24.12.08

La question de l'autorité

Notes que j'ai prises en revisionnant le Ce soir ou jamais du 9 décembre 2008. Parmi les intervenants je me suis contenté de rapporter les propos qui me semblaient mériter intérêt.

Intro
Sarkozy parlait dans sa campagne de réhabiliter l'autorité (ainsi que le travail, la morale, le respect, le mérite). L'autorité dans la justice, l'éducation, l'économie.

Intervenants
Daniel Sibony, psychanalyste. "L'enjeu d'exister"
Thierry Levy, avocat.
Clémentine Autain, femme politique.
Matthieu Grimpret, professeur d'histoire et écrivain.
André Varinard, professeur de droit pénal.

Commission présidée par André Varinard, demandée par le gouvernement, sur le système judiciaire pour les mineurs.
Présomption de discernement à partir de 12 ans (responsabilité pénale).
Incarcération désormais impossible avant 14 ans (107 incarcérations entre 13 et 14 ans en 2008).
En 5 ans le nombre de mineurs emprisonnés par an est passé de 8000 à 4200.


Autain
Ambiance sécuritaire, amenée par Sarkozy.
Autorité à l'ancienne = sanction, le dialogue n'existe pas.
De plus en plus de condamnations. Répression.

Sibony
Si on sanctionne à 10 ans, 9 ans, 7 ans, est-ce qu'on est plus autoritaire ? Plus sourd ? Plus répressif ?

Étymologie d'autorité : vient du mot auteur. L'autorité normalement doit correspondre à quelque chose.
La personne qui se prétend d'une autorité est-elle simplement là pour appliquer un règlement ou a-t-elle un message à faire passer, en rapport avec la vie ?
L'autorité normalement ce n'est pas une substance, quelque chose qu'on peut durcir ou relâcher, mais une relation à 3 : le jeune, l'éducateur, et autre chose qui est comme la transmission de la vie.
Quand les jeunes provoquent des adultes, ce n'est généralement pas par perversité pour le plaisir de voir l'adulte se débattre, c'est parce qu'ils veulent voir comment il fonctionne quand il n'a plus le mode d'emploi, quand ce n'est plus une mécanique, une simple application.

Lorsqu'ils sont jeunes, les enfants respectent totalement leurs parents (qui sont leurs auteurs !), l'autorité est naturelle, la transmission de savoirs étant le 3ème élément. Plus l'enfant grandit plus il cherche à savoir ce qu'il y a derrière, il veut en savoir toujours plus. Lorsque les parents n'ont plus rien à leur offrir, l'angoisse se crée, angoisse qui peut se traduire en actes de violence.
Phénomène nouveau ? On se questionne sur de quoi est faite l'autorité, c'est ce qui est nouveau. C'est une très bonne chose car on voit que la société se dirige vers une autorité complètement abstraite où des personnes représentent une autorité mais en appliquant au nom de la loi, du bon fonctionnement, cas où il n'y a personne derrière l'autorité.
Les personnes passionnées seraient plus respectées puisque les enfants perçoivent qu'il y a quelque chose derrière, le 3ème élément est clairement perceptible. Cas contraire : professeur réduit à sa fonction de professorat sans apprécier ce qu'il transmet, le manque de respect guette.


Autain
Question du sens et de la légitimité de l'autorité.
"Faire autorité", quelqu'un qui est respecté, admiré.
La société perd la notion d'autorité pour tomber dans la répression, l'imposition.

Mai 68 a bousculé les conceptions de l'époque. Mais c'est comme si on avait voulu faire disparaître l'autorité. Avant de se rendre compte qu'il en fallait bien une. Mais laquelle, sous quelle forme ?

De nos jours dans plein de domaines, il y a explosion des rapports d'autorité.

Sibony
Structures d'accueil des enfants, des familles, débordées car trop de problèmes.
Mais dans toutes les sphères.
Exemple : autrefois les gens allaient chez le médecin et s'inclinaient devant son "autorité médicale". De nos jours des personnes y vont en s'étant déjà renseignés sur internet et c'est tout juste s'ils ne leur dictent pas l'ordonnance.
Démocratisation des connaissances, bénéfique. Mais interpellation du médecin sur son apport réel. Il doit faire preuve de son authenticité, de son utilité.
C'est la crise de l'autorité. Ce qui est bénéfique en soi.

On demande à celui qui exerce l'autorité si la loi qu'il doit appliquer n'est pas réduite à sa propre envie de faire appliquer une loi. Personne n'est prêt à supporter la jouissance de celui qui est en face, déguisée au titre de la loi. On demande ce qu'il y a derrière.

C'est pas réclamer d'être à égalité. Si les parents ou les profs se mettent à égalité des enfants, c'est démoralisant, il n'y a plus de parent, plus de prof. Ce n'est pas du tout ça l'autorité.

Grimpret
Celui qui exerce l'autorité est là pour faire en sorte que celui sur qui il l'exerce puisse se développer et s'épanouir.
L'élève doit sentir ses limites et le professeur également.


Autain
Rapports de pouvoirs.
L'autorité ne dois pas confiner à l'abus de pouvoir
Totalitarisme = l'autorité devient une fin en elle-même.

Le gouvernement a tendance a confondre l'autorité et l'autoritarisme.

Souvent la justice est prise à partie pour régler des questions de domination, des cas par cas.

Levy
L'autorité ça ne se décrète pas, c'est pas quelque chose qui est décidable. C'est un comportement, si c'est admis ça a de la valeur, si c'est rejeté ça en perd.
On assiste aujourd'hui à des décrets d'autorité, de la part de gens qui reconnaissent implicitement qu'ils ont perdu toute autorité.
Exemple du chef de l'Etat flagrant, qui se montre familier avec "le peuple" qui ne fait pas partie comme lui de l'Elite. Il perd son autorité et il devient de plus en plus autoritaire. C'est une gesticulation de l'autorité qui perd encore en valeur.

Grimpret
3/4 des parents d'élèves viennent me dire qu'ils sont dépassés. L'autorité a disparu.

Sibony
Allusion à un texte de 2003 où l'Etat demandait aux parents d'être plus autoritaires, de faire preuve de plus d'autorité.
C'était très touchant puisque l'Etat disait aux parents qu'ils doivent exercer leur autorité car s'ils ne le font pas, la société est débordée.

Paradoxe de l'autorité : si vous exercez une autorité sur des personnes, si vous n'êtes qu'un exécutant, un robot de cette autorité, pour qu'ils l'admettent vous devrez vous raidir et vous perdrez encore de la légitimité. C'est ce qui se passe avec les parents : ça déborde, ils se raidissent, il y a perte de légitimité, c'est le cercle vicieux.
Le danger c'est que la société tende vers une succession de règlements, une autorité abstraite, où les exécutants ne s'impliquent pas. Peur des responsabilités donc se cacher derrières des textes. Problème qui va s'étendre.

Autain
L'Etat contrairement à son discours ne cesse de déréguler l'économie, d'augmenter les effets du capitalisme, et compense par de l'autoritarisme (sécuritarisme, fichiers de données personnelles, surveillance, etc).

Sibony
La crise économique est un élément supplémentaire dans la crise de l'autorité car l'argent était censé être géré par des personnes compétentes contribuant au développement général, or toute cette belle mécanique s'est grippée, faisant perdre une énorme légitimité à tout le secteur.
Lutte de pouvoir, l'Etat s'est porté garant de x milliards.
C'est le procès de l'autorité au nom de la compétence. Même la compétence va avoir du mal à faire prendre des positions autoritaires.

Levy
Crise de gens qui voient un pouvoir leur échapper et qui essaient de remplacer cette perte par des affirmations spectaculaires, qui ne font finalement que réduire la liberté et la responsabilité.

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