18.3.09

Empathie, misanthropie et équilibre

Cela fait un temps fou que j'envisage d'écrire sur ce thème, mais ces derniers temps quelques éléments m'y ont définitivement poussé.
Il s'agit de cette étrange dualité : en privé, en pensée, dans mes écrits, je suis pour le moins misanthrope, assez dur avec les gens, plutôt donneur de leçons je dois dire. Tandis que face aux gens je suis presque toujours gentil, avenant, même concerné par le sort de mon prochain. On pourrait tout à fait dire que ce moi-là a en lui une profonde empathie. Comment diable est-ce possible dans la mesure où cet autre moi méprise à un tel point le genre humain et ses innombrables défauts, pas du tout compensés - selon lui - par ses (trop) rares qualités ?

Je ne suis pas schizophrène - enfin je ne crois pas. Justement, pendant la période où j'étais au plus mal, je me félicitais (plus ou moins) de conserver une lucidité à toute épreuve (tout en me demandant quand est-ce que ça allait craquer, ce qui semblait bien plausible), qui évitait que je ne sombre dans la folie. Ceci demeure aujourd'hui, je suis lucide sur toutes les facettes de ma personnalités, en tout cas j'en ai l'impression, mais reste à expliquer ce paradoxe.

On peut commencer par une évidence : il ne serait pas vraiment possible de vivre en adoptant un comportement en adéquation avec mes pensées misanthropiques. Voire vraiment pas possible. Si je disais ce que je pense à tout le monde, au delà des problèmes pratiques que cela poserait, tout le monde me rejetterait. A l'époque susmentionnée j'envisageais la possibilité de me retirer en ermite dans un endroit isolé, ce qui est cohérent. Sauf que c'est resté au stade de la possibilité un peu folle.
Sauf que les choses ne sont pas si simples : quand je suis en face d'une personne ce que je pense se déforme par rapport à ce que je pensais quand j'étais ailleurs. Ou a une tendance à se déformer, à muer. Le deuxième moi entre en pleine contradiction avec le premier et prend quelque part le contrôle. Ce moi-là semble aimer profondément les gens, et je dois dire que je ne sais pas comment c'est possible.
Cela me fait penser à La part des ténèbres de Stephen King. Thème forcément traité à plusieurs reprises dans le cinéma et la littérature. Sauf que là ça n'est plus tellement du divertissement (quoi qu'on puisse se poser la question de savoir si sa propre personne puisse parfois être un divertissement... de l'auto-divertissement somme toute...). Je ne sais pas si c'est une double personnalité, je ne sais pas ce que c'est.
D'où vient-elle ? Est-ce juste la conséquence naturelle de l'évidence mentionnée plus haut ? Ou bien est-ce parce que chaque être humain a dans ses gènes l'empathie pour son prochain ? Dans ce cas cette facette, que j'avais forcément en moi jusqu'à l'âge de 11-12 ans, et qui s'est ensuite progressivement désagrégée (ou éteinte), serait toujours enfouie quelque part, et guiderait mon comportement dès que je suis en présence de quelqu'un, même inconnu. Évidemment sans que j'aie mon mot à dire là-dessus. De toute façon que dirais-je ? J'ai l'impression de ne pas être à la hauteur pour juger de cela !

Est-ce que cette empathie naturelle pour l'autre peut disparaître complètement ? Est-ce dans ces cas-là que l'on considère que l'être sombre dans la folie ou dépasse la limite ? Lors de guerres, les soldats qui donnent la mort ont généralement un dilemme personnel à résoudre. Les tueurs en série peuvent-ils tous être considérés comme fous ?
Je prend l'exemple de ceux qui tuent parce que c'est le plus opposé à l'empathie pour son prochain.

Est-ce que ça ne serait pas aussi une question d'équilibre ? Pour faire simple, mépriser tout le monde (même sans que ça ne se traduise en comportements directs), si ce n'est pas compensé par quelque chose, mènerait à un trop grand déséquilibre. Se montrer plus particulièrement avenant, attentif, enjoué, serviable, etc, serait une façon de compenser mes écrits d'une rare dureté et mon grand mépris du genre humain, pas comme se dédouaner mais pour équilibrer, sans que ça soit volontaire. D'ailleurs en parlant de genre humain, on voit bien que c'est différent d'une personne. C'est comme quand on dit "tout le monde" et qu'on se rend ensuite compte que personne que l'on ne connaisse n'est finalement concerné.
Pourtant je ne peux en aucun cas dire que mes écrits, mes reproches, mes effarements, sont théoriques. Au contraire d'ailleurs, j'ai toujours essayé de me baser sur du concret. Il s'agit d'ailleurs là de l'un des arguments principaux que j'ai utilisé pour répondre à ceux qui prétendaient que mon mal-être serait imaginaire. Lorsque je suis avec des gens j'ai indiqué que mes pensées avaient une tendance à changer, mais ce n'est pas non plus systématique, il y a des cas où elles restent les mêmes en plein cœur d'une situation ou d'une conversation, généralement même renforcées par ce qui se passe. Comment donc généraliser puisqu'il s'agit d'un mélange insondable et changeant ? On peut difficilement dire que je suis un moi plutôt que l'autre, c'est plutôt un véritable sac de nœuds, qui pourtant s'est stabilisé ces dernières années pour atteindre un assez bon équilibre.

Tout comme je pensais l'autre jour à cet autre équilibre qui s'est mis à composer mon existence : mon épanouissement personnel passe - en bonne partie - par mon activité professionnelle qui consiste principalement à me consacrer, dans une certaine mesure, à l'épanouissement des autres, en l'occurrence de centaines d'enfants.

A l'époque où j'allais très mal je considérais comme fausse la théorie de l'équilibre dans le monde (le yin et le yang, le bien et le mal, etc). Je ne voyais pas pourquoi le nombre de choses positives serait toujours proportionnel au nombre de choses négatives, et j'en avais d'ailleurs un contre-exemple effrayant en la personne de moi-même. Mon point de vue est inchangé, il suffit d'observer le monde dans lequel on vit pour se rendre compte que c'est insensé, mais je crois avoir compris ce que cela signifie, ou ce que cela devrait signifier en tout cas : les choses iraient mieux, bien, voire au mieux, s'il y avait respect de l'équilibre, des équilibres; ce serait une sorte d'idéal à atteindre. Dans la quête de la connaissance de soi et de l'épanouissement personnel, trouver un équilibre semble être un fil rouge.
A l'échelle de la planète la tâche semble insurmontable, mais essayer de s'en approcher doit s'avérer un objectif majeur. On parle des incroyables inégalités, les réduire serait se rapprocher de l'égalité, de l'équilibre donc. Le mot répartition a aussi tout à voir avec le mot équilibre.

La bonne gestion des équilibres et déséquilibres, que ce soit au niveau personnel ou au niveau mondial, semble être l'une des clefs de la progression des êtres et du genre humain.
(phrase pompeuse mais en rapport avec la note précédente et qui a le mérite de conclure celle-ci)

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