16.3.15

Hymne à la fermeture

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D'accord, faussée par les hymnes nationaux joués en ouverture d'événements. Mais néanmoins.

S'ouvrir aux autres. S'ouvrir au monde. Rengaines connues. Salvatrices paraît-il.
Et s'il était des personnes pour lesquelles c'était au contraire destructeur ?
Elles, feraient mieux de se fermer, de s'enfermer, de se refermer.
De refuser, d'esquiver, de se cacher, de fuir.

Cette fermeture a des inconvénients, certes, l'être humain étant un être social, à la base. Mais toute la question est de savoir si, pour ces personnes, les inconvénients dépassent les avantages ou non. Mon argument est justement que les avantages sont plus nombreux.

Il ne s'agit pas d'une fermeture totale. Comme un moine solitaire ou un ermite. D'ailleurs même les moines se regroupent.
La fermeture totale est proche de l'utopie et inenvisageable concrètement.
Non, il est question de l'approche sociale générale, avec la tendance à l'ouverture ou à la fermeture.

Je recherche un état un peu apaisant, un peu serein, qui permette de survivre sans trop souffrir, sans souffrir trop souvent, sans se torturer. Et s'il y a bien une chose dont je sois convaincu c'est que pour moi - et pour le coup sans doute pour d'autres aussi - cela ne passe certainement pas par une tendance à l'ouverture, une tendance aux interactions sociales. Ce n'est pas que la fermeture m'apporte de grands bénéfices, c'est qu'elle évite les désagréments de l'ouverture.

Oui, il s'agit de fuir les êtres humains. De fuir le fonctionnement humain. C'est de cela qu'il s'agit. C'est un reproche de beaucoup de choses, c'est de la négation, c'est du mépris. C'est une protection.
On prétend qu'aimer et épouser le fonctionnement humain est naturel et normal. Disons plutôt que c'est majoritaire. Je réfute l'idée selon laquelle tout être humain tend forcément vers ce schéma. J'avais écrit que je ne pensais pas que tous les êtres étaient faits pour vivre, c'était un peu fort mais en tout cas je ne pense pas que tous les êtres soient faits pour apprécier le fonctionnement humain, pour apprécier autrui. Il y a toujours cet argument comme quoi si une personne va mal c'est qu'elle doit changer. C'est simple d'esprit. Ce n'est pas vrai. Il n'existe pas d'argument valable prouvant qu'elle ira mieux si elle change. Surtout pourquoi faire changer une personne ? Elle est ce qu'elle est, c'est ça qu'il faudrait respecter. Même si elle va mal. Vous est-il venu à l'esprit qu'elle pouvait aller mal tout en étant tout à fait elle-même ? Je ne vois pas de contradiction dans cet état de fait. La contradiction n'existe que si le postulat de base est, à tort, qu'une personne va forcément bien si elle parvient à être elle-même. Car cela dépend aussi du monde qui l'entoure. Imaginons que tous les humains deviennent fous, sauf un. Celui-ci va forcément rapidement aller très mal. Pourtant c'est lui qui est sain. Je ne prétends pas ainsi être sain et que le reste du monde ne le soit pas, c'était juste un exemple illustratif.

J'en ai assez d'aller mal. Il faudrait que je trouve quelque chose mais il est probable que cette recherche n'aboutisse simplement jamais. Après tout, cela fait déjà très longtemps que je cherche et j'ai épuisé les réponses possibles. Il n'y a pas de réponse ou de solution. Il faut simplement que je me rende à l'évidence, j'allais mal, je vais mal et j'irai mal. C'est basique. Et il n'existe rien qui puisse modifier profondément ceci. Cesser de chercher c'est donc déjà positif. C'est d'ailleurs ce que j'avais fait à deux reprises, en 1996 et en 2003, cesser de chercher. Je ne sais pas si ça peut encore fonctionner, peut-être que je suis arrivé au bout des limites de cette technique. Sauf si ce n'est pas une technique. Cela semble plutôt fatal et forcé. Et adapté.

On m'a proposé l'ouverture, je l'ai refusée en bloc. Je ne sais pas si c'était une erreur, mais j'avais fondamentalement, viscéralement, l'impression que c'était la bonne décision, la décision qui me correspond. Il me faut de la fermeture, oui, cela semble évident. Je dois fuir le monde, même si cela comporte des inconvénients. Il faut choisir le moindre mal, n'est-ce pas.

Je ne peux trouver de solution (miracle) mais je peux arrêter de chercher. Et ce que je peux faire aussi, c'est me faire une sorte de plan de survie. Je me connais assez pour cela. Alors je sais, les amoureux de la vie, de l'ouverture, du social, de l'humain, diront que c'est du bricolage inadapté et que le seul salut se trouve dans l'ouverture. Je sais. Je les ignore. Je les méprise. Profondément. Ils ne comprennent pas, tant pis pour eux. Je ne vais pas (plus) perdre de temps avec eux. Je viens déjà d'en perdre avec ces lignes.

Un plan de survie donc. La base est connue, c'est la fermeture. La fermeture est simplement mon fonctionnement habituel en fait, rien de nouveau ou de compliqué ici. Passer un maximum de temps seul et esquiver au maximum les interactions sociales. Je connais bien.
Ensuite, arrêter de se torturer devant des choses imbéciles, injustes ou humaines. Dans la mesure du possible. C'est une grande difficulté, évidemment. Car ces imbécillités, injustices, humanités, sont à la source de mes difficultés. Mais essayer de les ignorer, de les relativiser. Je ne sais que trop qu'elles existent et que je vais en rencontrer régulièrement ! Un haussement d'épaules sont à peu près tout ce qu'elles méritent. Un peu comme un sage d'ailleurs. Ce ne sont que des choses routinières et la réponse logique est "la routine". Même si bien sûr c'est une routine qui fait souvent mal. Mais ne pas en souffrir plus que de raison, plus qu'elles ne le méritent, plus que la routine ne le mérite. Relativiser au maximum, puisque c'est de toute façon connu. Le mal est connu. Les humains sont connus. Leur fonctionnement est connu.
Ensuite, se concentrer autant que possible sur les rares choses qui m'apportent un petit peu de soulagement, de positif, de consolation. Sur ces parenthèses puisque de toute façon c'est ce qu'elles sont. Si je dois me noyer dans ma passion, eh bien que je me noie. Ce n'est autre que ce que j'ai utilisé de 1996 à 2001, et dans une moindre mesure ces dix dernières années, et ma foi ça n'a pas si mal fonctionné. De toute façon je n'ai pas le choix ! Et c'est un choix agréable et facile à faire, celui-là.
Cesser de vouloir changer le monde car de toute façon c'est utopique, cesser donc les croisades inutiles, les remontrances à tout va, la critique permanente. Le monde est ce qu'il est, je vais tenter d'y évoluer muni de mon plan de survie.
Enfin, faire mon bout de chemin comme je peux, en me fixant des objectifs et des projets, puisque je ne peux faire sans. En ignorant les obstacles, en les esquivant, tout comme j'esquiverai l'humanité autant que possible.

AA : "on ne peut pas vivre uniquement pour un seul domaine on rétrécit ce qui n'est jamais conseillé"
Je ne sais pas si c'est vrai. Je ne crois pas. Et si c'est tout de même le cas, eh bien tant pis !

Vive le surplace.
Vive la monomanie.
Vive le statu quo.
Vive la fuite.
Vive le mépris.
Vive l'esquive.
Vive la fermeture.
Ce sont les seuls saluts.

13.3.15

Interactions

Isole-toi.
Repousse les gens.
Ils finiront par te manquer.
Tu n'iras pas mieux.

Recherche de la compagnie.
Va voir les gens.
Ils finiront par t'exaspérer.
Tu n'iras pas mieux.

6.3.15

Fin

03/03/15

Les malades présentent le considérable avantage de pouvoir être soignés. Pour les non malades, comme moi, c'est sans espoir.
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Il est logique qu'une personne qui déplore l'animalité humaine se penche sur la question de la castration chimique.
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Je fuis l'existence. La seule chose dont j'ai à peu près envie c'est de dormir, pour fuir. Ou mourir, pour ne plus avoir à fuir. Comme je ne me suiciderai pas, je n'ai plus qu'à espérer une mort par inadvertance.

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Une grande détresse s'abat sur moi. J'ai l'habitude, mais on ne s'habitue jamais à cela.
J'en ai assez que les gens vivent. Et de vivre. Puisque je n'ai pas le courage de me suicider, que l'on cesse au moins de me harceler avec la prétendue beauté de la vie, la prétendue jouissance que l'on devrait ressentir à vivre. J'en ai plus qu'assez.
Que l'on cesse, par pitié, d'avoir de l'espoir sans raison, de voir du positif là où il n'y en a pas. Cela me révulse.

Je vais cesser d'aller consulter mon psy. Je ne vois pas sur quoi cela débouche et c'est de toute façon voué à l'échec. Il faut être un peu sérieux. Il représente le monde, que j'abhorre. Il en est un bon représentant. Il n'a rien d'autre à me proposer que ce que le monde passe son temps à faire. Rien d'autre à proposer que le fonctionnement humain de base. Lui-même est content d'avoir atteint ce stade qu'il n'a pas toujours connu. J'espère ne jamais m'approcher de ce stade qui me donne envie de vomir. Très chers, chérissez la bestialité et l'animalité si cela vous chante, mais laissez-moi bien en dehors de cela. Ébahissez-vous devant l'amour, l'air béat et la bouche en cœur, si vous voulez, mais évitez de me provoquer des haut-le-cœur et du dégoût en m'en parlant. Réjouissez-vous du fonctionnement humain, avec sa chimie et son irrationalité, mais pas en ma présence si possible. Et, faites-moi plaisir, méprisez-moi autant que je vous méprise.

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L'amour c'est un enfant qui aime ses parents qui le frappent, c'est une personne violée qui aime son violeur, c'est toutes les personnes qui aiment des personnes qui leur font du mal et leur sont néfastes. Ces seuls éléments le discréditent entièrement.

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J'ai envie de dire "Barrez-vous, cessez de me contacter, laissez-moi". Mais je me rends compte que ce n'est pas tellement nécessaire, car c'est déjà ce qui se produit ! Mon comportement naturel a suffi à faire éloigner les gens, proches et moins proches. Je ne dois recevoir qu'une poignée d'appels amicaux par an, et à peine davantage de courriels. Je n'en émets pas plus. C'est bien ainsi.

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C'est comme si on me disait que j'allais aimer aller en boîte de nuit. Que je n'aime pas pour l'instant, mais que je n'ai pas eu la bonne approche jusque-là, les fois que j'y suis allé. Peu importe que j'en éprouve une répulsion profonde, on va me dire que je vais forcément aimer puisque le reste du monde adore ça. Que cela va stimuler mes sens, mon corps, que cela va me désinhiber, ou que sais-je encore. Rien ne saurait être plus intolérant, naïf, et à côté de la plaque.

De manière similaire, je ne peux que mettre le lien de ce texte que j'ai écrit en 2010 :
Le scénario immuable de l'interaction sociale

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Sur la proposition d'intégrer un groupe de travail (groupe de thérapie).
D'emblée ma première intuition était d'accepter. Pour qu'il se passe quelque chose. Mais je vais, évidemment, refuser.
Pour commencer les conditions me sont inacceptables. Un engagement de 6 séances, soit un minimum de 18 heures et 300 euros, sans savoir à quoi s'en tenir. Le minimum serait une séance d'essai après laquelle on peut arrêter. Un engagement de deux, au pire. Encore plus curieux pour moi est l'obligation de faire encore 3 séances, soit un minimum de 9 heures et 150 euros, après avoir annoncé que l'on arrêtait. C'est extrêmement contraignant et manque totalement de sens. Au mieux je pourrais tolérer le concept avec 1 séance supplémentaire, pas 3. C'est une bien curieuse préoccupation du bien-être des gens que de leur imposer 9 heures d'une activité qu'ils ont décidé d'arrêter.
Ensuite j'ai une assez bonne idée de toute l'inutilité de l'activité pour moi et, pire, de tout le mal qu'elle peut me faire. Et, je l'ajoute après coup, de celui que je peux faire aux autres. J'abhorre les gens, il faudrait voir à ne pas l'oublier. Il est probable qu'ils me poussent à bout puis que l'on se détruisent mutuellement. Je n'ai pas spécialement envie de devoir vomir sur ce qu'ils sont, ce qu'ils éprouvent, ce à quoi ils aspirent. C'est pourtant ce qui finira par se passer, si on me pose la question. Et, selon toute logique, je suppose qu'ils finiront aussi par vomir sur mon comportement, et ils auront raison. Epargnons-nous tous ces désagréments.

04/03/15

Hier j'ai repensé à l'ensemble des séances de psy que j'ai faites ces 3 derniers mois, et cela a abouti à une grande colère. Je peux affirmer qu'il y avait zéro pourcent de positif dans l'existence de cette colère.
Oui je pense qu'au bout de 3 mois, à 1 séance par semaine, si on travaille avec une personne compétente, il se passe quelque chose de positif. Faute de cela je ne peux que conclure, sinon à l'incompétence, à l'inutilité.
Je regrette car j'avais fondé quelques espoirs. Bien que maigres ils avaient l'immense mérite d'exister, ce qui n'est habituellement pas le cas. Je me réjouissais même de leur existence.

Je regrette un manque d'implication et d'investissement de mon psy. Une fois, alors que je mettais l'accent sur ce manque de considération, il m'a fait comprendre qu'il avait 35 patients par semaine, 55 en ajoutant les groupes. Cela fait comprendre que l'on n'a que 1/35ème ou 1/55ème d'attention. Pour les patients (est-ce bien le terme ? j'imagine) qui n'ont pas une estime de soi élevée - soit, je suppose, la majorité d'entre eux - c'est un coup supplémentaire porté. Le psy insista sur le fait que pendant l'heure qu'il passe avec son patient il est à 100% avec lui. Je ne peux que répondre "encore heureux...". Mais c'est insuffisant. Et cela fait penser à du travail à la chaîne. Il est normal, avec autant de patients, de ne plus trop savoir ce qu'on a dit à tel ou tel patient. Il y a donc des risques, que j'ai moi-même pu constater, de répétition. La précaution orale "Vous ai-je parlé de... ?" pallie partiellement mais je ne crois pas qu'il soit possible de travailler dans les meilleures conditions sans savoir à tout moment de quoi on a parlé ou non avec le patient, quel atelier on a fait ou pas fait, et donc en général l'historique des séances et des échanges. C'est à la fois un manque de considération et un manquement technique qui ne peut que nuire à la qualité du travail et du suivi. Appelez cela du perfectionnisme, de l'idéalisme, ou autre chose. Mais en effet j'ai la faiblesse de penser que si on prétend aider des personnes qui sont en grande difficulté, dépressives, désespérées, suicidaires pour certaines, il convient de s'y concentrer à 100% et de tout mettre en œuvre pour maximiser l'attention, la considération, et la qualité de la thérapie. Sinon on peut essayer d'en suivre le plus possible, que cela soit par souhait malsain d'augmenter ses revenus ou par une croyance naïve et partant d'un bon sentiment de pouvoir tous les aider, et en conséquence faire fatalement les choses à moitié, voire les bâcler. C'est sans doute un choix à faire.

Que puis-je déplorer ? Cette histoire étonnante de c'est "ici et maintenant" qui compte. C'est faux. Et si c'est l'un des fondements en psy, alors il faut considérer ce domaine comme une mascarade et tout jeter à la poubelle. Cela fait un peu penser à Carpe diem. C'est bien gentil mais limité. Quelque chose de limité - de si limité - ne peut être un fondement. Ou alors ce qu'il fonde est entièrement douteux. "ici et maintenant" c'est combien de temps, 1 seconde ? 5 secondes ? Comment oser considérer que, pour un patient, ce qui "compte", c'est cette seconde, ou ces 5 secondes, plutôt que les quelque 600 000 autres secondes qui séparent 2 séances hebdomadaires ? La première question pertinente à poser, selon moi, c'est pas "comment te sens-tu là maintenant ?", c'est "comment t'es tu senti au cours des 600 000 secondes écoulées depuis la dernière fois ?". Chaque seconde peut potentiellement être une souffrance, chaque moment. Donc s'intéresser au "ici et maintenant" en priorité, et parfois même en exclusivité, c'est mépriser toutes ces souffrances potentielles passées, ces - pour pousser un peu le trait - 600 000 souffrances potentielles, pour ne parler que de la semaine écoulée. Et, si on prend par exemple l'année écoulée, car c'est évidemment important comment s'est sentie la personne sur l'année écoulée par exemple, alors on parle de 31 millions de souffrances potentielles, et on les méprise. Ca c'est pour donner une idée de l'importance du passé, ne serait-ce que la semaine écoulée, ou l'année écoulée. Et l'important, au delà du présent, c'est le futur, car c'est bien le futur que l'on tente de construire. Et, cliché ou pas, je ne vois pas comment on peut espérer construire le futur sans s'occuper du passé.

Que puis-je déplorer d'autre ? Il y a cette remontrance incroyable qui m'a été faite autour de ma 10ème séance, comme quoi je n'aurais pas exprimé de manière explicite le fait de vouloir être aidé. Putain ! C'est le seul mot qui me vient en tête. Je viens consulter pour quoi si c'est pas pour me faire aider ? Pour faire du tourisme ?? Pour faire la conversation ?? Pour mon bon plaisir ?? C'est fou ça quand même ! Totalement effarant. C'est comme si vous allez chez un garagiste une fois par semaine pendant 2 mois et un jour il vous dit que vous ne lui avez pas précisé que vous attendez de lui qu'il répare votre voiture. Délirant. Ok j'ai cherché une explication derrière ce truc, du style ça veut dire que dans la vie il vaut mieux préciser explicitement ce que l'on veut à son interlocuteur car tous ne le comprennent pas forcément implicitement, mais c'est trop gros, car n'importe quel garagiste, même demeuré, comprend que son travail c'est de réparer la voiture qu'on lui apporte. De plus je n'ai vraiment pas digéré cet épisode car j'avais écrit plusieurs courriels, et quelques sms, et ils contenaient de nombreuses attentes, questions, implicites et explicites. A dire vrai la seule explication rationnelle que je vois ici, c'est que je n'ai rien compris à ce que mon psy m'a dit. Et ce n'est pas un très bon signe lorsqu'un psy ne sait pas se faire comprendre de son patient. Même si cette phrase me pousse naturellement et rapidement à me dire que ça doit être parce que je suis demeuré.

Que puis-je déplorer d'autre ? Sans nul doute cette audace à prétendre qu'il faut décider d'aller mieux pour aller mieux. Je crois que les gens finissent toujours, tôt ou tard, par y venir. Généralement lorsqu'ils sont à cours d'arguments et de propositions. On ne peut pas leur en vouloir. Cela me fait penser à "si on veut on peut", proverbe que j'avais attaqué dans un texte vers 2001. Cela me fait aussi penser à ces livres de "Développement personnel" avec de tels proverbes et concepts bateau. Je viens de regarder la 1ère page de cette rubrique sur Amazon, et on y trouve justement un livre "Et si on décidait d'aller bien". Bah oui, bien sûr. Pourquoi n'y a-t-on donc pas pensé plus tôt hein. La solution était si simple, juste sous notre nez. Alors je sais, on va me dire que ce n'est pas "la solution", qu'il n'y a d'ailleurs pas "de solution", mais que cela va y contribuer, et/ou que c'est la première étape, ou que sais-je encore. Blablabla.

De manière similaire, il y a cette question de la prise de décision en général. Mon psy a souvent insisté sur le fait que je pouvais/devais choisir, décider. Sans doute (re)devenir acteur ou un truc du genre. C'est problématique de ne pas comprendre qu'une personne ne puisse pas avoir les éléments lui permettant de prendre une décision. Les gens dépressifs, typiquement, ont du mal à décider. Un psy devrait être particulièrement au courant de ce problème non ? C'est étrange. Lorsque les choses perdent tout relief il devient pratiquement impossible de décider de quoi que ce soit. On ne voit plus les différences entre les différents choix. Bon courage pour prendre une décision dans ces conditions.

On ne peut changer le fonctionnement humain. On ne peut changer le monde. Et je suis ce que je suis. Ainsi les choses vont rester ce qu'elles sont. Ce n'est peut-être pas très optimiste, mais c'est très réaliste.
Les humains en sont à un stade primitif. Oui ils étaient encore plus primitifs il y a 500 ans, et plus encore il y a 50 000 ans. Et ils le seront un peu moins dans 500 ans, et encore un peu moins dans 50 000 ans. Il m'apparaît que je suis né quelques siècles trop tôt, ou plutôt quelques millénaires trop tôt. Prétentieux ? Je n'en sais rien, c'est ce qui m'apparaît le plus vraisemblable. Et encore, on remarquera que c'est une hypothèse optimiste.
Je regarde ce que les gens font et c'est fou. Je regarde ce qui les préoccupe et c'est fou. Observons un peu attentivement la situation et osons prétendre que cela ne nous donne pas quantité de raisons de nous pendre.
Il m'est surprenant que je sois encore en vie. Et ce n'est pas une réussite.

J'ai émis mes doutes sur le fait qu'une personne supportant mal les interactions sociales puisse se faire aider par le biais d'une psychothérapie, à savoir une conversation orale entre deux personnes. C'est d'une bête logique. Implacable.

Avais-je besoin de consulter pour m'entendre dire que j'avais besoin d'amour ? Pour m'entendre dire que je devais me laisser porter par mes émotions ? Qu'il est bon d'essayer d'avoir un esprit sain dans un corps sain ? Ce sont des phrases et des concepts qui peuvent être prononcées et portés par le premier poireau au comptoir du coin. J'attendais un peu plus. A tort sans doute.

Vous avez vraiment cru que j'allais aller mieux en venant une fois par semaine papoter [ok, parler] et m'entendre me demander comment je me sens ? C'est un peu réducteur, je l'accorde, mais l'idée est là. Cela me met très en colère. Vous faites ça avec les autres ? Ça les aide ? Vraiment ?

Très chers, je préfère l'inertie à l'action, le silence au bruit, le froid au chaud, l'obscurité à la lumière, le vide au plein, la solitude à la compagnie. Figurez-le vous. Et ainsi comprenez que je vous méprise. Il me semblerait d'ailleurs logique que vous me rendiez la pareille. Comprenez surtout que nous ne puissions nous comprendre.

Se concentrer sur le bien-être de l'instant présent, cela engendre une société où les gens passent leur temps à bouffer et baiser, entre autres. On peut utiliser le champ lexical non péjoratif, oui : manger et faire l'amour, mais cela ne change pas grand-chose au résultat. Personnellement ce n'est pas la société, le monde, dans lequel j'ai envie de vivre. Mais je suis quelque peu minoritaire...
Pardon. J'ai oublié ce qu'ils faisaient le reste du temps. Ils passent leur temps à aimer et se faire aimer. Très utile... Très utile pour quoi ? Ah oui, pardon, j'avais presque oublié, pour le bien-être. On s'en fout de l'utilité, seul le bien-être compte. Bah oui, bien sûr.
Faites ce que vous voulez hein. Mais comprenez que cela puisse me déprimer.

Une vision du monde et des choses n'est pas fausse ou erronée simplement parce qu'elle rend malheureux. Ce n'est pas un argument valable. Par exemple les pionniers peuvent être malheureux dans des sociétés où ils ont compris les choses en avance sur tout le monde, où personne ne les comprend, où les gens les méprisent. Ils n'ont pourtant pas tort. Devraient-ils se conformer à ce que pensent les autres ? Espérons que non.
Utiliser l'argument du bien-être ou du mal-être pour justifier de la pertinence d'une vision, d'un comportement, c'est ça qui me semble erroné, c'est ainsi que l'on se fourvoie. Mon psy est pleinement concentré sur cet élément. Nous ne pouvons poursuivre.

Je me trompe probablement sur toute la ligne hein. On peut sans doute prendre tout ce que j'ai écrit et le brûler ou le jeter. J'ai forcément tort. Puisqu'il n'y a qu'une seule façon de voir les choses, et que c'est la bonne. La mienne est forcément hors-sujet puisqu'elle ne débouche que sur mon mal-être. Forcément.

Comme je l'ai déjà dit, je n'ai aucune piste pour aller mieux. C'était d'ailleurs mon argument pour ne pas arrêter de consulter. Et donc arrêter c'est plus ou moins synonyme de se condamner. Cela donne une assez bonne idée d'à quel point je supporte mal de continuer. Ces séances me font penser à la vie. Je ne peux facilement arrêter de vivre, mais au moins je peux arrêter les séances, ouf.

05/03/15


Voilà c'est fait. J'ai effectué ma dernière séance de psy ce jour. Je lui ai remis mes notes des 3 et 4 mars.

C'est un certain soulagement. Je pense que cela va me faire un peu gagner en apaisement, car c'était assez torturant. D'un autre côté je n'y perdais pas non plus énormément - comme je n'y gagnais pas énormément - donc le changement ne devrait pas être radical. Je vais quand même éviter ces peurs limite paniques à l'idée de situations sociales. Je vais revenir à ce que je connais, comme l'a dit BA. Il a dit que j'arriverai à vivre comme avant, j'ai précisé que je n'arrivais pas à vivre, il a reformulé.

Nous avons parlé de sa proposition de travail avec le groupe. Il l'a réitérée. Il a dit que 18 heures ce n'était pas énorme. Que l'engagement c'était aussi par rapport au reste du groupe. J'ai répondu que j'avais oublié qu'autrui comptait dans l'équation, comme à mon habitude, et je ne le déplore pas, je suis ainsi. [Parenthèse. Il a dit que récemment une personne était partie et que cela avait déstabilisé le groupe. La toute première phrase qui me soit venue à l'esprit est "Les pauvres chéris !". Mais j'ai dit "ils ne sont pas très stables alors". Il m'a demandé si j'étais un modèle de stabilité, j'ai répondu que non. Mais deux jours plus tard je me suis dit que j'étais tout de même assez stable finalement, dans mon genre. La personne qui est partie leur a offert une grande peluche, un mouton. No comment sur ce cadeau (...) mais, devinez quoi, le groupe l'a baptisé du prénom de la personne partie... ! Si je l'envisage, rappelez-moi de ne jamais rentrer dans ce groupe (jamais). Merci.]
Il a parlé de ma distanciation avec mes émotions (mon vocabulaire devient plus distancié lorsque j'évoque mes émotions). Je confirme, je suis ainsi.
Il a demandé pourquoi j'avais continué les séances jusque-là, j'ai dit que c'était par désespoir, dépit. [Il m'a fait reformuler en "j'ai continué parce que j'étais désespéré", me parlant de ma distanciation. Je ne suis pas sûr de comprendre la différence avec "j'ai continué par désespoir"...]
Il a confirmé qu'il ne pouvait pas m'apporter du sens, mais de l'expérience. Il a dit à une ou deux autres reprises qu'il fallait cesser de se demander "pourquoi". Je ne peux pas faire ça.
Il a émis des doutes sur le fait que je puisse connaître les gens, savoir comment ils fonctionnent, leurs réactions. J'ai dit que tout le monde fonctionnait de la même façon, de manière humaine, et que moi je fonctionnais de manière différente. Que je savais qu'eux considèrent que chaque personne est unique et différente, moi pas. Que c'est l'une de nos différences majeures.
Il a parlé de partage d'émotions, avec la nuance entre un groupe qui partage une émotion par rapport à quelqu'un, et une foule de personnes qui partagent l'écoute d'un concert [ou même 2 personnes qui écoutent un morceau dans une pièce] (pour lui ce n'est pas un partage d'émotion). Je remarque qu'il différencie les émotions sociales et les autres. Il ne le voit pas exactement ainsi mais moi particulièrement, je sais que j'ai un problème avec toutes les émotions sociales, toutes les émotions qui sont le fruit d'interactions sociales, et beaucoup moins avec les autres émotions.
Il a cité un modèle de son idole Eric Berne, 4 indicateurs de je ne sais plus quoi (le développement personnel ? la structuration personnelle ?), la structuration du temps (emploi du temps, interactions avec autrui, reconnaissances d'autrui), le sexe, l'argent, les entrées/sorties (agressivité, nourriture, etc.). J'ai dû dire que l'argent était surestimé et surévalué, et que je ne comprenais rien à cette échelle.
Il a dit que je recherchais sans cesse le duel en venant, que je contredisais souvent. J'ai dit que je ne recherchais pas la contradiction, que ma ligne était assez fixe. Quoi qu'il en soit nous étions d'accord sur le fait que je venais rechercher quelque chose qu'il n'avait ou ne voulait pas me donner.
Il a pas mal parlé de relations sociales et d'interactions sociales, comme à son habitude.
J'ai évoqué quelques morceaux de ma note du 4 mars, qu'il lira plus tard (il avait lu celle du 3 par mail). Notamment le fait qu'il lise mes écrits en diagonales. Il a dit que le reste du monde lisait peut-être aussi en diagonales. J'ai dit que j'étais d'accord et que c'était bien le problème.
Il a reparlé de la thérapie de groupe, des échanges entre les gens. Cela m'a fatigué et mis mal à l'aise. Je m'en fous des gens.
A la fin j'ai dit que les seuls êtres avec qui je pensais éventuellement pouvoir converser c'étaient des êtres non humains. Il a dit qu'à son avis j'étais mal à l'aise avec ce constat. J'ai répondu que non. J'ai ajouté qu'évidemment cela avait des conséquences délicates.
En fin de séance il a passé du temps à parler d'Alice Miller, expliquant le traumatisme du bébé de 1 an qui est dans un parc avec ses parents très amoureux qui se dévorent mutuellement des yeux, vont acheter une glace, commencent à la manger, et lorsque le bébé tend les bras pour réclamer quelque chose lui donnent la glace alors qu'il réclamait de l'attention et de l'amour. Que le bébé ne va pas redemander ça une deuxième fois et considérer qu'il n'a pas droit à l'amour, et que ce traumatisme pourra rester jusqu'à par exemple l'âge de 40 ans où il ira voir son psy et lui demandera, par exemple, s'il s'y connaît en castration chimique. J'ai fait remarquer que le fonctionnement humain était réellement mal fait. Il a dit qu'il était d'accord. J'ai posé plusieurs questions pour savoir s'il était sûr que le bébé n'allait pas redemander une 2ème fois car ça me paraît curieux. J'ai dit que normalement il fallait répéter un apprentissage pour qu'il devienne acquis. Il a dit que pour certaines choses on apprend très vite. Il a dit qu'il s'y connaissait en bébés secoués, je crois que c'est peut-être son cas. Peu importe. Je n'ai pas bien compris s'il sous-entendait que j'avais sans doute subi quelque chose de similaire qui m'empêchait de recevoir ou traiter correctement les émotions ou l'amour, si c'était en bas âge ou pas, si c'est une pathologie ou pas (alors qu'il avait déjà dit que je ne présentais pas de pathologie).
Il a dit qu'il aimerait que je reste moins sur mes certitudes. J'ai fini par répondre que je prenais souvent des précautions de langage comme "il me semble que", "je suppose que", etc., mais que cela n'était sans doute pas encore assez.
Je ne me souviens pas de quoi d'autre on a pu parler, j'ai dû faire à peu près le tour. Ah oui, je lui ai montré la carte qu'A. m'a envoyée de Roumanie, que j'ai relevée au courrier juste avant de venir, avec un petit mot gentil et un joli porte-bonheur collé sur la carte. J'ai dit que j'ai pris note qu'A. avait pensé à moi et que j'allais jeter cette carte dans une poubelle en sortant, ou dans sa poubelle. Il a dit que si je la jetais dans sa poubelle il la récupérerait pour la mettre dans la pochette de mon dossier. J'ai dû soupirer d'agacement. Il m'a demandé pourquoi je ne la gardais pas 1 mois [le porte-bonheur se garde 1 mois selon la tradition roumaine], comme suggéré dans le petit mot, j'ai répondu que c'était un enfantillage, il m'a demandé en quoi c'était un problème, il m'a dit que ses enfants (ados) faisaient parfois des enfantillages et que cela ne le dérangeait pas, j'ai répondu que c'était la différence entre lui et moi. Il a dû redemander s'il pouvait mettre la carte dans mon dossier, j'ai répondu que peu m'importait, il l'a mise. Il a terminé en disant qu'il restait disponible si j'en avais besoin. Il a dit qu'il aimerait que je me montre plus ouvert, j'ai répondu que là j'étais assez fermé. Je lui ai dit qu'il pouvait ajouter mon adresse mail à ses diffusions de stages et autres. Mais je n'ai pas envie d'y retourner.

Je suis à la fois attristé de voir que ma seule porte de sortie se referme, que je la referme devrais-je dire, et à la fois soulagé de laisser loin cette activité sociale et intrapersonnelle assez éprouvante. Je peux me réjouir d'avoir su faire un choix, en tout cas. Même si c'est peut-être le mauvais choix dans l'absolu, difficile à dire. Peut-être est-ce le choix de la peur, de la fuite, de la facilité. Peut-être. Cela me rappelle assez fortement ma sortie de clinique en 2003 : "Je ne souhaite pas changer. Alors je n'ai plus qu'à rentrer chez moi." En mai dernier, au moment où j'ai commencé à aller nettement plus mal, j'avais écrit 5 pages une nuit où j'étais perdu, malheureux et désespéré, et j'avais dit que j'étais peut-être prêt à changer, que je n'avais pas le choix de toute façon, que j'allais trop mal. Il semblerait que ça ne soit finalement pas le cas. Visiblement je préfère l'inconfort de mon malheur connu, à la potentialité du changement, à la potentialité du vécu des interactions sociales, à la potentialité de l'accentuation de l'émotionnel, à la potentialité de vivre. C'est ça, et cela en dit long sur mon rapport au monde.