle ne peut pas contrôler (livreurs, urgences de santé, employés mis sous pression par leur patron, etc), mais je crois tout de même que la personne pourrait dans au moins 2 cas sur 3 agir en amont pour ne pas se retrouver pressée. Certaines choses changent avec le temps et les époques, et d'autres non : La Fontaine, Le lièvre et la tortue, Rien ne sert de courir, il faut partir à point. On est en plein dedans là ! Voilà déjà une piste intéressante pour supprimer des tensions. Une autre peut être plus de réflexion et d'organisation. Parfois juste un peu de bon sens ou de réflexion permettent de remettre des choses en place astucieusement (même si je me rends compte en disant cela que ça fait un peu formule bateau de recette miracle). Voilà un petit peu pour la prévention.

Mais il faudrait aussi insister sur les mentalités. Si on assouplissait un peu tout ça, c'est-à-dire qu'on arrêtait de considérer que l'heure c'est l'heure, que c'est sacré, etc. Prenons exemple sur certaines régions du monde où le temps n'est pas un ennemi. L'autre fois un reportage où 50% des gens arrivent avec 4h de retard à une réunion régulièrement. Je ne dis pas que c'est bien mais nous devons pouvoir trouver un juste milieu entre le laxisme large et le ponctualisme totalitaire. Alors je sais bien, la source est à chercher directement dans le capitalisme, qui se mondialise aujourd'hui. Recherche de profits, optimisation des temps de travail, réductions ou suppressions des temps morts, augmentation de l’intransigeance sur la ponctualité, augmentation des rendements et réductions des délais. Je sais. Mais je suis en train de demander quelque chose de plus profond à l'Humanité, justement, plus profond que la recherche de profits. Ce sont les êtres qui par leurs choix doivent s'opposer aux valeurs du capitalisme. Est-ce que nous voulons une société de gens pressés ou de gens détendus ?
Imaginez le gain en calme, en détente, en souplesse nerveuse, si on enlève 67% des cas où les personnes sont pressées...

Je souhaitais aussi m'intéresser à certains cas. Alors le matin pour les personnes qui vont travailler, pourquoi des klaxonnements, des appels de phares. Le matin à 7h30 quoi. Ils sont déjà énervés ? Pourquoi ? Ils n'aiment pas leur boulot ? Ils pestent d'aller bosser ? Ça ne peut pas être qu'ils sont mal réveillés, si ? On peut avoir une attitude agressive dans ce cas ? Ou alors c'est qu'ils sont en retard ? Alors on peut parler du capitalisme mais parlons de l'individu : pourquoi il ne se lève pas 15 minutes plus tôt ? Ça le déstresserait et ça déstresserait aussi les autres. Ou alors ce sont des cas isolés de personnes ayant subi des retards inhabituels ? Non mais est-ce que c'est possible de desserrer l'étreinte mortelle de l'entreprise à profits ? Est-ce que c'est possible d'arriver parfois 15 minutes en retard en disant que c'est un retard inhabituel sans mettre son emploi en danger ? Alors il y a ceux qui ne peuvent pas s'organiser autrement par rapport aux horaires du reste de leur famille. Ok mais il y a forcément un aménagement à réaliser quelque part. De toute façon je ne supporte pas la rigidité des horaires dans les entreprises. D'accord il y en a où on ne peut pas faire autrement pour des questions de machines ou de personnes devant travailler ensemble, ok, mais il y en a tellement d'autres où des personnes pourraient arriver 15 minutes, des fois 30, ou même 1h ou 2h, puis terminer d'autant plus tard le soir. De l'intelligence, de la souplesse, je ne sais pas...


Bon voilà, c'était le coup de gueule (modéré...) sur les gens pressés. Moi-même je le suis à l'occasion. C'est vrai que je pars régulièrement 5 ou 10 minutes trop tard, parfois je compense durant le trajet sans énerver personne, très rarement j'ai un comportement déplacé de personne pressée et je m'en excuse ici, et d'autres fois je n'arrive pas à compenser et j'arrive donc en retard d'autant et les personnes à qui je donne les cours ne s'en offusquent pas parce qu'elle savent faire la part des choses et je trouve ça intelligent.

Home sweet home, bordel.

Depuis une semaine je suis salement malade, un truc pas vraiment identifié apparemment, médocs assez généraux. Samedi soir j'ai cru que je n'allais jamais arriver chez moi. Je donnais un dernier stage avant les vacances, à une centaine de km. La journée se passait assez bien jusqu'au moment du départ. Je passe prendre de l'essence et au moment de repartir le début de la spirale infernale : ceinture bloquée. Ajoutons que je commençais à souffrir du repas du midi, d'ailleurs il faudra qu'on m'explique comment c'est possible que j'ai toujours une mauvaise digestion les après-midi de tournois, après avoir soupçonné les contenus des repas, je suis arrivé à la conclusion que c'était le stress, mais là j'étais pas censé stresser en donnant ce stage, enfin bref. Oui et donc également j'étais malade, la toux qui commençait à devenir violente, la fièvre, la totale. Je suis quelqu'un de très calme et patient, je règle généralement les problèmes de manière froide et sereine. Alors je descend de la voiture, sors même pour prendre ce problème comme il le mérite. Je passe 5 minutes à tirer sur la ceinture, en force, en douceur, avec des à-coups, sans, tout ! Rien ! Bon, dans le froid polaire (je dirais 3-4 degrés), je me résigne à enlever mon manteau et reculer d'un cran le siège, afin de pouvoir quand même boucler cette stupide ceinture. C'est pas très confortable et je ne suis pas sûr d'être en sécurité en cas d'accident, à cause du mou presque inexistant, mais c'est mieux que rien, allons-y, il n'y a qu'une heure de route. Bon, je passe sur le fait que je me perds dans les petits villages avant de trouver l'autoroute, égarement duquel j'ai profité pour retenter une bataille contre la ceinture, encore gagnée par elle. J'avale quelques comprimés ainsi que du sirop antitussif, histoire d'avoir quelques chances d'arriver à destination quand même. Que le trajet a été long ! Dans la nuit, le froid - rappelons que je ne pouvais pas mettre mon manteau et que ma voiture n'est pas très moderne -, la maladie, le ballonnement, je comptais les kilomètres. Enfin arrivé chez moi, je tombe à la télé sur Le piège du père-noël, me glisse sous la couette et me laisse tenter. Conte de Noël moderne, ma foi sympathique. Regavage de médicaments et extinction des feux.

L'histoire pourrait s'arrêter là. Mais non. 1h58, réveil plus ou moins douloureux, douleurs au ventre, je me traîne jusqu'au frigo, j'en extirpe la bouteille de fanta citron frappé flambant neuve, décidé à en avaler au moins 1/8ème - oui bah oui point trop n'en faut non plus et puis je pourrais pas plus -. J'essaye d'ouvrir le bouchon, sans succès. Je réessaye, encore raté. Je me dis "je sais que je suis crevé mais bon il y a des limites, un bouchon de bouteille, tout de même...". Je prends un torchon et tout, j'y mets toutes mes forces (enfin le peu qu'il en reste quoi), mais non, ça ne veut rien savoir. Là je me dis que c'est un peu fort, ça me réveille un peu mieux et je décide d'observer cet énigmatique bouchon. Et là stupeur, il est d'une seule pièce, il n'y a pas les petits pointillés si j'ose m'exprimer ainsi, qui permettent une ouverture normale. Malédiction, un défaut de fabrication ! Aucun autre soda, c'est la fin ! A partir de là, je crois que j'ai surpassé le Halvard Sanz de Jaenada. Je voulais vraiment ouvrir cette bouteille, je ne crois pas que ma survie en dépendait mais en tout cas je me suis mis en tête que si. Ah oui, j'ai oublié de préciser que la ceinture s'est débloquée à quelques km de l'arrivée, avec un petit clic nonchalant. La ceinture avait gagné la bataille, avec grande facilité même, et bien pas question que je perde maintenant contre une bouteille de fanta, défaut de fabrication ou pas ! L'être humain, doué d'une certaine intelligence, bien qu'en général assez basse il faut bien le dire, est censé venir à bout des petits éléments matériels inertes à base de plastique ou de tissu, vrai ou faux ? Alors j'ai commencé la lutte. J'ai cherché de quoi faire capituler ce bouchon. Tire-bouchon ? S'il portait mieux son nom, ça aurait pu, mais là non. Couteau ? Forcé ! Le couteau de base, avec des dents à moitié rondes, pas très tranchantes, mais bon. J'ai commencé à scier le bouchon en plastique, à hauteur où les pointillés auraient du se trouver. Seulement c'est du plastique costaud. Et puis il faut faire toute la circonférence du bouchon. Et puis il faut scier droit, sinon une fois qu'on a fait le tour on n'est plus en face. C'est assez technique finalement, juste ce qu'il ne me faut pas. Bon, pour quelqu'un d'à bout de forces, au milieu de la nuit, je trouve que je ne m'en suis pas trop mal tiré avec un temps honorable de 26 minutes... Un combat épique, le bouchon ne voulait rien lâcher, mais moi encore moins. Je vous l'ai dit, ma survie en eut-elle dépendu, je n'en aurais pas mis plus de rage. Victoire finale et ingestion du meilleur liquide du monde. Héros du genre humain. Tous les objets de mon appart faisaient la gueule. Redoses de médocs et réextinction des feux, pour de bon cette fois-ci.

Je sais, même malade, même à 1h58, ma vie est palpitante.

9.12.07

Wiki

L'autre soir d'entendre vanter les mérites de Wikipédia. N'importe qui peut modifier des articles et c'est la communauté qui modère. Pas de hiérarchie, quelqu'un tout en bas de l'échelle de la connaissance peut proposer une modification ou créer un article, et pas d'autorité pour imposer, l'autorité c'est la communauté. La communauté modère la communauté. Et ça se termine en indiquant que le taux d'erreur de cette encyclopédie n'est que de 0,01% par rapport à une "encyclopédie professionnelle". Quel beau tableau !
Faire la somme puis la synthèse des connaissances mondiales, par tous, pour tous, franchement c'est une idée prometteuse. Mais...

Les personnes commençaient à être un peu éméchées, l'orateur ne se sentait plus, un peu comme le corbeau, je n'ai pas voulu poser les questions ou faire les remarques qui auraient dérangé. Mais sinon j'aurais bien demandé quels bémols on pouvait émettre sur Wikipédia. Pour voir.
Une petite recherche sur "wikipédia taux d'erreur" montre que le débat fait déjà rage sur Internet. Je retrouve à plusieurs reprises ce chiffre : 32% d'erreurs supplémentaires dans Wikipédia que dans l'encyclopédie Britannica (étude de 2005 sur seulement 50 articles scientifiques).
Toute la question semble de savoir quelle quantité de personnes compétentes participe au projet. Car il semble évident que des personnes compétentes sont mieux placées pour intervenir sur leur domaine que n'importe qui. Toujours évident : moins il y a de personnes compétentes qui s'investissent, plus le risque d'erreur augmente.
J'ai aussi lu quelque chose d'amusant : tout le monde dit que c'est un accès gratuit à la culture mais certains font la remarque que cela coûte moins cher d'aller dans une bibliothèque publique (financée par les impôts) que d'avoir un ordinateur, relié à Internet.

L'autre bémol énorme que je voulais soulever personnellement, c'est que c'est la loi du plus grand nombre. Bien sûr il y a la lutte des sources mais le problème persiste : il existe des mauvaises sources, et il y a tous les domaines où il n'existe pas ou pas encore de sources références. Dans ces cas, si une personne connaît la vérité et que dix personnes ont lu dans une source erronée ou pensent de manière erronée autre chose, ce sont les dix personnes qui auront le dernier mot. La loi de la communauté, c'est intéressant, parce que notamment ça évite les bêtises, ça supprime tout ce qui est facile à reconnaître comme faux, mais il y a le risque de nivellement par le bas aussi : suppression de ce qui figure seulement dans les hautes sphères intellectuelles ou hautes sphères de compétences. C'est vrai que personnellement, pour plein de raisons, j'ai une sorte de dégoût de la loi du plus grand nombre, des goûts du plus grand nombre, des façons de penser du plus grand nombre, des aspirations du plus grand nombre, de leurs comportements, etc. Et ces quelques minutes à entendre le fonctionnement de wikipédia m'ont assez vite fait penser à ça.

Je terminerai en disant "attendons de voir". Voyons dans quelle mesure les experts et personnes compétentes apporteront gratuitement leur savoir, voyons dans quelle mesure leurs propositions seront acceptées par le plus grand nombre... ou balayées. Voyons comment seront gérées les dérives dans les domaines moins scientifiques, plus politiques et idéologiques.
La télévision était également un concept très prometteur, on voit ce qu'elle est devenue... Elle répond aux aspirations du plus grand nombre, elle participe au plus haut point au culte de l'apparence, elle diffuse un peu d'informations mais très peu de culture, et je doute fort qu'elle contribue à augmenter le niveau intellectuel et culturel global.
Wikipédia ne pourra à priori pas souffrir du culte de l'apparence mais attendons de voir ce que les sociétés en feront.


Un rapport complet et scientifique sur Wikipédia :
(voir notamment les recommandations de la dernière page)

Do old people exist ?

Dans le bus, avez-vous remarqué comme les personnes âgées demandent l'arrêt des lustres à l'avance ? Je trouve toujours ça assez pathétique. Au début cela m'a fait m'interroger, pourquoi diable elles demandent l'arrêt à peine l'arrêt précédent passé ? Souvent même elles se lèvent et se préparent à descendre. Pourtant il faut bien compter encore une, deux, parfois trois minutes avant la prochaine descente. Je me suis demandé si c'était parce qu'elles avaient peur de le rater. Ça me semble improbable mais c'est peut-être le cas pour une minorité finalement. Vivre dans la peur et la crainte comme ça, c'est assez effrayant tout de même. Exagération mentale de ses problèmes de lenteur par rapport aux plus jeunes ? Ensuite pour la majorité, qui je suppose, j'ose espérer, n'a pas peur de rater l'arrêt, j'imagine qu'il s'agit d'une façon de mieux exister. En signalant ainsi sa présence à tous ceux qui sont autour, en se démarquant, en montrant une telle prévoyance (bien qu'elle soit absurde), ce serait comme pour dire "regardez je ne suis pas si vieux/vieille que ça, je suis entreprenant, je suis actif, je compte, j'existe". Et voici en quoi je trouve ces actions pathétiques.
La réflexion peut être approfondie. Pourquoi ils ressentent un tel besoin d'exister ? Qui se manifeste aussi en réclamant la présence des enfants, petit-enfants, en les gâtant. Et dans une autre mesure, dans la recherche d'activités sociales, comme dans les clubs. Est-ce qu'ils regrettent de ne pas avoir plus existé avant ou bien c'est simplement qu'ils luttent contre la situation actuelle ? Sûrement plus souvent cette dernière hypothèse mais sans doute parfois aussi un peu de la première.

De mon côté, si jamais je deviens vieux un jour, ce qui n'est pas du tout au programme, je me promets de ne pas me comporter comme un boulet pour mes proches, de ne pas réclamer de la compagnie, de ne pas aller dans des clubs de vieux me comparer à d'autres boulets comme moi et encore moins de rechercher des pseudos façons d'exister comme demander l'arrêt trois plombes à l'avance par exemple. Je sais, c'est facile à dire maintenant, mais je crois pouvoir affirmer que j'ai toujours suivi mes convictions, que ma personnalité subit occasionnellement des changements mineurs mais jamais de changements majeurs. Ce que je disais il y a cinq ans ou dix ans, je le pense toujours pour la majorité des choses. Et quand je dis je le pense, ça ne veut pas dire que je me force à le penser. Je serai toujours à la recherche de l'analyse juste et pertinente, à essayer d'analyser le plus objectivement, dans la mesure du possible, et si un jour ou des fois ça n'est plus le cas, j'espère qu'il y aura des personnes pour m'en faire part, me dire où je me trompe, éclairer mes erreurs.

[Edit : je sais, je suis dur. On essaie tous d'exister. Et juger la manière dont on le fait, c'est dur. Au fond de moi je suis empathique, en tout cas je crois, mais c'est vrai que ça ne se voit pas forcément, surtout pas ici.]

30.11.07

Archive 2003

Séjour en clinique neuropsychiatrique

24/01/03
Arrivée. Deux heures d'attente pour enfin voir la chambre. Quelle importance ? Je vais essayer d'écrire une sorte de journal. En effet, je suis curieux de voir les conséquences des médicaments sur mes pensées, ainsi que de pouvoir garder une trace d'une éventuelle évolution. Quand je dis médicaments, c'est qu'une partie d'entre eux sont administrés par perfusion car avant j'en prenais par voie orale, plusieurs différents, à doses différentes, mais ça ne m'a rien fait. Je me demande comment des médicaments peuvent lutter contre des pensées. Peut-être que ce séjour me montera comment ça se passe et surtout si c'est possible.
La première chose qui me vient à l'esprit, c'est que le fait de côtoyer d'autres "malades" n'aide sûrement pas à avoir envie de vivre... Il faudra que les médicaments soient puissants, oui puissants...

25/01/03
Pas de traitement. C'est la conséquence de mon entretien avec mon psy hier soir. Ça m'a fait un peu bizarre, moi qui était venu ici pratiquement uniquement pour essayer les "supers médicaments" d'une clinique. Mais c'est le fruit d'une co-réflexion pertinente. Quels sont les pouvoirs des médicaments ? Détendre, calmer, stimuler. Les 4 mois auxquels j'ai été soumis auraient du me stimuler, je prenais ce qu'il y a de mieux. Mais ça n'a pas marché, il se trouve que toute la stimulation artificielle (au sens de provoquée) a été complètement "désactivée", sans effet, à cause de mon esprit. Celui-ci a simplement utilisé ce qu'il avait à se disposition, c'est-à-dire plusieurs conclusions qui sont les fruits d'associations de constats, d'expériences, d'analyses et de raisonnements.
Les médicaments ont été impuissant à convaincre mon esprit devant la force des conclusions dont il dispose. Et ils le seront encore. Ils ne peuvent m'être d'aucun secours car ils ne peuvent répondre à aucun de mes besoins. Il n'est d'ailleurs pas chose facile de déterminer de quoi j'ai besoin, sans quoi le problème ne serait pas si complexe.

Et maintenant ? Le but de mon séjour en ce lieu relativement austère, quel est-il ? A quoi cela me sert de rester ici ? Certes, je vais voir un psy, plusieurs fois par semaine je suppose, contre une seule fois à l'extérieur. Voilà sans doute la principale chose qui me retient ici. Je crois que j'en vois une ou deux autres, moindre.
Le fait d'avoir essayé. Si je sors après quelques jours seulement, certaines personnes ne manqueront pas de considérer que "je n'ai pas fait l'essai de la clinique". Ce que je trouve important, c'est d'essayer le suivi psychologique multi-hebdomadaire, et non la clinique pour la clinique.
Il me semble aussi avoir entendu que d'être comme cela en clinique, ça permettait de réfléchir sur soi, de faire le point et tout. Cette facette me fait rire, moi qui passe mon temps à faire cela où que je sois. Cependant, appelons ça le test ultime. Là je vais n'avoir vraiment que ça à faire, il y a des chances que je noircisse pas mal de feuilles.
Je pense que sur certaines personnes, être entouré de patients plus ou moins atteints et relativement malheureux peut avoir un effet positif. Je veux dire qu'il est possible que l'estime de soi de la personne remonte, qu'elle se dise que finalement elle a plutôt de la chance par rapport aux autres. Ça peut être un élément positif en vue d'une dynamique de remise à flots et de sortie de la clinique. Cependant, j'échappe à ce bon point, pour deux raisons. L'une c'est que je ne crois pas avoir un déficit d'estime de moi-même, moi qui trouve les gens bêtes, je ne sais si on peut considérer que je me considère comme supérieur aux autres - certains ne se gênent pas pour le dire -, peut-être que quelque part oui. Bref, probablement inutile de remonter l'estime que j'ai de moi. Et l'autre, c'est que même si c'était le cas, je ne serais pratiquement pas touché par le phénomène de relativisation, comme expliqué dans mon "livre".

29/01/03
Avec le recul, je vais pouvoir mieux analyser ma permission d'hier. Je savais déjà que le net était important pour moi mais je m'en suis encore plus rendu compte au cours de ces derniers jours. Hier j'en ai profité pendant 3 heures et c'était comme une bouffée d'air pur. J'entends parfois que rester sur le net c'est s'isoler, en fait pour moi c'est l'inverse. Le net est une véritable ouverture sur le monde. Envoyer des mails c'est communiquer avec des personnes, surfer sur des sites c'est regarder les informations présentées par d'autres, on jour en ligne avec d'autres personnes, on communique en direct avec des personnes...etc. Quand je suis sur le net, je participe à un partage d'informations avec d'autres, je suis ouvert au monde et aux gens. Je ne m'en rendais pas réellement compte quand j'y étais très souvent mais j'ai vu la différence ici à la clinique. Je n'échange rien ici ou presque. Je n'ai pas une gigantesque porte ouverte sur le monde et les gens. Ça m'assèche complètement, je suis privé d'un besoin. Il y a des chances que je vienne de mettre le doigt sur un point important.

Après ces trois heures de net chez moi, je suis allé donner des cours d'échecs à des enfants d'une dizaine d'années, pendant deux heures. Là aussi, ça a agi comme une bouffée d'air pur. Rien de plus pur que le regard d'un enfant, où on peut lire à la fois insouciance, joie de vivre, émerveillement et soif de connaissance. Surtout autour du jeu auquel je dois tant.

De retour à la clinique, je me suis posé quelques questions. Faut-il être sevré des choses auxquelles ont est habitué pour se rendre compte de leur valeur ? Il y a des chances. Mais que se passe-t-il lorsqu'on retombe dans la routine dans laquelle on était ? J'aurais tendance à dire qu'au bout de quelques jours, l'habitude va revenir puis la lassitude. Il n'est décidément pas toujours évident d'analyser les situations. Je sais aussi qu'un rythme normal comprend une bonne partie de boulot dans la journée. Est-ce que ça formerait un équilibre qui me conviendrait ? Peut-être. Reste qu'il y aura toujours des gens partout... Scepticisme et lueur d'espoir se confondent dans ma tête.

30/01/03
Il peut paraître intéressant d'exploiter le fait que j'ai besoin d'une ouverture sur le monde et sur les gens pour changer le moyen que j'utilise pour combler ce besoin. Je veux bien croire que d'avoir un dialogue avec une ou plusieurs personnes est quelque chose qui s'apprend, mais la difficulté ne se situe pas qu'à ce niveau-là. Le moyen utilisé pour communique influe sur le contenu des conversations. En trois années de discussions en direct sur le net, j'ai pu m'en rendre compte. Je vois deux principales explications. Déjà, chacun est chez soi, ne pas être en face de son interlocuteur a une forte influence sur les propos qu'on va lui tenir. Je dirais d'ailleurs que ça élargit le champ des possibilités. Via le net on peut presque tout dire, tout aborder. Il est évident que l'on peut y avoir des discussions que l'on aurait jamais eu de vive voix. La deuxième chose, c'est que l'on a le temps de réfléchir à ce que l'on va dire, avant de le taper. Cela engendre que la plupart des conversations et échanges en direct online sont plus réfléchis et plus profonds que ceux à l'oral. C'est d'ailleurs pour cela que j'apprécie tant les premières pendant que j'ai peu d'affinités avec les secondes. Je trouve bien peu d'intérêt à la dimension sensorielle d'un dialogue face à face. Je lui préfère de loin l'intimité et la réflexion de ceux qui passent par Internet.

Pour prendre quelques exemples, sur le net, ceux qui utilisent habituellement le ton de leur voix, le volume sonore, gestes ou autres mimiques n'ont plus ces avantages. On peut pleurer d'émotion sans avoir honte vis à vis de l'autre, lui avouer ou non. Les sentiments doivent passer par les mots s'ils veulent passer, je trouve ça bien. Une personne timide peut s'exprimer et même y rayonner tandis qu'une personne extravertie voire exubérante n'y dominera plus les échanges à coup sûr. L'importance est mise sur le sens des mots et non plus sur la manière dont ils sont prononcés. Le net permet aussi de couper la conversation à tout moment si on ne la supporte plus. Terminé les personnes coincées dans des discussions qui les désintéressent complètement ou qui les énervent sans qu'elles puissent se fâcher. Entre les phrases, on peut marquer des pauses plus ou moins longues sans que l'autre sache si on réfléchit ou si on fait autre chose. D'ailleurs le net a aussi ça de formidable qu'on peut y discuter avec plusieurs personnes séparément et simultanément, chose parfaitement irréalisable à l'oral.
Autant d'exemples et de raisons qui font que je suis épanoui sur le net tandis que c'est l'inverse de vive voix. Je doute que le transfert de l'un à l'autre soit simple, peut-être même qu'il est impossible.

1/02/03
Mon psy a fait 9 petites croix sur une feuille, disposées sous forme d'un carré de 3 croix par 3. Le jeu consiste à passer par toutes les croix en 4 lignes droites sans lever le crayon. Ça traîne souvent dans les classes scientifiques, donc je connaissais la solution mais impossible de remettre la main dessus avec la présence du psy ! Il s'en va et je trouve la solution tout de suite, puis j'écris ça car évidemment le jeu avait un sens :
Avec une personne dans la pièce, en quelques secondes ça ne m'est pas revenu. A peine la personne sortie, le stylo traçait la solution. En présence d'une personne - et à fortiori en plein dialogue avec elle - je suis trop mal à l'aise pour réfléchir correctement, même à peine.

Il faut sortir du cadre imaginé par l'esprit pour trouver. Ce mini problème est encore plus efficace si on entoure les 9 croix par le tracé d'un carré.

Comment sort-on son propre esprit du cadre dans lequel il se croit limité ? En essayant d'élargir le champ des possibilités, de ne plus considérer que ce qui est acquis l'est. Je sais tout cela, et je l'ai déjà réalisé. Là j'en suis au point où après plusieurs tentatives infructueuses je me retrouve persuadé que l'élargissement n'est plus possible. Je sais, ça peut paraître prétentieux. Jusque là, je me suis efforcé d'être rationnel, maintenant je vais agir en optimiste. L'optimiste imagine que l'élargissement est encore possible. Imaginons comme lui. Cette hypothèse se heurte à 2 problèmes : - il faut que l'élargissement de la vision de l'esprit soit utile. Il existe en effet une multitude d'élargissements possibles qui ne servent à rien. - comment procède-t-on pour l'atteindre ? Si seule la réflexion le permet, et qu'on a déjà essayé plusieurs fois, comment fait-on ? Peut-on se faire aider ? Si oui, je ne demande que ça.

Il ne faut pas croire que je ne veuille pas améliorer ma situation, il ne faut surtout pas croire ça. Comme je l'ai déjà écrit dans plusieurs textes, je ne joue à aucun jeu, je ne cherche pas la contradiction, je ne fais pas de mon mieux pour me montrer pessimiste mais bien pour dégager ce qui est vrai. J'utilise les ressources qui sont à ma disposition pour trouver des solutions ou même des ébauches. Je n'y arrive pas. J'ai besoin d'aide, je ne suis pas sûr qu'elle me sera apportée, c'est comme quand quelqu'un qui est en train de se noyer appelle au secours : rien n'est sûr mais c'est la seule chance.

3/02/03
Nous avons mis le doigt sur une facette importance : les émotions. Avec le temps, je m'en suis coupé, de la plupart. Pour comprendre comment on peut se désactiver émotionnellement, effectuons une comparaison. Prenons le cas d'un petit enfant, souffrant de strabisme (les 2 yeux ne voient pas la même image). Le cerveau ne pouvant se servir de deux images qui ne se superposent pas, il va avec le temps n'en retenir qu'une seule, celle d'un des deux yeux. L'autre oeil verra toujours mais l'information ne sera plus utilisée par le cerveau. C'est une sorte de désactivation psychique, produite de façon naturelle. Ça s'est un peu passé comme ça pour moi au niveau des émotions, petit à petit, mon cerveau ne voyant pas l'intérêt des informations émotionnelles, il a cessé de les traiter, pour la plupart.
Il se trouve que dans le cas du petit enfant, une rééducation du traitement de l'information de son "mauvais oeil" est possible, en procédant petit à petit. Il y a des chances qu'une rééducation du traitement des informations émotionnelles soit possible aussi.
Cependant, il existe une difficulté bien plus délicate que cette "rééducation", il s'agit de savoir si je la souhaite ou non.
Pourquoi ne le voudrais-je pas ? Ce n'est pas évident à expliquer. Déjà, quand j'étais plus jeune, je ressentais des émotions mais avec le temps, je n'en ai plus voulu. Ce n'était ni une crise anti-émotions, ni un hasard, je considérais les émotions comme bêtes, sans intérêt, je les ai logiquement délaissées. Je suppose que pour moi, les émotions sont une facette de l'être humain que je trouve nuisible. Elles sont source de souffrance - que je trouve nuisibles - et aussi de plaisir, mais un plaisir non intellectuel, raison pour laquelle je le rejette.
Le fait que les gens ressentent des émotions est l'une des raisons qui font que je supporte mal d'être en groupe, voire même en présence d'une personne. Voilà un peu concernant la problématique de me faire accepter un retour à l'émotivité. Voyons maintenant la situation si je le refuse.

Intelligence et émotions constituent assurément deux caractéristiques majeures de l'être humain. C'est notamment ce qui rend la vie difficile. Cependant, grossièrement, que l'on se cantonne à l'intelligence et l'on tend vers la machine, et que l'on se cantonne aux émotions et l'on tend vers l'animal. Il apparaît très délicat de vivre une vie d'être humain si on tend trop vers l'un de ces deux extrêmes. Depuis quelques années, on peut dire que petit à petit, je me suis rapproché d'un être qui n'était plus fait que d'intelligence, inhibant en moi le reste, notamment les émotions. Il s'avère que c'est une existence difficile, sans quoi je n'en serais pas à déprimer à ce point depuis tant de temps.

En analysant la situation, nous tombons - comme souvent - sur un paradoxe. En me construisant de la manière qui me semblait convenir le mieux, au fil des années, je me retrouve dans une situation où je souffre, de part mes déprimes conséquences de mon mal être, de mon dégoût de la vie. A la suite d'une réflexion, une solution s'est détachée, envisageable, mais celle-ci va précisément contre mes goûts, mes convictions et mes réflexions. Si ce n'était qu'un mauvais moment à passer, si par exemple la rééducation émotionnelle durait un certain temps, durant lequel je souffrirais, puis qu'ensuite j'aille tout à fait mieux voire bien, ça serait génial, je n'hésiterais pas du tout à me lancer dans cette voie, sur cette piste. Cependant la réalité est autre. C'est tout ce que j'ai construit en moi qu'il faut abandonner, changer ma perception, mes convictions, toutes mes réflexions, toute ma vision des choses, tout. J'insiste sur le fait qu'on ne se construit pas par hasard mais selon ce qui nous convient le mieux, nous plaît le plus, nous semble le plus légitime, le plus réfléchi, le plus adapté pour nous même.

Non seulement c'est une tâche difficile mais en plus je n'en ai aucune envie. Sincèrement si je devais la réaliser je préférerais mourir.

7/02/03
Le lendemain de ma dernière écriture ici, nous avons commencé à débattre brièvement sur l'utilité comparée de l'intelligence et des émotions. J'ai écrit ce texte sur mon point de vue à ce propos :
(...)
Je ne l'ai plus sous la main mais en gros ça explique que l'intelligence a permis aux premiers hommes de survivre, que sans elle l'avancée du progrès serait nulle, qu'elle permet d'apprendre de ses erreurs, de résoudre des problèmes, d'anticiper, de planifier, d'improviser, bref d'innombrables choses. A côté de ça je demandais l'utilité d'être triste, celle d'être angoissé, à quoi ça sert d'être joyeux, d'être amoureux, l'utilité de ressentir de la honte...etc. Sans trouver de réponse, à part à montrer aux animaux et aux extraterrestres que nous sommes des êtres humains.
(...)
et en ai fait part à mon psychiatre. Le lendemain, il m'a apporté un livre, "L'erreur de Descartes" de Damasio, sous-titré "la raison des émotions". J'ai eu 3 jours pour le lire et faire le résumer des 300 pages. Venant de le finir, je ne peux avoir tout de suite une vision claire dessus, cependant je retiens déjà que les émotions sont indispensables pour gérer nos relations sociales, et qu'elles sont très liées - contrairement à la vision cartésienne, la plus courante - aux processus de raisonnements. Le corps et le cerveau (et par extension l'esprit) ne sont pas dissociés mais au contraire liés, et les émotions influent sur les raisonnements, notamment en bien et surtout au niveau social.
Ça m'amène à revoir ce que j'ai dit la dernière fois. Je n'affirmerais plus que je suis désactivé émotionnellement, ce qui est plus proche de la réalité à mon avis, c'est que les situations et contextes dans lesquels je me trouve n'ont pas pour effet de me faire ressentir des émotions. C'est difficile à expliquer comme sujet. Je dirais que les éléments pouvant engendrer des sensations émotionnelles n'ont pas le même effet sur tout le monde. Une chose peut faire rire une personne et pas une autre, une chose peut attrister une personne mais pas une autre...etc. Ce qui se passe avec moi, c'est que la plupart des choses, éléments ou situations qui font ressentir des émotions à la plupart des autres personnes ne me font pas d'effet, voire un effet inverse comme le dégoût - enfin c'est plus le fait de voir tout le monde réagir et moi pas qui engendre la sensation de dégoût -. Il s'avère que nous n'avons pas la même "échelle inconsciente de déclencheurs émotionnels". Cette échelle comprendrait tout un tas de choses susceptibles de nous faire réagir émotionnellement. Quand dans un groupe, les échelles de plusieurs personnes se recoupent, l'apparition (ou le déclenchement) d'une chose appartenant à l'échelle aura pour conséquence le ressentiment de la même émotion chez ces personnes.
Je pense que mon échelle est peut-être plus petite que celles des autres et en tout cas qu'elle contient peu d'éléments présents aussi chez les autres.

L'analyse continue, bien que parfois entrecoupée de moments difficiles, mais c'est normal. L'objectif principal, qui est la recherche de solutions ou d'alternatives (à la mort), ne peut s'effectuer qu'avec une analyse (la meilleure possible) de la situation.

12/02/03
Je rectifie, certes on poursuit l'analyse, un peu, mais je commence à douter qu'on dégage des idées de solution, même des ébauches. Bien sûr les psychiatres se montrent optimistes, toujours à dire qu'ils y croient, qu'ils ne se font pas de soucis. Mais si on regarde ma réalité, on voit 4 mois à 1 séance par semaine pour rien, suivi de plus de 2 semaines à une par jour pour pas grand chose. Simples constats.
Hier, j'entendais à la radio qu'un sondage sur les employeurs a montré qu'ils embauchent plus les "beaux" que les "moches", et à la question "comment fait-on si on est moche ?" ils répondent "en riant". C'est-à-dire qu'une personne joyeuse a un atout majeur par rapport à une personne qui ne l'est pas. Le milieu professionnel n'est qu'un exemple, en fait c'est vraiment au niveau social en général que le rire est important. Prenons une personne qui raconte quelque chose qui se veut drôle, si vous riez vous gagnez sa sympathie alors que la tendance est inverse si vous ne riez pas. C'est un critère majeur pour tisser des relations sociales, encore plus depuis les années 80-90 vu le contexte difficile politique et social.
J'avais d'ailleurs commencé à évoquer le rire dans mon livre, me rendant déjà compte de son importance. Une personne qui ne se marre pas est comme handicapée par rapport aux autres. La plus ou moins grande aptitude d'une personne à rire teinte sa vie positivement ou négativement.
Autre point capital à mon sens, l'aptitude (au sens de "tendance à", de "fréquence") à la communication orale. Peu importe qu'on dise n'importe quoi, tant qu'on parle. Je crois que c'est là quelque chose qui a beaucoup de poids au niveau social. Evidemment ça paraît débile, mais je ne suis plus étonné dé découvrir des critères débiles intervenant dans les relations entre personnes. La plupart des personnes fréquentant des personnes qui ne disent "rien" en viennent rapidement à s'ennuyer de leur présence. Dans un groupe, les personnes qui parlent le plus sont les plus estimées par les membres du groupe et inversement pour ceux qui parlent le moins. Selon ma logique, ça devrait être la qualité des interventions (voire leur moindre fréquence) plus que leur nombre qui influe directement sur l'estime qu'ont les gens les uns envers les autres.

Reprenons. Au niveau social, des critères majeurs de considération sont l'apparence, l'aptitude à rire et l'aptitude à la communication orale.

Un mot pour dire qu'à propos de l'apparence, comme expliqué dans mon livre, il y a 2 points : le physique inné et le look (tout ce sur quoi on peut influer). Ce que je trouve incroyable concernant les 3 critères que j'ai cités (qui influent fortement sur la considération sociale que les gens ont pour une personne), c'est à la fois qu'ils me paraissent ahurissants et que ce soit si réel. J'avoue être effaré devant la stupidité (ça n'est que ma perception) de la réalité, une nouvelle fois.

J'aimerais maintenant m'intéresser à l'importance ou non du développement personnel sur ces critères, c'est-à-dire si c'est inné ou si ça s'acquiert (ou se délaisse) pendant qu'on se construit, ou les deux.

Concernant l'apparence c'est très clair, la partie dont on n'est pas responsable (exemple : la forme du visage, la couleur de peau, la taille...etc) est innée tandis que l'autre partie que j'appelle parfois look est quelque chose qui s’acquiert au cours de notre développement personnel. Selon l'environnement dans lequel on a grandi et évolué et notre vision des choses, on va être amenés à apporter un soin tout particulier à son look (vêtements, coiffure, pour les femmes bijoux, maquillage...etc) ou à ne lui accorder qu'une importance minime. Que ce soit l'une ou l'autre facette de l'apparence, je trouve que ça n'a pas de sens qu'une part de la considération sociale se base là-dessus. Je sais, on n'a pas le choix, c'est comme ça, il n'empêche que je trouve ça insensé et effarant.
Voyons maintenant ce qu'il en est des aptitudes à rire et à la communication orale, je crois qu'on peut les rapprocher sur ce thème. Je dirais que pour une petite partie, c'est inné et que pour la majeure partie, ça ne l'est pas; On peut imaginer qu'un enfant de 2 parents qui rient peu aura tendance à rire peu, phénomène qui sera amplifié au cours de son éducation s'il vit avec ses parents (le plus probable). Pour savoir si ça peut être inné, même à peine, il faudrait bien sûr faire de nombreux tests en plaçant des bébés différents au niveau de leurs parents sur le plan du rire dans des milieux d'éducation différents, bref des tests très difficiles à réaliser, on le comprendra aisément. Mon hypothèse de toute façon est que la part innée de notre aptitude à rire est petite. Donc, ça s'acquiert tout au long du développement personnel, selon les environnements dans lesquels on évolue et selon notre perception des choses. Il est certain que c'est un phénomène très complexe, dépendant de nombreux facteurs.
On peut faire le lien avec le fait que l'aptitude à rire soit un critères social majeur. Est-ce notre faute si on est moins susceptible à rire que les autres ? Ça revient à demander si on est entièrement responsable de son développement personnel. J'en doute fort ! C'est quelque chose qui fait intervenir tellement de facteurs qu'on ne peut pas en être complètement responsable. Cependant, on a sans doute une part de responsabilité dans notre aptitude à rire.
On ne peut pas être blâmé pour la part dont on n'est pas responsable, mais peut-on l'être pour celle dont on l'est ? C'est une grande question à mon avis. Peut-on être blâmé pour la vision qu'on a des choses ? Dans un monde idée non, dans un monde idéal chacun accepte la vision des choses qu'a chacun bien qu'elle soit différente et ce tant qu'elle ne devient pas réellement gênante pour les autres. Dans un monde idéal, toute vision qui ne nuit pas à autrui est acceptée et respectée. Notre monde est autre, dans notre monde certaines personnes n'acceptent pas la vision de certaines autres (plus ou moins inconsciemment), bien qu'elles ne nuisent à personne. Je peux même citer le mot tolérance, bien que je ne sois pas sûr que ça corresponde exactement ici. On en vient à évoquer la notion d'égoïsme. Si vous aimez les gens qui rient (c'est la même chose avec ceux qui parlent beaucoup), vous allez naturellement les apprécier tandis que vous allez avoir moins de considération pour ceux qui ne rient pas. Ce "moins de considération" peut prendre de nombreuses formes différentes, d'autant plus marquées et fortes que l'égoïsme de la personne est grand. Si ce "moins de considération" reste raisonnable, peut-on blâmer la personne d'être égoïste ? Je ne le crois pas, il est naturel qu'elle ait plus d'estime pour les personnes qui agissent comme elle aime que pour les autres. Attention, je ne suis pas en train de dire que les critères "rire" ou "communication orale" sont respectables mais bien que c'est le comportement à base égoïste des personnes qui ont des affinités pour certaines choses qui est compréhensible. Ça n'empêche pas que ça me gêne que les critères sociaux majeurs soient ceux que j'ai cités !

J'ai fait l'étude pour l'aptitude à rire, et c'est en fait pratiquement la même chose pour celle à communiquer oralement. Une petite partie est innée mais la majeure partie s'acquiert au cours du développement personnel. Quelque part on n'y est pour rien et quelque part c'est notre vision des choses. Toujours est-il que l'apparence, l'aptitude à rire et l'aptitude à la communication orale sont à la base des estimes ou manques d'estime au niveau interpersonnel.

On a des affinités pour certaines choses, des répulsions pour d'autres, si on ne les écoute jamais, on n'est plus rien. Concernant les critères majeurs cités, on peut faire une mini-échelle de "valeurs", allant de 0 à 2. On dira par exemple qu'une personne qui rigole tout le temps à 2 en rire, une "normale" 1 et une qui rit particulièrement peu souvent 0. Considérons les 4 domaines apparence innée, look, rire, communication orale. Il est à peu près clair qu'une personne "belle" aura une tendance naturelle à avoir une certaine répulsion pour les "moches", qu'une personne qui prend particulièrement soin de son look aura tendance à ne pas apprécier celles qui n'ont aucune considération pour leur look et inversement, même chose au niveau du rire et de la parole. La tendance naturelle est que les 0 et 2 ne s'aiment pas beaucoup, et par opposition les 0 et 0 ainsi que 2 et 2 s'apprécient assez. Evidemment on peut reprocher plein de choses à ma schématisation, notamment un manque de nuances mais je cherche à simplifier étant donné la complexité du domaine. On peut bien sûr s'amuser à faire des échelles de 1 à 10 ou de 1 à 100.
Pour l'instant, considérons ce schéma 0-1-2 qui permet déjà de faire des analyses.
On ne peut pas vraiment en vouloir aux 0 qui n'aiment pas beaucoup les 2 et inversement. Ce qui se passe dans la réalité c'est que les personnes jugent rarement sur un seul critère, la considération que l'on a pour une personne dépend des "notes" dans différents domaines, y compris certains autres que les 4 cités, chacun étant plus ou moins important selon les personnes. Pöur continuer à schématiser (toujours pour mieux gérer la complexité des éléments étudiés), on peut imaginer qu'inconsciemment chacun attribue une note globale d'affinités à chaque personne. Prenons un exemple concret.
Personne Apparence Look Rire Comm.o.
 A        0       1    2     1
 B        1       2    1     0
Soit la personne A, considérée par l'ensemble de ses semblables comme plutôt moche, accordant une importance normale (moyenne) à son look, ayant une tendance assez forte à rire et une communication orale plutôt normale.
Soit la personne B, d'apparence relativement banale mais prenant très soin de son look, ayant une tendance à rire moyenne et étant assez timide.
A propos de la note d'affinités, on peut imaginer différents modes de calcul. Simplement, avec cette échelle 0-1-2, disons qu'un écart de 2 fait un malus, qu'un même chiffre fait un bonus (sachant que 0-0 et 2-2 rapportent plus que 1-1), pour un écart de 1 il faut juger. Au niveau de la note que chacun va affecter à l'autre, il est essentiel de comprendre qu'elle va dépendre de l'importance que la personne donne aux différents domaines. Pour A et B, vu qu'il n'y a aucun écart ni de 2 ni de 0, on peut penser que l'entente sera moyenne. Si par exemple B trouve que le "look" est particulièrement important, il va "reprocher" à A de n'y avoir que 1. Si A considère l'aptitude à rire spécialement importante, ça ne sera pas génial pour B de n'y avoir qu'1 pour leur entente.
Bien sûr, il est plus fréquent de voir des personnes qui ont 2 dans une "catégorie" la considérer importante. Mais de temps en temps, on peut voir des personnes à 1 voire à 0 qui ont de l'estime pour ceux qui ont 2 dans la catégorie. Effectivement, c'est loin d'être si simple que "les 0 n'aiment pas les 2".
Comme dit plus haut, le nombre de catégories peut être élevé et surtout les relations interpersonnelles dépendent de l'importance que chacun accorde à chacun d'elle.
Revenons à mon cas. Pour les 4 critères je me considérerais 1-0-0-0. Bien sûr il faudrait une échelle élargie pour mieux refléter la réalité, par exemple 1-10 : 4-2-1-1.
On ne peut pas me mettre beaucoup plus que 1 ou 2 dans les 2 dernières catégories, sachant qu'une personne à 0 tend vers l'autisme. Si on faisait des statistiques poussées sur un échantillon de personnes (ce qui n'est pas évident car il est parfois difficile de juger ses propres aptitudes), on pourrait voir que leurs notes d'affinités avec moi seraient négatives pour la plupart. L'inverse est vrai aussi.


L'être humain a une tendance naturelle à être attiré par le beau et les personnes belles. Une étude a été faite par des chercheurs sur des bébés. Des images de visages, de tous types de beauté leur étaient présentés. Ils ont remarqué que les bébés étaient attirés par les visages beaux ! Ils se tournaient vers eux pour les examiner, les contempler, délaissant les autres. La tendance à apprécier les personnes belles est donc quelque chose d'inné. Je pense que cette caractéristique peut s'estomper (ou s'accentuer) avec le temps, que l'environnement et le développement personnel peuvent la faire varier, cependant il est clair que c'est la grande tendance, et pour cause, elle est innée.
Quand on demande à une personne l'importance qu'elle accorde à l'apparence physique, beaucoup ont tendance à répondre "aucune", pourtant inconsciemment elle est réelle.

Au niveau du look, la tendance à s'en préoccuper n'a je crois jamais été aussi marquée qu'actuellement. Pubs pour vêtements, chaussures, produits de beautés, gels, rasoirs, savons, parfums...etc n'ont jamais occupé une place aussi considérable. Et l'importance qui y est accordée suit derrière. Si la note était entre 1 et 10, nul doute que la majorité des personnes auraient entre 5 et 10, tout en y accordant une importance non négligeable.
Les aptitudes à rire et à parler sont tout aussi importantes de nos jours et les notes dans ces domaines doivent là aussi être assez hautes. Ce n'est pas par hasard que je considère ces critères comme majeurs au niveau social.

Pour en revenir sur moi et finir, il se trouve que j'ai des notes très faibles dans des domaines où la tendance est à des notes élevées et qui sont considérés comme les plus importants (que ce soit plus ou moins conscient). Les personnes qui soignent particulièrement leur look m'irritent un peu, plus encore quand elles considèrent cela comme très important chez les autres, de même que les personnes qui rigolent souvent et celles qui parlent beaucoup. Déjà que c'est difficile comme situation mais naturellement l'inverse est vrai aussi : les personnes qui m'irritent puisqu'elles font des choses que je n'aime pas, je les irrite aussi car je ne fais pas les choses qu'elles aiment. (on remarque que l'antipathie des 0 pour les 2 est plus grande que celle des 2 pour les 0 de part le fait que les uns reprochent une activité aux autres tandis que les autres reprochent une passivité).
Voici ma répulsion pour les gens en partie expliquée ainsi que, même si c'est dans une moindre mesure, leur répulsion pour moi.

Quand je passe plus de 3 heures sur une analyse comme ça, ça me fait plaisir.

Différences sur Internet

Le rôle de l'apparence et du look diffère complètement. Au niveau de la rencontre d'une personne déjà, ces 2 éléments sont inexistants. Ensuite, si on a rencontré la personne physiquement, on a son apparence à l'esprit mais elle n'est pas sous nos yeux à sans cesse nous la rappeler. Quant au look c'est pareil, on peut se rappeler de celui de la personne quand on l'a vue mais pas plus. Le net permet de converser tout en ayant n'importe quel look sans que ça influence les échanges.

Et au niveau du rire et de la communication, ça change aussi. Comme j'en parlais l'autre fois, le fait que la communication ne soit plus orale transforme les conversations. Tout passe par les mots qui eux mêmes sont tapés par les doigts. Le rire, comme les autres émotions, est dit, parfois accompagné d'un sourire facial. Ça peut sembler bizarre mais le net change tout, la différence est grande.
Les raisons de rire changent ainsi que la façon dont on le fait. La façon de communiquer change ainsi que les contenus des conversations. Le phénomène est tellement complexe qu'il faudrait au moins lire les travaux d'une thèse sur le sujet pour le comprendre plus en détails.

Sur le net j'arrive à supporter les conversations que j'ai (qui sont pour 99% d'entre elles bilatérales (2 personnes)), j'en ai même besoin; à l'oral je les supporte difficilement et je m'en passerai même volontiers.

3 composantes

Une personne, c'est 3 facettes : l'apparence, l'intelligence et le comportement. Comment dire...
Sur Internet, seule l'intelligence et la personnalité sont "actives". Si on transmet une photo, on obtient à peu près une 2eme facette de la personne. Mais si vous mettez d'un côté l'intelligence et de l'autre l'enveloppe corporelle, vous n'obtenez pas un être humain. Il faut une 3eme facette, obtenue en faisant le lien entre les 2 autres, ce qui fait que le cerveau peut déplacer le corps, ce qui crée les comportements.
Le corps est un outil social : apparence, look, paroles, rires...etc. On se sert de son corps et de ses comportements pour tisser des relations sociales. Sur Internet la notion de comportement disparait. Chacun conserve son corps, ce qui lui permet de ressentir des émotions, mais les relations entre les personnes ne dépendent plus de comment on utilise son corps. Elles dépendent de 2 choses : le sens de ce que l'ont dit et les émotions que l'on transmet.

J'ai réussi à préciser ce qui me répugne : l'utilisation de son corps pour tisser des relations sociales. Ce que j'apprécie sur Internet, c'est que les relations sont tissées par ce qu'on pense (et dit(=écrit)) et non par la manière de se comporter.

La plupart des comportements n'ont qu'un faible lien avec la réflexion, c'est bien sûr l'inverse pour les pensées. Attention, je ne suis pas en train de contredire Damasio, les émotions peuvent aider à la réflexion mais un comportement n'est pas une émotion. Certes, une émotion peut être traduite par un comportement, par exemple un rire, mais ce comportement n'aidera en rien la réflexion. Et c'est à sens unique : aucun de nos propres comportements ne peut engendrer qu'on ressente une émotion. Le fait que ce soit le cerveau qui engendre les comportements (quoi d'autre ?) ne signifie pas qu'ils ont été le fruit d'une réflexion.

Résumons mon point de vue : réflexion oui, émotions oui (et les 2 sont liés) mais comportements non fruits d'une réflexion (la plupart donc) non.

La différence avec le net a été un peu expliquée et ça a permis de mieux définir les raisons de ma différence d'appréciation entre relations face à face et relations via le net.

13/02/03
Quand on se rend compte que notre réalité (chacun a la sienne) est trop différente de celles des autres pour tisser avec eux des relations viables et durables, une question apparaît naturellement : peut-on changer ? Une autre question l'accompagne évidemment : le veut-on ? Et c'est seulement si on répond oui à cette dernière qu'on peut envisager la première. J'ai déjà essayé de changer de moi-même, sans succès, et en fait au bout d'un moment je me suis rendu compte que je ne le souhaitais pas. J'en ai parlé quand j'évoquais ma désactivation émotionnelle (qui était comme on l'a vu un faux point de vue), je suis content de la manière dont je me suis construit. Il se trouve que je suis malheureux comme ça mais ça n'est pas de ma faute, c'est le monde dans lequel on vit qui fait ça. bien sûr, il paraît idiot de se construire puis de se rendre compte que cette construction n'est pas adaptée au monde au lieu de d'abord regarder le monde puis de se construire d'une manière adaptée mais il faut bien comprendre que c'est le monde qui m'a construit autant que moi-même. Je ne comprends pas pourquoi les gens pensent que si on est malheureux à cause de notre perception de la réalité c'est que forcément quelque chose a cloché dans notre développement personnel. Ça ne leur viendrait pas à l'esprit que de façon tantôt réfléchie, tantôt naturelle, la nature combinée à la nature de l'être humain fait qu'une personne se construise puis qu'elle soit malheureuse, alors que rien n'a cloché. Si la nature ne produit pas des merveilles, on pense que ce n'est pas elle seule qui est intervenue. Absurde.
Je suis né être humain normal puis j'ai évolué dans un environnement classique, banal, normalement. La simple combinaison de mes éléments biologiques et psychiques avec mon environnement social a donné ce résultat. Tout s'est passé naturellement, oui la nature peut engendrer des situations affreuses, oui. Et je ne veux pas aller contre la nature, contre ma nature. Que se passe-t-il quand on ne veut pas changer sa réalité (d'ailleurs l'eusse-t-on voulu, c'eut été une tâche des plus ardues, mais c'est un autre débat) ? On a 2 choix : assumer ou pas. Assumer c'est vivre. Ne pas assumer s'appelle le suicide.

C'était pas vraiment la peine de venir dans une clinique ni de s'entretenir avec des psychiatres pour tomber sur une conclusion qu'on possédait déjà avant. Enfin si ce n'est de dissiper les rêves des rêveurs qui croyaient qu'il y avait pour vous une autre possibilité que de vivre malheureux ou de mourir.

Ceux qui n'ont toujours rien compris, et ils sont nombreux, doivent se demander pourquoi je tiens à ne pas changer. Je ne crois pas que je pourrai trouver une métaphore suffisamment adaptée. Imaginez seulement que pour moi changer signifie être encore plus malheureux que je ne le suis déjà. Je suis content d'être comme je suis et ça s'est produit de façon naturelle. J'apprécie ma vision des choses. Je conçois que ça puisse sembler ridicule, bête et prétentieux, pourtant ça n'est rien de tout cela et seules les personnes qui ont été dans le même cas que moi peuvent le comprendre.

Le développement personnel est quelque chose qui se produit à partir de la psychologie de la personne et de son environnement et ce de la façon la plus naturelle qui soit (en admettant qu'il n'est pas troublé par quelque événement particulièrement perturbant). Comment définit-on si une personne s'est trompée au cours de son développement personnel ? Il y a certaines choses pour lesquelles on peut dire si oui ou non elle s'est trompée mais pour d'autres on ne peut rien dire. Par exemple, entre 15 et 16 ans, une personne va entendre à de nombreuses reprises de part ses fréquentations que - par exemple - les juifs sont des idiots. Si rien ne vient contredire cela, la personne va arriver à 20 ans et croire cela. On pourra dire dans ce genre de cas qu'elle s'est trompée dans son développement personnel, peu importe que ça soit sa faute ou pas, car il est démontré depuis longtemps qu'aucune couleur de peau, tradition d'une communauté ou religion définissait l'intelligence.
Pour des éléments de ce genre, il va de soi qu'on peut dire qu'untel s'est trompé ou pas dans son développement personnel mais ce dernier comprend bien d'autres choses pour lesquelles on ne peut rien dire car c'est subjectif. "J'aime les personnes joyeuses", "j'aime le foot", "je crois que l'humanité court à sa perte", "ceux qui croient en Dieu ont tort" ...etc. Sur des points comme ceux là, chacun a son propre avis, ça fait partie de la vision des choses, de notre réalité propre. Les personnes peuvent toujours débattre sur certains points mais personne ne peut dire que "sur tel point telle personne se trompe", on peut simplement dire "sur ce point je ne suis pas d'accord" et ensuite nuancer l'estime que l'on a pour la personne en fonction de l'importance que l'on accorde au sujet.

Les points sur lesquels ma réalité diffère de celles des autres sont de ce dernier domaine, subjectifs. Personne ne peut dire que je me trompe, simplement qu'ils ont une vision différente de la mienne.
Toutes les réalités sont différentes, en deçà d'un certain "seuil de différence" on peut vivre avec des personnes, accepter (tolérer) leurs visions et être très heureux comme ça, mais si le seuil est dépassé, la différence des réalités entraîne que l'entente est trop difficile, trop fragile. C'est précisément ce qui se passe entre les autres et moi.

Au niveau des points subjectifs de ma réalité, j'ai la confirmation chaque jour que c'est vraiment ce que je pense, même quand j'essaye de porter un regard neuf sur les choses. Bref je me rends compte que la vision que j'ai est celle qui me correspond le mieux. Et donc, comme je l'ai dit, je ne veux pas la changer, bien que ça puisse paraître peu compréhensible pour une personne extérieure (et ce bien que j'ai fait de gros efforts pour expliquer). Il me reste à choisir : assumer ou non. Le choix est difficile, choisis-bien.

J'ai quand même le choix à la base entre 1) changer ma réalité et 2) vie malheureuse ou mort, ne pensez-vous pas que si je choisis 2 c'est que j'ai des raisons et notamment une profonde aversion fondée pour 1 ? Je connais ma réalité et en gros celle des autres et je sais que toute évolution qui tendra à rapprocher la mienne des autres me déplaira, pas parce que je veux être différent à tout prix, mais parce que j'aime ma réalité et pas celle des autres.

14/02/03
A partir du moment où je choisis de ne pas changer, pour les raisons expliquées avant, je n'ai plus rien à faire à la clinique. C'est la dernière fois que j'y écris, occasion de faire le point sur la situation.
Je choisis de vivre, bien qu'il y a toutes les chances que je sois malheureux. Peut-être que des changements dans ma perception se réaliseront d'eux-même, rendant ma vie moins difficile ou peut-être que non et que le chemin est effectivement invivable. Si je retombe au fond du gouffre (quand en suis-je sorti d'ailleurs ?), enfin si je ne supporte plus de vivre à un moment, j'aurais alors le choix entre un retour ici dans le but de changer mais je ne veux pas de ce changement et ne le crois pas possible, et la mort. C'est limite un retour à zéro, si ce n'est que maintenant je sais qu'il est inutile de consulter des psychiatres dans la situation dans laquelle je suis, avec ce que je pense.
Si j'avais choisi d'essayer de changer, la piste principale aurait été la communication orale, mais je sais que mon appréciation de celle-ci ne changera pas et que la communication orale ne sera jamais la communication par Internet, comme je l'ai évoqué avant.
Que ce soit avec un psy ou avec l'autre, à chaque fois c'est moi qui ai fait la grosse partie de l'analyse et eux n'ont pas de solution, juste une hypothèse chacun, que je considère comme fausses. L'un veut me faire partir au bout du monde, ne comprenant pas que c'est avec la nature humaine que j'ai un problème et que tous les gens du monde sont des êtres humains. L'autre croit que les conversations orales peuvent un jour m'intéresser ou faire autre chose que me dégoûter. Bon, ils n'ont pas compris, je ne leur en veux pas, très peu de personnes me comprennent.
Simplement, il n'y a pas de solution actuellement, c'est tout.
Je vais essayer de vivre, ça n'est déjà pas si mal, même si ça n'est pas grâce à eux.
L'analyse est bouclée, peut-être y aura-t-il d'autres analyses à l'avenir, peut-être seront-elles différentes, mais en ce qui me concerne maintenant, il n'y a plus rien à analyser.

15.8.07

Extraits de Le loup des steppes de Hermann Hesse (2/2)

"Je vis alors se profiler, de plus en plus proche, de plus en plus précis, un spectre effrayant. Celui du retour au foyer, du retour dans ma mansarde, de la soumission forcée au désespoir ! Je n'y échapperais pas, même si j'errais encore plusieurs heures durant. Je n'échapperais pas à l'instant où je me retrouverais devant ma porte d'entrée, devant ma table recouverte de livres, devant mon divan surmonté du portrait de ma bien-aimée ; je n'échapperais pas à l'instant où je serais contraint d'ouvrir mon rasoir et de me trancher la gorge. Cette image se dessinait de plus en plus nettement devant mes yeux. Je sentais aussi de plus en plus nettement monter en moi une angoisse absolue qui faisait battre mon coeur de manière frénétique : l'angoisse de la mort ! Oui, j'avais une peur affreuse de la mort. Même si je n'apercevais pas d'autre issue ; même si j'étais prisonnier d'un sentiment grandissant de dégoût, de souffrance et de désespoir ; même si plus rien n'avait le pouvoir de m'attirer, de m'inspirer de la joie et de l'espoir, j'éprouvais une indicible crainte à la perspective de mon exécution, à la perspective du dernier instant, à la perspective de l'entaille glacée et béante que je ferais dans ma propre chair !
Je ne savais comment me soustraire au destin que je redoutais. La lâcheté triompherait peut-être aujourd'hui encore dans la lutte qui l'opposait au désespoir. Mais demain, comme tous les jours qui suivraient, je serais de nouveau confronté à ce sentiment, et celui-ci se verrait renforcé par le mépris que j'éprouvais envers moi-même.
(...)

J'avais invité la belle et étonnante jeune fille de l'autre fois pour le mardi soir et eus bien de la peine à tuer le temps jusque là. Lorsque enfin ce jour arriva, l'importance de ma relation avec cette inconnue m'apparut de façon si évidente que j'en fus effrayé. Je ne pensais qu'à elle ; j'attendais tout d'elle ; j'étais prêt à lui sacrifier tout ce que j'avais et à le déposer à ses pieds, sans pour autant être le moins du monde amoureux. Il me suffisait d'imaginer qu'elle pût rompre ou oublier notre accord, pour apercevoir clairement l'état dans lequel je me trouverais. Le vide envahirait alors de nouveau le monde ; les journées se succéderaient, aussi grises et insignifiantes les unes que les autres ; je serais de nouveau plongé dans une atmosphère de silence et d'engourdissement total, atroce, et n'aurais d'autre possibilité que de recourir au rasoir pour échapper à cet enfer muet. Or, au cours de ces derniers jours, le rasoir ne m'était pas devenu plus sympathique ; il n'avait rien perdu de son aspect terrifiant. C'était précisément en cela que ma situation me semblait détestable. (...) Je me rendais compte de mon état avec une lucidité absolue, brutale ; je me rendais compte que cette tension insupportable entre mon incapacité à vivre et mon incapacité à mourir était à l'origine de l'attachement particulier que j'éprouvais pour l'inconnue, pour la ravissante petite danseuse. Elle représentait la petite lucarne, la minuscule ouverture qui éclairait l'antre sombre de mon angoisse. Elle représentait la délivrance, la voie de la liberté.
(...)
Personne ne veut épargner à soi-même et à ses enfants le prochain massacre de millions d'hommes, si c'est au prix d'un tel effort. Réfléchir une heure : rentrer en soi-même pendant un moment et se demander quelle part on prend personnellement au règne du désordre et de la méchanceté dans le monde, quel est le poids de notre responsabilité ; cela, vois-tu, personne n'en a envie ! Voilà pourquoi tout continuera comme avant ; voilà pourquoi, jour après jour, des milliers et des milliers d'hommes préparent avec zèle la prochaine guerre. (...) Cela n'a pas de sens de penser, de dire, d'écrire quoi que ce soit d'humain ; cela n'a pas de sens d'agiter dans son esprit des idées généreuses. Pour deux ou trois personnes qui le font, il y a des milliers de journaux, de revues, de discours, de réunions publiques et secrètes qui, jour après jour, tendent vers le but contraire et l'atteignent.
(...)

Crois-tu que je sois incapable de comprendre ta crainte de danser ; ton horreur des bars et des dancings ; ta répugnance face à la musique et à tout ce bric-à-brac ? Je ne les comprends que trop bien, tout comme ton dégoût de la politique ; ton découragement face aux bavardages et aux gesticulations irresponsables des partis, de la presse ; ton désespoir face à la guerre, face à celle qui vient de s'achever, face à celle qui approche, face à la manière dont l'époque contemporaine pense, lit, construit, fait de la musique, festoie, se préoccupe de culture ! Tu as raison, Loup de steppes, mille fois raison, et pourtant, tu dois disparaître. Tu es bien trop exigeant et affamé pour ce monde simple et indolent, qui se satisfait de si peu. Il t'exècre ; tu as pour lui une dimension de trop. Celui qui désire vivre aujourd'hui en se sentant pleinement heureux n'a pas le droit d'être comme toi ou moi. Celui qui réclame de la musique et non des mélodies de pacotille ; de la joie et non des plaisirs passagers ; de l'âme et non de l'argent ; un travail véritable et non une agitation perpétuelle ; des passions véritables et non des passe-temps amusants, n'est pas chez lui dans ce monde ravissant... (...) - Toujours comme aujourd'hui ? Le monde a-t-il toujours été fait pour les politiciens, les profiteurs, les garçons de café et les viveurs, ne laissant aucun espace de liberté aux êtres humains ? (...) Ce qu'on appelle dans les écoles "l'histoire universelle" et que l'on est obligé d'apprendre par coeur, avec tous ces héros, ces génies, ces exploits et ces sentiments pleins de grandeur, n'est qu'un mensonge inventé par les maîtres, à des fins éducatives et pour occuper les enfants durant leur scolarité obligatoire. L'époque et le monde, l'argent et le pouvoir, appartiennent aux êtres médiocres et fades. Quant aux autres, aux êtres véritables, ils ne possèdent rien, si ce n'est la liberté de mourir. Il en fut ainsi de tout temps et il en sera ainsi pour toujours.
(...)
Je savais que j'avais dans ma poche les centaines de milliers de figurines du jeu de l'existence dont je pressentais la signification avec une profonde émotion. J'étais disposé à le reprendre, à éprouver une nouvelle fois ses souffrances, à frémir d'horreur devant son absurdité, à parcourir encore et encore l'enfer que je cachais au fond de moi. Un jour, je jouerais mieux ; un jour, j'apprendrais à rire."


N.B. Si je partage la plupart des points de vue et ressentis cités jusque là dans ces 6 notes, ce dernier passage où le personnage principal éprouve de l'espoir, si on peut appeler ça ainsi, fait exception. Il est situé vers la fin de l'ouvrage et est un peu à l'image de la dernière partie du livre, j'ai du mal à le comprendre et trouve qu'il manque de cohérence avec le reste. Comme évoqué, cela m'a désappointé comme la fin du Cosmonaute, les deux personnages ont ceci de commun, pour simplifier, qu'ils sont plutôt désespérés par leur existence, mais ils décident de continuer. En fait ils ont plus de points communs avec moi que je ne le croyais de prime abord, eux non plus n'ont pas vraiment de situation alternative. Le héros de Jaenada est prisonnier de l'amour, et il préfère encore que ça continue à lui pourrir l'existence que d'y renoncer, parce qu'il ne voit pas vers quoi de mieux il pourrait tendre. J'avoue que ça m'a complètement dépassé, cette victoire totale du sentiment sur la raison. Je sais bien que c'est une tendance du monde actuel, mais peut-être bien que j'espérais que ce roman y échapperait. Alors quelle autre fin ? L'auteur a choisi de faire triompher le sentiment, l'amour, peut-être que c'est ce qu'il ressent au fond de lui. Ou alors il pouvait faire triompher la raison, où le héros tenterait le changement, malgré le fait qu'il se soit habitué dans une certaine mesure au calvaire de son ancienne existence. Et quid du Loup des steppes et de moi-même ? Finalement nous nous ressemblons assez, nous craignons tous deux de mettre fin à nos jours et nous connaissons nos souffrances liées au fait de vivre : ici il n'y a pas d'alternative. Le plus raisonnable est d'essayer d'organiser notre survie tant bien que mal. Mais comme indiqué dans un extrait, et comme je l'avais moi-même écrit avant, je pense que le suicide reste notre fin la plus probable. Quant à essayer de définir quand, cela semble bien impossible.

Extraits de Le loup des steppes de Hermann Hesse (1/2)

(1927)
En introduction, je mentionnerais que ce grand auteur allemand avait déjà senti que la seconde guerre mondiale se préparait, 12 ans avant qu'elle n'éclate. Par ailleurs, à plusieurs reprises j'ai trouvé écho de ma propre existence et de mes propres sentiments et réflexions, malgré le fait que ça soit écrit plus de 80 ans plus tôt. Souvent mieux exprimés d'ailleurs. Pour moi la dernière partie du livre reste mystérieuse et la fin décevante.
Je trouvais important de citer les extraits qui m'ont le plus parlé.
(...) avec saut de ligne = un certain nombre de pages s'écoulent. L'extrait suivant peut donc être en rapport avec le précédent, ou pas.
(...) sans saut de ligne : quelques phrases s'écoulent, mais jugées moins pertinentes.



"Dans sa jeunesse, alors qu'il était encore pauvre et gagnait difficilement de quoi vivre, il préféra continuer d'avoir faim et de porter des vêtements déchirés pour pouvoir préserver une petite parcelle de cette liberté. Jamais il ne se vendit, ni pour de l'argent et du confort ni à des femmes ou à des puissants. Cent fois il rejeta et refusa ce que tous considéraient comme un avantage et une chance, afin de ne dépendre de personne. Rien ne lui semblait plus détestable et effrayant que de devenir un employé, que de devoir respecter un emploi du temps journalier, annuel, et obéir à d'autres. Un bureau, une étude, un service administratif lui inspiraient autant d'horreur que la mort et rien ne pouvait lui arriver de plus terrible en rêve que d'être enfermé dans une entreprise.
(...)
Il faisait également partie des êtres suicidaires. Il faut préciser ici qu'il est erroné d'appeler suicidaires les seules personnes qui se suppriment vraiment. (...) Beaucoup se donnent la mort sans pour autant appartenir au type des suicidaires par leurs traits de caractère et leur tempérament général. A l'opposé, parmi ceux qui, par essence, font partie des suicidaires, beaucoup, peut-être même la majorité, n'attentent jamais véritablement à leurs jours. (...) Dans leur cas le suicide apparaît comme le type de mort le plus probable, tout du moins c'est ce qu'ils se figurent.
(...)
Expliquer une personnalité aussi contrastée que celle de Harry en la divisant de façon naïve en 2 parties représente une tentative désespérement candide. Il ne se compose pas de deux êtres, mais de cent, de mille.(...) L'être humain ne dispose pas d'une grande capacité de penser; même le plus cultivé et le plus intellectuel des hommes voit le monde et sa propre personne à travers un prisme de formules très naïves, simplificatrices, qui travestissent la réalité.
(...)

Devais-je vraiment revivre tout cela : cette torture, cette détresse insensée, ces confrontations successives avec la bassesse et l'inanité de mon propre moi, cette angoisse terrible de succomber, cette crainte de la mort ? N'était-il pas plus sage et plus aisé de prévenir le retour de tant de souffrances en s'éclipsant ? Cela l'était assurément. (...) mais personne ne pouvait m'interdire la satisfaction d'échapper, grâce à l'oxyde de carbone, à un rasoir ou à un pistolet, à la répétition d'un processus dont j'avais désormais assez souvent et assez profondément éprouvé l'amère douleur. Non, par tous les diables, aucun pouvoir au monde ne pouvait exiger que j'endurasse l'épreuve d'une nouvelle confrontation avec moi-même et du frisson de la mort qu'elle provoque ; l'épreuve d'une nouvelle métamorphose, d'une nouvelle réincarnation. Je savais bien que le but de tout cela n'était pas la paix et la tranquillité, mais seulement une autodestruction perpétuelle, une recontruction perpétuelle. Le suicide pouvait apparaître comme absurde, lâche et mesquin, comme une issue de secours peu glorieuse et honteuse. Néanmoins cela m'importait peu. Ce qui permettait d'échapper au broiement provoqué par ces souffrances, même le moyen le plus déshonorant, demeurait ardemment souhaitable. Il ne s'agissait plus ici de faire montre de noblesse et d'héroïsme. Je me trouvais confronté à un choix simple entre une douleur minime, passagère, et la brûlure inimaginable d'une souffrance infinie.
(...)
Déçu je poursuivis mon chemin sans savoir où j'allais. Je n'avais ni buts ni aspirations, ni obligations. L'existence avait un affreux goût d'amertume. Je sentais l'écoeurement qui montait en moi atteindre désormais son paroxysme. J'avais l'impression d'être exclu, rejeté par la vie. Pris de rage, je me mis à courir à travers la ville grise où partout semblait flotter une odeur de terre humide et d'enterrement.
(...)

(Harry rencontre un vieil ami)
J'ajoutai que je ne me sentais pas très bien, sans quoi je lui aurais naturellement rendu visite. Mais lorsqu'il m'invita chaudement à passer tout de même la soirée en sa compagnie, j'acceptai avec gratitude et le priai de saluer son épouse de ma part. Tandis que je déployais avec zèle tous ces discours et ces sourires, je sentais la douleur crisper mes joues qui n'étaient plus habituées à ce genre d'effirts. Moi, Harry Haller, je me tenais donc là, pris au dépourvu et flatté, poli et empressé, souriant à cet homme aimable dont le visage de myope était plein de bonté. A mes côtés, se tenait l'autre Harry, ricanant lui aussi. L'air sarcastique, il se demandait quelle sorte de frère j'étais donc, bizarre, fou et menteur. Deux minutes auparavant je montrais les dents avec fureur à la terre entière que je maudissais ; et voilà que maintenant je répondais avec émotion et empressement à la première invitation, au premier salut anodin d'un brave homme respectable, me vautrant comme un porcelet dans les délices que m'inspirait cette petite manifestation de bienveillance, de considération et d'amabilité. Il y avait ainsi deux Harry, deux personnages extraordinairement antipathiques face au gentil professeur. Ils se raillaient mutuellement, s'observaient, crachaient devant eux en signe de dédain réciproque. Comme toujours dans de telles situations, ils se demandaient si cet égoïsme sentimental, cette absence de caractère, ces sentiments impurs et contradictoires constituaient uniquement des signes de bêtise et de faiblesse humain, un lot réservé à l'humanité entière, ou s'ils étaient simplement l'apanage personnel de Harry. Si cet avilissement touchait les hommes en général, eh bien, cela permettait à mon mépris universel de se jeter sur lui avec une énergie renouvelée ; s'il ne représentait qu'une faiblesse personnelle, cela me donnait l'occasion de me livrer à une débauche de mépris envers moi-même.
La querelle qui opposait les deux Harry m'avait presque fait oublier le professeur. Tout à coup, sa présence me devint à nouveau pénible et je me dépêchai de me débarasser de lui. (...) je dus reconnaître que j'étais tombé dans le piège. Je m'étais mis sur les bras une invitation à dîner pour sept heures et demie, avec toutes les obligations que cela entraînait : les politesses, les bavardages scientifiques et la contemplation du bonheur familial d'autrui. Irrité, je rentrai chez moi. (...)(Harry se prépare au dîner) J'ignorais totalement pourquoi je faisais tout cela ; en effet, je n'éprouvais pas la moindre envie de me rendre à cette invitation. Cependant, une part de Harry jouait de nouveau la comédie. Elle qualifiait le professeur de type sympathique, aspirait à retrouver, l'espace d'un moment, une atmosphère humaine, les conversations et la compagnie des autres. Elle se souvenait de la ravissante épouse du professeur et trouvait au fond extrêmement réjouissante la perspective d'une soirée passée chez des hôtes aimables. Elle me donna la force de m'habiller, de nouer une cravate convenable et me dissuada en douceur d'obéir à mon désir véritable de rester chez moi. Je songeais en même temps : cette façon que j'ai à présent de m'habiller et de sortir pour me rendre chez le professeur, pour aller échanger avec lui des amabilités plus ou moins hypocrites sans rien avoir vraiment voulu, ne m'est pas propre. La plupart des hommes agissent, vivent et se comportent ainsi jour après jour, heure après heure, par nécessité, sans rien désirer vraiment. Ils font des visites, s'entretiennent de choses et d'autres, s'acquittent de leurs heures de service dans les bureaux par obligation, machinalement, sans le vouloir. Cela pourrait aussi bien être accompli par des machines ou ne pas se passer. C'est précisément cette mécanique ininterrompue qui les empêche de porter, comme moi, un regard critique sur leur existence, de voir et de sentir sa stupidité et sa fadeur, le rictus atroce de son ambiguïté, sa tristesse et sa solitude sans espoir. Oh, néanmoins, ces hommes ont raison, infiniment raison de vivre ainsi. Ils jouent à leurs petits jeux et courent après ce qui leur semble important, au lieu de se défendre contre cette mécanique accablante et de fixer le vide avec désespoir, comme je le fais, moi qui ai quitté le droit chemin. Ainsi, s'il m'arrive parfois dans ces pages de mépriser, de railler les hommes, cela ne doit inciter personne à penser que je voudrais rejeter la faute sur eux, que je voudrais les accuser, les rendre responsables de mon malheur personnel ! Quant à moi qui suis allé si loin, qui ait atteint les limites où l'existence sombre dans des ténèbres sans fond, je me trompe et je mens en essayant de persuader les autres et moi-même que cette mécanique peut également continuer de fonctionner dans mon cas, que j'appartiens encore, moi aussi, au gracieux univers enfantin des jeux éternels !
(...) (Harry est chez le professeur) Si mon hôte était entré à cet instant, j'aurais peut-être réussi à effectuer un repli en trouvant des prétextes plausibles. Mais ce fut sa femme qui se présenta et je me soumis à la fatalité, malgré un mauvais préssentiment. Nous nous saluâmes et nombre de fausses notes ne tardèrent pas à suivre la première. La dame me félicita pour ma forme resplendissante, or je savais pertinemment que j'avais beaucoup vieilli depuis la dernière fois. La douleur que sa poignée de main éveilla dans mes doigts atteints par la goutte me l'avait déjà rappelé de façon désagréable.
(...)(Ils sont en train de dîner) Tandis que je m'efforçais de tenir des propos et de poser des questions de nature anodine (...). Mon Dieu, pensais-je continuellement, pourquoi nous donnons nous tant de peine ? (...) Ils me posaient uniquement des questions auxquelles je ne pouvais répondre sincèrement. Aussi me retrouvais-je très vite totalement empêtré dans mes mensonges, luttant contre le dégoût que m'inspirait chacune de mes paroles. (...) Mes traits d'humour produisaient un effet déplorable et le fossé qui nous séparait s'agrandissait progressivement. (...) Si bien qu'au dessert nous étions devenus tous les trois absolument silencieux."

Suite

11.5.07

Post-Présidentielles

Et bien voilà, nous en prenons pour 5 ans avec un fou furieux,un type à la limite de ce qu'on appelle une démocratie et une république, un type capable de soutenir la politique d'un Bush, d'envoyer des Français se battre en Irak pour que dal, d'appuyer sur le bouton rouge si ça lui chante, d'augmenter les effectifs de sécurité et de répression, capable de faire un sourire quand il y a une caméra et de donner des coups quand il n'y en a pas. Même nous athées, prions.

Sinon il y a quelque chose que je voudrais qu'on m'explique. C'est comment est-il possible qu'autant de personnes votent à droite, la majorité même. Pour simplifier à l'extrême, la gauche veut redistribuer les richesses alors que la droite est pour que chacun garde les siennes. Même si on a plus d'argent de la moyenne, comment on peut faire passer son intérêt personnel devant l'intérêt collectif ? Bon l'intérêt personnel c'est un grand truc en France, c'est sûr, mais quand même, les chiffres sont incroyables. Y a-t-il tant de gens qui gagnent beaucoup d'argent ? Et même en admettant que ça soit le cas d'environ un sur deux, y en a-t-il si peu dans le tas qui pensent à autre chose qu'à leur gueule ? J'en viens vraiment à me dire que ça vote de père en fils ou à l'aveuglette. D'accord pour dire que le système des aides sociales est relativement désastreux, trop laxiste, trop souple, trop sujet à des fraudes, mais de là à choisir que ceux qui gagnent plus ne doivent pas en donner une petite partie à ceux qui gagnent moins, quand même...
Je veux dire c'est abérrant, il y a 220 ans il y avait une révolution dans ce pays pour mettre fin aux injustices financières et sociales. 220 plus tard est-ce que la seule chose qui a changé dans ce domaine c'est qu'il y a environ autant de riches que de pauvres ? Est-ce que ces riches pensent vraiment tous qu'ils méritent l'argent qu'ils gagnent ? Et qu'à ce titre ils ne sont prêts à en recéder que le minimum possible ? Ca me dépasse.
Le pire c'est les jeunes, les étudiants en particulier, qui sont convaincus que la droite porte des valeurs plus intéressantes, etc, qui sont partisans à 100%. C'est le pire car eux ils ne sont même pas encore riches c'est juste qu'ils savent qu'ils vont le devenir, et ils votent déjà pour plus tard. C'est le pire car le schéma plus classique c'est au moins d'être de gauche quand on n'a pas encore de tune et à la limite de devenir de droite avec le temps et le fric qui s'amasse, c'est assez gerbant mais au moins c'est un classique je pense à ma gueule. Tandis que le jeune qui est déjà de droite parce qu'il va en école de ceci ou de cela, que ses parents touchaient beaucoup, qu'il sait qu'à la sortie de l'école il touchera beaucoup lui aussi, et qui vote déjà en conséquence, là c'est pire que gerbant.

L'autre fois j'ai failli avoir un malaise en pleine rue, en passant devant un bar où étaient attablés ces étudiants aux parents friqués et futurs friqués eux-mêmes, qui se paient des verres à six euros, se rejettent en arrière sur leur chaise en soufflant la fumée de leur clope et qui dans leur tête représentent ainsi le summum de la classe. Qui arrive à croire qu'en 2007 les aristos sont pire qu'il y a 200 ans parce qu'ils le sont depuis le berceau et qu'ils ne passent par aucun autre stade, se croyant au dessus de tout de bout en bout. Failli avoir un malaise ouais.

Je ne comprends de toute façon pas grand chose à mes congénères. Quand je vois le prix des ventes dans tout ce qui est restaurants, bars, etc, par rapport au prix que ça coûte réellement, je ne comprends pas qu'autant de monde paie aussi cher.

Je crois que les gens ne réfléchissent pas trop à leur vie jusqu'à 30-35 ans, moment auquel ils commencent à se lasser de leur boulot et de leur conjoint. C'est là qu'ils choisissent d'en changer - de boulot, de conjoint, ou les deux - ou alors de faire un gosse histoire de donner un peu de sens à leur vie, ou pour se foutre en l'air ce qui est parfois préférable. Je me suis posé la question du sens de ma vie vers 12 ans. Puis quasi à plein temps à partir de 17. A 19 j'avais un bac+2 dont je savais déjà que je ne voulais rien faire. Passé deux ans à hésiter à mourir avant de trouver une voie annexe, hors du boulot pour lequel j'aurais changé vers 30 ans en suivant le schéma plus classique, sauf que j'ai gagné 10 ans, dix ans d'ennui en moins. Je ne sais pas dans combien de temps je serais lassé, après 3 ans je ressens déjà de l'usure. C'est l'histoire d'une vie en accéléré. Peut-être qu'à 30 ans j'aurais économisé assez pour prendre quelques années de retraite. Délire total ? Il ne faut pas dire ça parce que déjà les 30 ans il y a quelques années je ne pensais jamais les dépasser en vie. Ensuite parce que ma vie prend un tour tout autre que toute autre, comme les quelques exemples susmentionnés. Ensuite parce que je suis hors du cycle de consommation et que donc même en gagnant moins qu'un smic j'arrive à économiser pas trop mal.
Le temps passe et pour un oeil non averti je me serais presque rangé, presque habitué à la routine classique, même si la spirale dans laquelle je suis n'a pas grand chose à voir avec la spirale classique. En fait l'essentiel n'a pas vraiment changé, je me demande toujours l'intérêt de tout cela, j'ai toujours du mal à cohabiter avec le reste des gens, à les comprendre, simplement je me le demande un peu moins souvent. Et me faire écraser par un train par inadvertance me dérangerait à peine plus qu'il y a quelques années. A peine plus c'est bien. Mais pas trop.