Je suis maintenant sans cesse angoissé à l'idée de reparler avec J. C'est difficile à définir, d'un côté il y a de l'excitation et de l'autre une peur. Je ne sais pas si les autres arrivent mieux à décrypter leurs sentiments. En théorie ils sont plus habitués à en avoir, mais ils sont aussi à priori moins habitués à s'analyser. Du coup je n'en sais rien.
Ne pas savoir, c'est bien ce qui est caractéristique de cette situation. Ne pas savoir quelle attitude adopter. Je crois pouvoir dire que les rares relations (internet) que j'ai entamées dans le passé ont pris fin pour 3 raisons : je veux trop avoir raison, je montre trop que je m'intéresse, nous ne partageons pas assez de points communs. Je me suis bien sûr à chaque fois beaucoup interrogé sur les raisons expliquant la fin des échanges.
Si les 3 raisons mentionnées sont vraiment les principales, j'imagine que celle du milieu est la moins grave, bien que j'aie souvent eu l'impression que c'était un obstacle ennuyeux; par rapport à cela je n'ai aucune idée de l'attitude à adopter. Quand on parle d'attitude, beaucoup de monde rétorquera cette phrase commune : le mieux est d'être soi-même. Est-ce que je sais ce que c'est ? Est-ce qu'en général les personnes savent ce que c'est que d'être elles-mêmes ? Je ne suis pas sûr que cela s'applique à la question de la quantité d'attention qu'on doit montrer à l'autre. La question me semble compliquée : implicite ? explicite ? En quelle quantité ? Cette analyse doit amuser les personnes qui parviennent à se comporter spontanément, ou plutôt les personnes qui n'analysent pas ou peu.
A propos du fait que je veuille trop avoir raison, je ne sais pas où j'en suis. Lorsque je relis certaines de mes anciennes conversations, ça me semble apparaître en fil rouge, ça me semble presque évident. Mais je ne suis pas sûr de la nature de cet élément. Est-ce que j'utilisais simplement, sans le savoir, des techniques d'orateur, pour finalement avoir le dernier mot ? Ou est-ce que j'argumentais réellement bien, creusant réellement le sujet ? Quoi qu'il en soit j'imagine qu'avec le temps je me suis amélioré, bien que ça soit un élément qui fait probablement profondément partie de moi-même.
A propos des points communs c'est bien sûr une question ancestrale. Pour peu qu'ils comportent la question du tempérament, du caractère, j'imagine qu'on obtient une problématique assez complète et assez complexe. Laissons ce dernier point de côté pour l'instant pour se reconcentrer sur les points communs en terme de centres d'intérêt. Pour être cru j'aurais tendance à penser que si ce n'est ni une joueuse d'échecs ni une scrabbleuse, les chances de construire quelque chose sont minces. Mais présentement je n'ai pas de moyen de savoir si je me trompe. Un point commun peut être la façon de percevoir les choses, de concevoir la vie, mais est-ce assez fort pour être une base ?
Est-ce que l'amour c'est comme le bonheur : dès qu'on commence à analyser ça disparaît ? J'avais même dit ça du plaisir, l'élément le plus petit mais peut-être aussi le plus palpable. Est-ce qu'on peut seulement imaginer des amitiés à partir du moment où on commence à analyser ? Est-ce même envisageable ? En ce cas comme je suranalyse tout, parfois bien malgré moi, est-ce que je n'accèderai jamais à ce qui est appelé l'amour ? C'est amusant car on en revient à cette petite hypothèse émise il y a quelques années : tous les cas où je croyais être amoureux seraient en fait explicables de manière rationnelle, c'est-à-dire que contrairement à ce qui est censé se passer, c'étaient des éléments rationnels qui me menaient à l'état amoureux, qui en lui-même me semblait pourtant naturel. Peut-être que même à 9 ans, cette fille que j'aimais - peut-on appeler ça comme ça à cet âge ? -, je l'aimais juste parce qu'elle me ressemblait ? Ou alors la question est-elle plus complexe et les enfants raisonnent-ils simplement en terme de ressemblance, les choses changeant un peu plus tard, quand ils commencent à cesser d'être des enfants ? Ce mélange entre la rationnalité et les sentiments m'est-il propre ? Ou est-il habituel et plutôt généralisé ? En ce cas est-ce juste que les personnes ne s'en rendent pas compte ? En tout cas en ce qui me concerne, ça nous fait revenir à Damasio - dont les travaux, en très résumé, indiquent que la raison et les émotions ne seraient pas séparées, contrairement à la vision de Descartes - mais alors Monsieur je vous le dis : chez moi ça crée un chaos pas possible; la tendance générale étant que ça reste relativement séparé, et que la raison à une tendance à supprimer les émotions. Je terminerai en disant que ceci peut paraître incongru dans la mesure où je viens de parler de la supposition que c'est sur la base d'éléments rationnels que certaines de mes émotions se créent, mais dès que je commence à perdre la tête (je dirais que cet état se limite au sentiment amoureux ou approchant) ma raison vient "désactiver" progressivement le sentiment, car en quelque sorte elle supporte mal de perdre le contrôle.
Je reviendrai probablement sur cet épineux sujet, tôt ou tard.