18.1.08

A la soupireuse au tract

J'allais mettre soupirante mais c'est différent.
L'autre jour sortant d'une bouche de métro je tombe sur une jeune distributrice de tracts, au milieu du passage. Je prends soin de me mettre le plus à droite possible pour lui signifier que je n'ai aucune espèce d'intention d'accepter son papier mais son bras me poursuit sur un ou deux mètres. Je m'esquive et fuis (!). Peut-être avec un refus poli je ne sais plus. (C'est ironique car souvent je parle tellement peu fort que je suis sûr que des gens ne m'entendent pas, quand je dis des bonjour, au revoir, merci, pardon, à des passants, des vendeurs, des chauffeurs. Et bref) Et là je suis à peine à deux mètres que je l'entends soupirer, que dis-je, gémir presque. Je passe mon chemin et poursuis ma route mais vingt-deux mètres plus loin (ou je sais pas combien) je trouve toute la tirade que j'aurais dû lui sortir.
Il y a quelques années j'étais proche du niveau zéro de la communication sociale et je suppose que j'en aurais été incapable, maintenant c'est différent et je pense que j'aurais pu. La seule question est de savoir si tout pouvait venir comme ça sur le moment ou si les vingt-deux mètres ont été nécessaires à la maturation. Je vous laisse vous reporter à mes (pas si) grands travaux sur les différences entre communication orale et écrite. La tirade donc, en gros hein :
"Attends-là, t'as ptet pas vu que je faisais un écart de trois mètres pour pas le prendre ton tract ? Ou alors tu préfères que je le prenne pour le balancer directement dans la prochaine poubelle, c'est ça ? Si ça t'arrange je peux même te les prendre tous pour la remplir. Et si ça te fait si mal que je le prenne pas tu ferais mieux d'arrêter tout de suite. Déjà le job de distributeur de tract est ingrat, tu dois absolument savoir essuyer un refus sans gémir ni soupirer, ou alors mentalement, et encore. Je veux dire tu le savais quand tu t'es lancée là-dedans non ? Bon mais le truc c'est que je sais déjà que ça ne m'intéresse pas, si si je le sais déjà parce que ça ne peut pas m'intéresser, c'est impossible. Je ne peux être intéressé ni par quelque chose à acheter, ni par quelque chose à aller voir, ni par une cause humanitaire, sociale ou politique, ni par l'ouverture d'un magasin, un bar ou pire encore, par rien entends-tu ? Je le sais comme on peut parfois savoir que quelque chose ne nous plaira pas avant même de l'avoir essayé. Je le sais, c'est tout. Et si je fais le pire écart pour m'en éloigner c'est pour ça. Maintenant à part aller t'en jeter comme je te l'ai dit je ne peux rien faire pour toi à part te souhaiter une grande carrière dans la distribution ou au choix beaucoup de courage pour terminer celle-ci."
Je dis pas que c'était exactement ça mais les idées sont là. Ah la la, la bienheureuse d'y avoir échappé.